dimanche, 03 septembre 2006
Il y a un rappel de l'Italie
"Saint-Flour : il y a un rappel de l'Italie dans la manière qu'a la ville de coiffer de ses tours la colline abrupte, dans le dessin spacieux de son esplanade, dans la belle pierre noire de ses hôtels aux cours herbeuses, qui sont ceux d'une ancienne petite cité princière de l'Apennin ou des Abruzzes ; mais dès qu'on quitte le sommet du plateau - sa cathédrale, son évêché, ses lourds bâtiments officiels carrés et l'arceau bas de leur porche, frais et ombreux comme le corps de garde d'une capitainerie de Castille - la dégringolade paysanne des ruelles de terre ravinées est pleine de chats errants et de traînées d'urine. Du haut de sa terrasse, par delà la coupure profonde du ravin, on découvre l'énorme dos de baleine de la Margeride qui court plonger vers le sud, les lourdes ombres de ses nuages glissant sur des sapinières plus touffues que celles des Vosges. Aucune route ne traverse Saint-Flour - le carrefour, bondé de postes d'essence et de stations-service toutes neuves, très loin en contrebas de la ville, s'atteint au bout d'une spirale descendante qui dévale de la butte plate. C'est un bout-du-monde suspendu au-dessus d'un panorama de plateaux bossués tout tigrés de nuages, ses maisons tellement à la gêne sur le sommet rétréci de la butte que leur porte s'est comprimée en une fente étroite où il semble qu'on ne peut entrer que de profil. Le noms délicieux de la ville comble à la fois l'oreille et le palais par sa sonorité en même temps veloutée et compacte, sa saveur et sa consistance naïve de far paysan : Saint-Flour, où s'est distillée la quintessence des herbages odorants du Cantal, et moulu le blé de ses planèzes, lourd comme la grenaille de plomb, est un gâteau auvergnat compact de fleur de farine."
Julien Gracq, Carnets du grand chemin, José Corti Editeur, 1992
00:18 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gracq, saint-flour
samedi, 02 septembre 2006
D'étonnants points de rencontre avec la jeunesse actuelle
"En 1833, Musset écrit Les Caprices de Marianne. Il a vingt-trois ans. La génération de 1830 a d'étonnants points de rencontre avec la jeunesse actuelle : "assise sur un monde en ruine", elle assiste à l'enterrement des idéaux révolutionnaires, au triomphe du matérialisme, à la corruption de la classe politique, aux reniements de ceux qui portaient haut le drapeau d'une vie nouvelle et qui s'embourgeoisent alors dans les lambris du pouvoir ; horrifiée elle se voit frappée par des épidémies mortelles, et pleine de dégoûts du monde et d'elle-même, elle est tentée par le suicide. Violemment, le romantisme va exprimer ces ravages de l'âme : est-il encore possible d'aimer dans ce monde usé ? Que faire de nos forces ? Dans le plus grand mépris des conventions de l'écriture théâtrale, le jeune Musset, libre, écrit le jeu de l'amour et de la mort. Ce sont les Caprices de Marianne."
Jean-Louis Benoit, metteur en scène
08:30 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : théâtre, Musset
vendredi, 01 septembre 2006
Roch-Gérard Salager
Roch-Gérard Salager a publié quatre titres à ce jour : Corps gisant lisse et nu et Paysages d'urgence, chez Jacques Brémond, De voix, de silence et d'eau et Jour de l'an aux éditions La Dragonne. Il poursuit une oeuvre très exigeante et originale, très décalée même. Rien ici de facile, d'évident, Roch-Gérard Salager creuse, fouille les mots, l'écriture est extrêment précise, si concentrée qu'elle en acquiert une certaine rondeur, une puissante subtilité, rendue à sa musicalité finalement : La désignation libère ce que le sens concède au monde, toujours en référence à une histoire, des lieux : Est-il vraiment heureux, ou bien simplement vrai, que la mobilité s'apparente à une sorte de tumulte alors que tout suggérait à l'homme de côtoyer la lente patience du lieu ?
"De voix, de silence et d'eau est une promenade littéraire qui nous emmène à Maguelone, mais aussi sur le Canal du Midi, au Pont du Diable près de Saint-Guillem le Désert et à Montpellier. Il est juste d'affirmer que le lieu appartient à l'espace. Du pied des dunes pourtant, lorsqu'il emprunte le chemin carrossable qui conduit aux édifices de Maguelone, le visiteur est saisi du sentiment contraire : ici le lieu commande à l'espace dont il reste solidaire cependant.
Les lieux décrits et visités s'enrichissent au fur et à mesure d'éléments qui s'y rattachent - on est vraiment dans une promenade littéraire - si bien qu'on est toujours là et en même temps ailleurs, dans une histoire, des mythologies, mais aussi une réalité, un vrai regard sur le monde, au fin fond de nous-mêmes finalement.
Louazna remarque que son père se fâche lorsqu'il est photographié ou filmé sur les plateaux du nord de l'Afrique en compagnie des bêtes dont il surveille le pâturage. Sa colère se fonde sur la conviction que la pellicule incarcère un instant arraché à tous les instants du monde et, partant, qu'un maillon irremplaçable fera défaut dans le kaléidoscope universel. Les bergers touaregs, poursuit Louazna, considèrent qu'un instant détourné, pour mince qu'il soit, peut provoquer un désordre cosmique susceptible de contrarier un homme en passe d'améliorer sa condition après bien des efforts, d'un autre sur le point d'acquitter une dette envers lui-même, d'un autre encore tout près d'obtenir les faveurs de la bien-aimée, la miséricorde des pierres, l'eau claire d'une oasis... Cela rejoint sans doute cette observation que Cézanne couche sur le papier d'une lettre adressée à son père. "L'instant du monde que je souhaite peindre ne peut être figé."
11:54 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Salager, promenade littéraire
jeudi, 31 août 2006
Retrouvées
La Madone et Le Cri de Munch, volées à Oslo il y a deux ans
Voir aussi le portfolio des grands tableaux volés
19:17 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Munch
Dérives sur le Nil
06:56 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mahfouz, nil, egypte
mardi, 29 août 2006
Instants du monde
Louazna remarque que son père se fâche lorsqu'il est photographié ou filmé sur les plateaux du nord de l'Afrique en compagnie des bêtes dont il surveille le pâturage. Sa colère se fonde sur la conviction que la pellicule incarcère un instant arraché à tous les instants du monde et, partant, qu'un maillon irremplaçable fera défaut dans le kaléidoscope universel. Les bergers touaregs, poursuit Louazna, considèrent qu'un instant détourné, pour mince qu'il soit, peut provoquer un désordre cosmique susceptible de contrarier un homme en passe d'améliorer sa condition après bien des efforts, d'un autre sur le point d'acquitter une dette envers lui-même, d'un autre encore tout près d'obtenir les faveurs de la bien-aimée, la miséricorde des pierres, l'eau claire d'une oasis... Cela rejoint sans doute cette observation que Cézanne couche sur le papier d'une lettre adressée à son père. "L'instant du monde que je souhaite peindre ne peut être figé."
Extrait du même auteur mystère (erratum, il a publié trois livres, celui-ci est le deuxième)...
09:29 Publié dans énigme | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jeu, instant du monde
lundi, 28 août 2006
Si vous êtes photographe...
Voici, pris sur le Blog de Gazelle, et extrait du Canard enchaîné, les prix indicatifs que vous pourrez gagner si vous réussissez les photos suivantes :
- Sarkozy en train d'écrire lui-même son livre (1 million d'euros)
- Villepin dans sa cabine d'UV (500 000 euros)
- Jospin mort de rire (300 000 euros)
- Le Pen aux Canaries repêchant des clandestins (photos couleur exigées : 100 000 euros)
- Hollande en train de lire "La Présidentielle pour les nuls" (75 000 euros)
- Strauss-Kahn jouant au golf avec Laurence Parisot (55 000 euros)
- Villiers en famille en Turquie (50 000 euros)
- Lang dégustant des moules-frites place des Vosges (25 000 euros)
- Laguiller faisant du lèche-vitrines place Vendôme (10 000 euros)
- Marie-George Buffet sur le yacht de Bernard Arnault au large de Ramatuelle (2 000 euros)
- Bové au parc Astérix (1 500 euros)
- Voynet et Nicolas Hulot en parapente (150 euros)
Quant à la photo de Chirac jouant avec Maman aux Mille Bornes, cela ne vaut pas une pièce jaune...
(Le Canard enchaîné, mercredi 16 août 2006)
22:15 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, photo
Ici le lieu commande à l'espace
Cette phrase est du même auteur-mystère (point encore trouvé) de la dernière énigme :
Il est juste d'affirmer que le lieu appartient à l'espace. Du pied des dunes pourtant, lorsqu'il emprunte le chemin carrossable qui conduit aux édifices de Maguelone, le visiteur est saisi du sentiment contraire : ici le lieu commande à l'espace dont il reste solidaire cependant.
19:50 Publié dans énigme | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Maguelone, jeu
dimanche, 27 août 2006
Des nouvelles de Borges
23:51 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Borges
Pour les Houellebecqologues
signalé par le premier d'entre eux, J J Nuel, le nouveau blog de MH, où il explique ses démêlés avec Hachette, entre autres...
23:40 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Houellebecq
Scoop !
22:37 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (6)
L'étoile a pleuré rose ?
17:55 Publié dans Actu | Lien permanent | Commentaires (5)
La lente patience du lieu ?
"Est-il vraiment heureux, ou bien simplement vrai, que la mobilité s'apparente à une sorte de tumulte alors que tout suggérait à l'homme de côtoyer la lente patience du lieu ?"
De qui est-ce ?
14:50 Publié dans énigme | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jeu
Les grands pays classiques
L'Occitanie c'est bien aussi. Allez voir un peu de ce côté-là :
« Les grands pays classiques, notre Provence, la Grèce et l’Italie tels que je les imagine sont ceux où la clarté se spiritualise, où un paysage est un sourire flottant d’intelligence aiguë ».
Cézanne
13:55 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Occitanie, Provence
vendredi, 25 août 2006
Aux terrasses de marbre
Oui je suis à Venise quand je suis heureux, le soir tombe sur la lagune, la lumière est grise et humide, les violons du Florian s'allument, le lion de Saint-Marc veille, l'ombre de Vivaldi glisse, Proust, Manet et Nietzsche sont attablés, la conversation est vive, Proust défend la splendeur orientale "Baudelaire, comme c'est supérieur à tout ce qui a jamais été écrit", Nietzsche rêve "cet instant se répétera à l'infini", Manet peint le Grand Canal comme personne, un autre illuminé, en ce moment à Aden, mais il est là aussi, un peu plus tôt a écrit : "tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses".
19:00 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : Venise, Proust, Manet, Nietzsche, Baudelaire
Venise
Woopeeh, j'ai cinquante ans aujourd'hui, en pleine forme ! et je suis à Venise !
16:50 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (11)
mercredi, 23 août 2006
Le livre utilisera Google et Internet en riant sous cape
Malgré ce qu'on répète, le contenant a une influence limitée sur le contenu. L'arrivée de la machine à écrire n'a pas beaucoup transformé le style des écrivains. D'une certaine manière, nos écrans sont plus proches de l'écriture manuscrite que ne l'était la machine à écrire: on peut corriger, recommencer sans fin.
A lire ici une interview de Jean-Noël Jeanneney sur l'évolution du livre et de la lecture
10:51 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, internet
mardi, 22 août 2006
Les intermittents ont un statut, pas les écrivains
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