lundi, 28 juin 2021
Alexandre
20:22 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre dumas
dimanche, 27 juin 2021
Alexandre le Grand (c'est lui) : Lettre d'amour, Alexandre Dumas, 1830
11:36 Publié dans amour, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre dumas
mardi, 15 juin 2021
Ivan Kanu
11:23 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ivan kanu
mardi, 08 juin 2021
Au loup ! Au loup !
La littérature est née le jour où un jeune garçon a crié Au loup ! Au loup ! alors qu'il n'y avait aucun loup derrière lui.
Vladimir Nabokov
Image de Ruvim Noga
15:24 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nabokov, ruvim noga
samedi, 05 juin 2021
Salvador Dalí et Federico García Lorca, Barcelone, 1925
19:27 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salvador dali, federico garcía lorca
vendredi, 28 mai 2021
Vous croyez tous ces racontars ? dit Verlaine
Vous croyez tous ces racontars ? dit Verlaine. Je ne me soûle, monsieur, que pour soigner ma réputation, dont je suis l'esclave. Je ne me soûle que quand je vais dans le monde.
Jules Renard, Journal (année 1894)
03:01 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : verlaine, jules renard
jeudi, 27 mai 2021
Un faux air de Turc en négligé
14:31 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gustave flaubert, emile zola, victor pieters
mercredi, 26 mai 2021
Portrait de Léon Tolstoï, par Yvan Kramskoy
23:04 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léon tolstoï, yvan kramskoy
jeudi, 20 mai 2021
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11:05 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel proust
mardi, 01 décembre 2020
La boutique Saint-Gély à Pézenas et le fauteuil de Molière
A Pézenas, Molière aimait s’installer dans le fauteuil du barbier Gély ; il écoutait les conversations qui ont sans doute donné naissance à quelques uns de ses personnages, dont certains, fait rarissime dans la littérature, sont devenus des archétypes. Ce qui a fait dire à Marcel Pagnol : « Si Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas.»
Extrait de "La boutique Saint-Gély à Pézenas et le fauteuil de Molière" dans "Les Hauts lieux de l'Histoire dans l'Hérault"
11:41 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pézenas, molière, les hauts lieux de l'histoire dans l'hérault
mardi, 26 mai 2020
Soit dit en passant, je commence à être fatigué de prendre des coups sur la tête
Pour les faits marquants de mon existence reportez-vous donc au Who’s’ Who. J’habite Finca Vigia, dans le village de San Francisco de Paula, à Cuba. Le travail ? J’écris là où je me trouve, à l’hôtel, dans ma chambre, sur une table de café, les premières heures de la matinée étant toujours les plus favorables. Debout à l’aube, je me mets au travail aussitôt. Black Dog, un épagneul importé de Ketchum, dans l’Idaho, dressé à faire lever le gibier, est le plus vigilant gardien de mes horaires. Trois chats l’assistent dans cette tâche, Boise A -, Friendless’s Brother, Ecstazy. Princessa, pur persan gris, m’a souvent été d’un grand secours ; elle est morte voici trois semaines. Je n’ose imaginer ce qu’il adviendrait si Black Dog ou Boise venaient à disparaître. Je me ferais une raison, sans doute, et tout continuerait comme avant.
Vers midi, je m’arrête. Je prends un verre et plonge dans la piscine. Après le repas, si le travail de la matinée a été assez fructueux pour me laisser la conscience tranquille, je m’offre une sortie en mer et passe l’après-midi à pêcher dans le Gulf Stream.
Dans ma jeunesse, je m’en souviens, je pouvais avaler n’importe quel bouquin. J’ai vieilli, les policiers m’assomment sauf quand ils sont de Raymond Chandler. Je lis surtout des biographies, des récits de voyages, à condition qu’ils offrent un certain caractère d’authenticité, et des textes consacrés à la science militaire. Qu’ils soient bons ou mauvais, vous n’aurez pas perdu votre temps et leur lecture vous apprendra toujours quelque chose.
Ces derniers temps, ce n’était pas une mince affaire que de dénicher des nouveaux romans qui ne vous tombent pas des mains. J’en ai lu quelques-uns, malgré tout. Cette rentrée, espérons-le, sera le signal d’une année plus faste. Je lis aussi le Morning Telegraph, si je le trouve, le New York Times et le Herald Tribune. Je suis abonné à trois publications françaises, à quelques hebdomadaires italiens, à une revue mexicaine, Cancha. Je lis la presse tauromachique lorsque mes amis espagnols songent à me l’envoyer. Je feuillette un tas de choses, depuis Harpers jusqu’à The Atlantic, en passant par Holiday, Field and Stream, Sports Airfield, True, Time, Newsweek, Southern Jesuit. Je lis aussi le Saturday Evening Post lorsqu’il publie un feuilleton d’Ernest W. Haycox, deux ou trois journaux cubains, quelques revues littéraires d’Amérique latine. Il convient d’ajouter à cette pile deux revues anglaises : Sport and Country et The Field.. N’oublions pas les quelques livres français que m’envoie Jean-Paul Sartre, et les italiens. J’en lis plusieurs tous les ans, parfois même à l’état de manuscrits, afin de repérer ceux qui me paraissent publiables.
Venons-en à la correspondance ; j’entretiens des relations épistolaires suivies avec un officier supérieur en activité, ainsi qu’avec un général anglais à la retraite que j’ai connu en Italie lorsque nous étions, lui et moi, beaucoup plus jeunes. J’ai, avec trois de mes amis, un échange de lettres régulier. Pour le reste, ce n’est que courrier professionnel ou administratif.
Je ne joue jamais, si ce n’est pour gagner.
Invités par Mary, maçons, peintres et plâtriers ont envahi la maison. Voilà un excellent prétexte pour passer le plus clair de mon temps en mer, en attendant que le calme revienne. Conséquence indirecte de ce qui précède, je me remets d’une mauvaise chute, sur un pont glissant un jour de mer démontée. Le résultat fut une vilaine blessure derrière la tête, un traumatisme crânien, une artère sectionnée. J’ai attendu cinq ou six heures avant de pouvoir être conduit à l’hôpital. Par bonheur, naviguant dans les parages, se trouvait Roberto Herrera, un vieil ami qui a fait cinq années de médecine. Alerté par nos signaux de détresse, il nous a rejoints en toute hâle. Aidé de Mary, il a pu arrêter l’hémorragie ; son frère José Luis a terminé le travail. Cette année encore, il me faut renoncer au ski. Il me reste la natation, la marche, la chasse, la pêche, et le travail. Autant de plaisirs que José Luis m’a vivement déconseillés.
Soit dit en passant, je commence à être fatigué de prendre des coups sur la tête. Ça a débuté en 1918 puis recommencé en 1944-1945 et je me garderais d’oublier deux blessures vénielles en 1943. Si j’ai le malheur de me plaindre, je m’entends répliquer que ces désagréments sont le résultat de mon imprudence. Rien n’est plus faux, pour autant que je m’en souvienne...
Hemingway, Autoportrait 1950
19:18 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hemingway
lundi, 18 mai 2020
La Comédie humaine (Balzac)
« Nous sommes tous des personnages balzaciens », a écrit Scutenaire ; peut-on lui faire un plus bel hommage ? Il a conçu le principe de la Comédie humaine comme unité alors que la moitié était déjà écrite. Son rythme d’écriture et de vie était hallucinant : « je me couche à six heures du soir ou à sept heures comme les poules ; on me réveille à une heure du matin et je travaille jusqu’à huit heures ; à huit heures, je dors encore une heure et demie ; puis je prends quelque chose de peu substantiel, une tasse de café pur et je m’attelle à mon fiacre jusqu’à quatre heures ; je reçois, je prends un bain, ou je sors, et après dîner, je me couche. » Et aussi : « Comment voulez-vous que j’ai le temps d’observer, j’ai à peine le temps d’écrire. » Ses amours avec Mme Hanska sont désolantes. Même après la mort de son mari, elle le fait attendre encore neuf ans. Il meurt tout de suite après leur mariage. Et elle s’est servie de lui après sa mort. Il n’empêche, son œuvre est un défi au temps, à tous les temps : « Toute personne qui pense fortement fait scandale. » « Un homme qui se vante de ne jamais changer d’opinion est un homme qui se charge d’aller toujours en ligne droite, un niais qui croit à l’infaillibilité. Il n’y a pas de principes, il n’y a que des événements ; il n’y a pas de lois, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les événements et les circonstances pour les conduire. S’il y avait des principes et des lois fixes, les peuples n’en changeraient pas comme nous changeons de chemises. » « La charité doit être aussi savante que le vice. » Et aussi : « Vouloir bien élever un enfant, c'est se condamner à n'avoir que des idées justes. » Le début de Sarrasine est somptueux : « J’étais plongé dans une de ces rêveries profondes qui saisissent tout le monde, même un homme frivole, au sein des fêtes les plus tumultueuses. Minuit venait de sonner à l’horloge de l’Elysée-Bourbon. Assis dans l’embrasure d’une fenêtre, et caché sous les plis onduleux d’un rideau de moire, je pouvais contempler à mon aise le jardin de l’hôtel où je passais la soirée. Les arbres, imparfaitement couverts de neige, se détachaient faiblement du fond grisâtre que formait un ciel nuageux, à peine blanchi par la lune. Vus au sein de cette atmosphère fantastique, ils ressemblaient vaguement à des spectres mal enveloppés de leurs linceuls, image gigantesque de la fameuse Danse des morts. Puis, en me retournant de l’autre côté, je pouvais admirer la danse des vivants ! Un salon splendide, aux parois d’argent et d’or, aux lustres étincelants, brillant de bougies. Là, fourmillaient, s’agitaient et papillonnaient les plus jolies femmes de Paris, les plus riches, les mieux titrées, éclatantes, pompeuses, éblouissantes de diamants ! Des fleurs sur la tête, sur le sein, dans les cheveux, semées sur les robes, ou en guirlandes à leurs pieds. C’était de légers frémissements de joie, des pas voluptueux qui faisaient rouler les dentelles, les blondes, la mousseline autour de leurs flancs délicats. Quelques regards trop vifs perçaient çà et là, éclipsaient les lumières, le feu des diamants, et animaient encore des cœurs trop ardents. On surprenait aussi des airs de tête significatifs pour les amants, et des attitudes négatives pour les maris. Les éclats de voix des joueurs, à chaque coup imprévu, le retentissement de l’or se mêlaient à la musique, au murmure des conversations ; pour achever d’étourdir cette foule enivrée par tout ce que le monde peut offrir de séductions, une vapeur de parfums et l’ivresse générale agissaient sur les imaginations affolées. Ainsi à ma droite la sombre et silencieuse image de la mort ; à ma gauche, les décentes bacchanales de la vie : ici, la nature froide, morne, en deuil ; là, les hommes en joie. Moi, sur la frontière de ces deux tableaux si disparates, qui, mille fois répétés de diverses manières, rendent Paris la ville la plus amusante du monde et la plus philosophique, je faisais une macédoine morale, moitié plaisante, moitié funèbre. Du pied gauche je marquais la mesure, et je croyais avoir l’autre dans un cercueil. Ma jambe était en effet glacée par un de ces vents coulis qui vous gèlent une moitié du corps tandis que l’autre éprouve la chaleur moite des salons, accident assez fréquent au bal. » « Oh ! Errer dans Paris ! Adorable et délicieuse existence ! Flâner est une science, c’est la gastronomie de l’œil. » Sa statue par Rodin, boulevard Raspail, est un des points focaux autour desquels tourne Paris...
Raymond Alcovère
19:21 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balzac, comédie humaine
mercredi, 13 mai 2020
Mémoires de Saint-Simon
Ses Mémoires sont un fleuve qui vous emporte, un des sommets de notre langue. Ses portraits sont terribles, implacables. Voici le prince de Conti : « C’était un très bel esprit, lumineux, juste, exact, vaste, étendu, d’une lecture infinie, qui n’oubliait rien, qui possédait les histoires générales et particulières, galant avec toutes les femmes, amoureux de plusieurs, bien traité de beaucoup. » Et tout de suite après : « Cet homme si aimable, si charmant, si délicieux, n’aimait rien. Il avait et voulait des amis comme on veut et qu’on a des meubles. » Et la princesse de Montauban : « Rien de si effronté, de si débordé, de si avare de si étrangement méchant, que cette espèce de monstre, avec beaucoup d'esprit, et du plus mauvais, et toutefois de l'agrément quand elle voulait plaire. » Mlle de Séry : « C’était une jeune fille de condition sans aucun bien, jolie, piquante, d’un air vif, mutin, capricieux et plaisant. Cet air ne tenait que trop ce qu’il promettait. » En plus ramassé encore : « Il était sans esprit aucun, et gueux comme un rat d'église. » ou « Outre qu'il était méchant, il était malin encore, et persécutait jusqu'aux enfers quand il en voulait aux gens. » ou : « Une physionomie vive, ouverte, sortante, et véritablement un peu folle. » Ou encore : « Une galanterie dont l'écorce était toujours romanesque. » Voici le cardinal Dubois : « Tous les vices combattaient en lui à qui en deviendrait le maître. L’avarice, la débauche, l’ambition étaient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, le servage ses moyens ; l’impiété parfaite son repos (…) Il finit sa vie dans le plus grand désespoir, et dans la rage de la quitter. » Il arrive que l’éloge soit sans blâme : « C’était un homme d’infiniment d’esprit qui, avec une imagination qui le rendait toujours neuf et de la plus excellente compagnie, avait toute la lumière et le sens des grandes affaires et des plus solides et des meilleurs conseils. » Dans La littérature ou le nerf de la guerre, Philippe Sollers explique la fascination qu’il inspire : « Ouvrez n’importe quel volume, et vous allez être absolument passionné par la description de l’époque. Je ne parle pas de ceux qui imitent Saint-Simon pour décrire aujourd’hui la situation politico-mondaine dans laquelle nous sommes plongés, je parle de Saint-Simon lui-même. Et si vous lui aviez dit, au duc de Saint-Simon : « Alors, vous faites de la littérature, vous êtes écrivain ? », il vous aurait regardé avec un air de profonde stupéfaction : « Écrivain ? Je ne suis pas écrivain ! » Il s’excuse même de son style, alors que c’est le plus brillant qui ait jamais existé en français, le plus remarquable, le plus pointu… « Je n’ai jamais su être un sujet académique, je n’ai jamais pu me défaire d’écrire rapidement. Je ne comprends pas ce que vous dites, je ne suis pas écrivain, je suis le duc de Saint-Simon, j’écris mes Mémoires. De la littérature ! Mais de quoi parlez-vous ? J’écris la vérité, la vérité à la lumière du Saint-Esprit. » Là, tout à coup, le concept de littérature explose. Nous pénétrons dans ce que le langage peut dire à un moment comme vérité. La vérité pour Saint-Simon, c’est quelque chose de tout à fait saisissant : tout est mensonge, corruption, chaos, la mort est là toutes les trois pages, les intrigues n’arrêtent pas, c’est un brasier de complots, l’être humain a l’air de passer comme une ombre, attaché à tout ce qu’il peut y avoir de plus sordide, de plus inquiétant. Lisez, par exemple, son portrait du duc d’Orléans, et vous serez saisi d’admiration. Vous êtes devant quelque chose qu’un universitaire vous dira être de la littérature et, évidemment, c’est tout autre chose: c’est une position métaphysique très particulière, quelqu’un qui écrit en fonction de ce qu’il veut dire comme vérité. » Jean Cocteau a écrit à son propos : « Personne, sauf Montaigne, n’a eu cette lame en pointe, cette encre noire. La plume de notre duc trouait la feuille. Il assenait (le terme est de lui) ces regards. » Voici ce que Saint-Simon écrit dans son avant-propos : « Ecrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original sans reproche, qui s’est passé sur le théâtre du monde, les diverses machines, souvent les riens apparents qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite, et qui en ont enfanté d’autres; c’est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, de ses travaux; c’est se convaincre du rien de tout par la courte et rapide durée de toutes ces choses, et de la vie des hommes; c’est se rappeler un vif souvenir que nul des heureux du monde ne l’a été, et que la félicité ni même la tranquillité ne peut se trouver ici-bas; c’est mettre en évidence que, s’il était possible que cette multitude de gens de qui on fait une nécessaire mention avait pu lire dans l’avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins, de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l’entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions; et que, de cette douzaine encore, leur mort, qui termine le bonheur qu’ils s’étaient proposé, n’a fait qu’augmenter leurs regrets par le redoublement de leurs attaches, et rend pour eux comme non avenu tout ce que à quoi ils étaient parvenus. » Et puis : « Je ne fus jamais un sujet académique, je n’ai pu me défaire d’écrire rapidement. »
Raymond Alcovère
00:00 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : saint-simon, mémoires
mardi, 12 mai 2020
Madame Edwarda (Georges Bataille)
Mieux vaut réfléchir à deux fois avant d’ouvrir un livre de Bataille ; après, on ne sera plus exactement le même. Il s’est attaqué aux sujets les plus difficiles, les plus dangereux. Philippe Sollers : « À côté des récits de Bataille, la plupart des romans paraissent fades, lâches, timides, apeurés, lourds, lents, économiques, et surtout prudes jusque dans leur laborieuse pornographie. » Bataille se plaît à tout bousculer mais chez lui le substrat est plus que solide : « Contrairement aux philosophes qui continuent à jouer le jeu de l’idéologie (lesquelles sont toutes, aujourd’hui, résorbées dans le médiatique), Bataille parle et pense en homme des carrefours : il n’a pas de limites, il est capable de penser Lascaux et Sade à la fois – de s’ouvrir à la remise en jeu qu’une telle rencontre provoque. Une « conciliation amicale, et pleine d’angoisse, entre les nécessités incompatibles » ; ainsi définit-il la fête – ainsi pourrait-on définir son lieu. » : Yannick Haenel. Il pense ensemble la religion et l’érotisme : : « Ce qui est en jeu dans l’érotisme, c’est toujours une dissolution des formes constituées. » Et :« Le sens de l’érotisme échappe à quiconque n’en voit pas le sens religieux. Réciproquement, le sens des religions échappe à quiconque néglige le lien qu’il présente avec l’érotisme. » Bataille ne cesse de questionner Dieu : « Dieu n’est pas la limite de l’homme, mais la limite de l’homme est divine. Autrement dit, l’homme est divin dans l’expérience de ses limites. » Dans Madame Edwarda, il représente Dieu sous la forme d’une prostituée. « Ce que j’ai à dire est tel que son expression est plus importante pour moi que le contenu. La philosophie, en général, est une question de contenu, mais je fais appel, pour ma part, davantage à la sensibilité qu’à l’intelligence et, dès ce moment, c’est l’expression, par son caractère sensible, qui compte le plus. D’ailleurs, ma philosophie ne pourrait en aucune manière s’exprimer dans une forme qui ne soit pas sensible : il n’en resterait absolument rien. » « Dieu n’est rien s’il n’est pas le dépassement de Dieu dans tous les sens ; dans le sens de l’être vulgaire, dans celui de l’horreur et de l’impureté ; à la fin dans le sens de rien (…) Nous ne pouvons ajouter au langage impunément le mot qui dépasse les mots, le mot Dieu ; dès l’instant où nous le faisons, ce mot se dépassant lui-même détruit vertigineusement ses limites. Ce qu’il est ne recule devant rien, il est partout où il est impossible de l’attendre : lui-même est une énormité. Quiconque en a le plus petit soupçon, se tait aussitôt. » Comment penser et dire l’excès ? Voilà la question de Bataille, il s’y livre par « des mots qui réintroduisent – en un point – le souverain silence qu’interrompt le langage articulé ». Il n’hésite pas à tordre la langue, à provoquer des glissements, des dissonances : « Je tremblais l’acceptant, mais de l’imaginer, je devins fou » ; Ce qui fit dire à Marguerite Duras : « On peut donc dire de Georges Bataille qu’il n’écrit pas du tout puisqu’il écrit contre le langage. Il invente comment on peut ne pas écrire tout en écrivant. Il nous désapprend la littérature ». Dans ses textes il mêle érotisme, philosophie, anthropologie, religion et politique, et l’écriture y passe par des éclairs, des fulgurances : « La vie s’étire en moi comme un chant modulé dans la gorge d’un soprano » ou « Je pense comme une fille enlève sa robe ». Il laisse au lecteur l’intuition qu’il a été plus loin que les autres : « L’être ouvert – à la mort, au supplice, à la joie – sans réserve, l’être ouvert et mourant, douloureux et heureux, paraît déjà dans sa lumière voilée : cette lumière est divine. Et le cri que, la bouche tordue, cet être tord peut-être mais profère est un immense alléluia, perdu dans le silence sans fin. » En 1939, dans le dernier numéro de la revue Acéphale qu’il avait créée, il écrira : « Je suis moi-même la guerre ». Rompant avec les formes traditionnelles de la composition, il a souvent recours au fragment, aux digressions, variations. Le rire est pour lui un thème central : « Il ne faudrait jamais cesser de dire ce que les hommes découvrent d’éblouissant quand ils rient : leur ivresse ouvre une fenêtre de lumière donnant sur un monde criant de joie. À vrai dire, ce monde a tant d’éclat qu’ils en détournent vite les yeux. Une grande force est nécessaire à celui qui veut maintenir son attention fixée sur ce point de glissement vertigineux. » Dans le dernier entretien donné un an avant sa mort, il déclara : « Je dirais volontiers que ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir brouillé les cartes, c’est-à-dire d’avoir associé la façon de rire la plus turbulente et la plus choquante, la plus scandaleuse, avec l’esprit religieux le plus profond ». Mort à propos de laquelle il a écrit : « Le seul élément qui relie l’existence au reste est la mort : qui conçoit la mort cesse d’appartenir à une chambre, à des proches, il se rend aux libres jeux du ciel. »
Raymond Alcovère
02:16 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges bataille, madame edwarda
lundi, 11 mai 2020
Les Fables de La Fontaine
Commençons par tordre le cou à une légende. Comme le souligne Patrick Dandrey : « Les animaux ne forment qu’un tiers, à peu près, des quatre cents personnages des Fables. Les deux cent quarante Fables ne constituent qu’une part, imposante mais relative, de la production d’un poète, qui composa aussi : soixante-quatre contes, un roman mêlé de prose et de vers, une idylle héroïque, deux livrets d’opéra, deux tragédies (l’une lyrique et inachevée), deux comédies, un ballet comique, les fragments d’un songe, un poème scientifique, trois épîtres critiques en vers, un poème chrétien, deux paraphrases de textes sacrés, une relation de voyage, six élégies, des satires, odes, ballades, madrigaux, chansons, épithalames, épigrammes, un pastiche, des traductions de vers latins, les lettres, beaucoup de vers de circonstances et de pièces perdues… Bilan estimable pour un paresseux. » Chateaubriand le considérait comme son dieu et il avait raison. La Fontaine, c’est l'andidote idéal, quand on est accablé, après avoir été obligé de lire mauvais livres, notes, rapports ou articles horriblement écrits. Sans doute aucun écrivain français n’est arrivé à ce sens du raccourci, de l’épure et de l’harmonie. Il dit en deux vers ce que beaucoup peinent à exprimer en de longues pages et même volumes. Goût pour le bonheur, individualisme, sagesse, esprit pénétrant, imagination, tout y est. En relisant les Fables, on est étonné d’y trouver autant d’expressions encore utilisées aujourd’hui. On peut mesurer son génie en comparant avec l’original dont il s’est inspiré : ici, La Cigale et les fourmis, version Ésope (6e siècle avant J.-C.) : « Pendant l’hiver, leur blé étant humide, les fourmis le faisaient sécher. La cigale, mourant de faim, leur demandait de la nourriture. Les fourmis lui répondirent : – Pourquoi en été n’amassais-tu pas de quoi manger ? – Je n’étais pas inactive, dit celle-ci, mais je chantais mélodieusement. Les fourmis se mirent à rire. – Eh bien, si en été tu chantais, maintenant que c’est l’hiver, danse. Cette fable montre qu’il ne faut pas être négligent en quoi que ce soit, si l’on veut éviter les chagrins et les dangers. » Ses contes et tout ce qu’il a écrit sont touchés par la grâce. S’il ne fallait retenir que quelques joyaux de notre langue, on y trouverait sans doute : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste… » Et : « J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, la ville et la campagne, enfin tout, il n’est rien qui ne me soit souverain bien, jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique. » Ou le merveilleux : « Tout est mystère dans l'amour, ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance. Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour que d'approfondir cette science. » Ou encore : « Bornons ici cette carrière. Les longs ouvrages me font peur. Loin d’épuiser une matière, on n’en doit prendre que la fleur. » Et les fleurs sont encore présentes ici : « Je suis chose légère, et vole à tout sujet ; je vais de fleur en fleur ; et d’objet en objet… » Mais aussi : « Hélas, on voit que de tout temps, les petits ont pâti des sottises des grands » En appendice à son Siècle de Louis XIV, Voltaire, dans son Catalogue des écrivains, écrit : « Dans la plupart de ses fables, il est infiniment au-dessus de tous ceux qui ont écrit avant et après lui, en quelque langue que ce puisse être ». Laissons-lui le mot de la fin : « Les Sages quelquefois, ainsi que l’écrevisse, marchant à reculons, tournent le dos au port. C’est l’art des matelots. C’est aussi l’artifice de ceux qui, pour couvrir quelque puissant effort, envisagent un point directement contraire, et font vers ce lieu-là courir leur adversaire. »
Raymond Alcovère
04:10 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la fontaine, fables
samedi, 09 mai 2020
Journal de Kafka
Milena Jesenská, dans une lettre à Max Brod, écrit : « Nous sommes tous en apparence capables de vivre parce que nous avons eu un jour ou l’autre recours au mensonge, à l’aveuglement, à l’enthousiasme, à l’optimisme, à une conviction ou à une autre, au pessimisme ou à quoi que ce soit. Mais lui est incapable de mentir, tout comme il est incapable de s’enivrer. Il est sans le moindre refuge, sans asile. C’est pourquoi il est exposé, là où nous sommes protégés. Il est comme un homme nu au milieu de gens habillés. C’est une manière d’être qui est déterminée, qui existe en elle-même, débarrassée de tout l’accessoire, de tout ce qui pourrait l’aider à qualifier la vie – beauté ou misère, peu importe. Et son ascétisme est totalement dépourvu d’héroïsme, ce qui le rend, à vrai dire, plus grand et plus noble. Tout héroïsme est mensonge et lâcheté. Ce n’est pas un homme qui construit son ascétisme comme un moyen d’accéder à un but, c’est un homme qui est contraint à l’ascétisme par sa terrible lucidité, par sa pureté, par son incapacité à accepter le compromis». Le Journal de Kafka est le témoignage inouï de cette lucidité, celle d’un des plus grands magiciens de la littérature et d’un métaphysicien. « Je suis une mémoire devenue vivante. » « La littérature : un coup de hache dans la mer gelée qui est en nous. » Et : « Quand je dis quelque chose, cette chose perd immédiatement et définitivement son importance, quand je la note, elle la perd toujours aussi, mais en gagne parfois une autre. » Dès le premier jour, Kafka pose les règles de son Journal : « Il faut qu’une ligne au moins soit braquée chaque jour sur moi comme on braque aujourd’hui un télescope sur les comètes. » Rien d’évident là dedans : « Connais-toi toi-même ne signifie pas : observe-toi. Observe-toi est le mot du serpent. Cela signifie : transforme-toi en maître de tes actes. Or, tu l’es déjà, tu es maître de tes actes. Le mot signifie donc : Méconnais-toi ! Détruis-toi ! C’est-à-dire quelque chose de mauvais, et c’est seulement si l’on se penche très bas que l’on entend aussi ce qu’il a de bon, qui s’exprime ainsi : afin de te transformer en celui que tu es. » Il va très loin : « Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à ta table et écoute. N’écoute même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi ». Et encore : « Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie se tienne prête à côté de chaque être et toujours dans sa plénitude, mais qu’elle soit voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine. Elle est pourtant là, ni hostile, ni malveillante, ni sourde, qu’on l’invoque par le mot juste, par son nom juste, et elle vient. C’est là l’essence de la magie, qui ne crée pas, mais invoque. » Le 17 décembre 1910, première année du Journal qu’il poursuivra jusqu’en 1923, il note : « Je ne quitterai plus ce Journal. C’est là qu’il me faut être tenace, car je ne puis l’être que là. Comme j’aimerais exprimer le sentiment de bonheur qui m’habite de temps à autre, maintenant par exemple. C’est véritablement quelque chose de mousseux qui me remplit entièrement de tressaillements légers et agréables, et me persuade que je suis doué de capacités dont je peux à tout instant, et même maintenant, me convaincre en toute certitude qu’elles n’existent pas. » Et plus loin : « Plus profond l’on creuse son fossé, plus ça devient tranquille, moins on a peur, plus ça devient tranquille. » Il a écrit à Milena : « Je t’aime, comme la mer aime le gravier de ses profondeurs. »
Raymond Alcovère
03:04 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 08 mai 2020
Moby Dick (Herman Melville)
Immense roman métaphysique, aux résonances infinies ; il y a bien sûr son incipit hypnotique : « Appelons-moi Ismaël. Il y a quelque temps – le nombre exact des années n’a aucune importance – n’ayant que peu ou point d’argent en poche et rien qui me retînt spécialement à terre, l’idée me vint et l’envie me prit de naviguer quelque peu et de m’en aller visitant les étendues marines de ce monde. C’est un remède à moi ; c’est une manière que j’ai de me sortir du noir et de redonner du tonus à la circulation de mon sang. Oui, chaque fois que je me sens la lèvre amère et dure ; chaque fois qu’il bruine et vente dans mon âme et qu’il y fait un novembre glacial ; chaque fois que, sans préméditation aucune, je me trouve planté devant la vitrine des marchands de cercueils ou emboîtant le pas aux funèbres convois que je rencontre ; et surtout, oui, surtout chaque fois que je sens en moi les mauvaises humeurs l’emporter à ce point qu’il me faille le puissant secours des principes moraux pour me retenir d’aller courir les rues à seule fin de jeter bas, fort méthodiquement, le chapeau des gens, alors, oui, je considère qu’il est grand temps pour moi de filer en mer au plus vite. C’est ce qui me tient lieu de pistolet et de plomb. Caton se jette sur son glaive, non sans emphase et sans grandiloquence philosophiques ; je gagne moi, bien plus discrètement, le bord de quelque voilier. Et il n’y a rien là qui soit fait pour me surprendre : tous les hommes, ou presque, à un moment ou à un autre de leur existence, nourrissent ou ont nourri, à un degré quelconque, des sentiments fort voisins des miens à l’égard de la mer. » Tout le livre est parsemé, de perles, de phares : « Quoique je sois né sur la terre, j'ai été nourri par les mamelles des mers, et malgré le sein maternel des vallées et des collines, je suis le frère de lait de toutes les vagues de l'eau. » Ou : « Un calme intense, cuivré comme un lotus jaune, déployait peu à peu ses feuilles de silence sur l’infini de la mer. » Ou encore : « Ainsi pour moi-même, au cœur de l’Atlantique tourmenté de mon être, il m’arrive de jubiler dans un calme muet, tandis que les planètes néfastes gravitent sans fin autour de moi sans toucher la place profonde et intime où baigne l’étincelle de ma joie. » Et l’extraordinaire baleine bien sûr : « ô homme ! Admire la baleine, efforce-toi de lui ressembler ; toi aussi, reste chaud parmi les glaces, sache vivre dans un monde autre que le tien ; sois frais sous l’Équateur ; que ton sang, au Pôle, demeure liquide… Comme le grand dôme de Saint-Pierre, et comme la grande baleine, garde en toute saison ta chaleur personnelle. » Ce roman appelle de multiples interprétations : Yannick Haenel et François Meyronnis en font le point de départ de leur remarquable essai : Prélude à la délivrance : « Nous montrerons quel dieu se dissimule dans ce que Melville lui-même nommait une étrange sorte de livre – et pourquoi, autant que d’un roman, il s’agit d’une bonne nouvelle – d’une annonce où le narrateur explique comment il a ressuscité d’entre les morts, et comment il est possible de vaincre le macabre depuis ses gouffres les plus ténébreux. Car le livre de Melville n’est pas écrit comme il est raconté. Il tourbillonne autour d’un espace vacant, que symbolise quelque chose de mystérieux, d’ineffable, qui désespère l’entendement, à savoir la blancheur de la Baleine : une blancheur vide, dit le texte – colorée par l’absence de Dieu. A cet égard, la chasse tourmentée d’un cachalot, même si on présente celui-ci comme un fantôme démoniaque, ne manifeste qu’un leurre. Ce qui scintille dans cet espace vacant, en dehors de la voie lactée, c’est la possibilité d’une délivrance au cœur de l’abîme. » Et c’est bien une délivrance que raconte Moby Dick par la voix de Ismaël (en hébreu : Dieu entend), un voyage initiatique. Le capitaine Achab incarne le mal, la violence sacrificielle du meurtre de cette baleine qui l’obsède ; il veut la posséder, mais c’est elle qui le possède. François Meyronnis : « Le problème d’Achab se résume facilement : il ne pense pas, alors que quelque chose de trop grand pour lui le tient des pieds à la tête (…) Ainsi, davantage il se démène, et plus il est lié – c’est ce lien, pour finir, qui l’étrangle comme un lacet sacrificiel. » Ismaël lui, au cœur des ténèbres, ne laisse pas le feu le posséder, il est dans l’indemne (non damné). « La littérature c’est un manteau d’annonciations voilées. » ajoute Yannick Haenel. Bartleby est tout aussi stupéfiant, déroutant et énigmatique ; un texte court, limpide et d’une grande force : Comment une seule personne, par son refus, peut gripper la machine, sans violence, par la force et la profondeur de son désir. Bartleby pose la question du sens. D’ailleurs Melville ne livre pas le sens de sa nouvelle, et c’est justement cette absence de sens qui grippe la machine, qui rend la vie et le monde impossible. Ismaël lui, écrit : « Ainsi pour moi-même, au cœur de l’Atlantique tourmentée de mon être, il m’arrive de jubiler dans un calme muet, tandis que les planètes néfastes gravitent sans fin autour de moi sans toucher la place profonde et intime où baigne l’étincelle de ma joie. » et : « L’âme de l’homme renferme une île tahitienne où règnent la paix et la joie, mais cernée par les mille horreurs du monde à demi inconnu. » Du vivant de Melville, Moby Dick s’est vendu à 4 000 exemplaires.
Raymond Alcovère
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jeudi, 07 mai 2020
Mémoires d'outre-tombe (Chateaubriand)
Jamais peut-être la prose française n’a atteint cet équilibre parfait, rythme, musicalité et force... Son utilisation des temps est stupéfiante, ici dans les Mémoires : « Voici venir cette lame embrassant la largeur de la passe, roulant haut sans se briser, ainsi qu’une mer envahissant les flots d’une autre mer : de grands oiseaux blancs, au vol calme, la précèdent comme les oiseaux de la mort. Le navire touchait et talonnait ; il se fit un silence profond ; tous les visages blêmirent. La houle arrive : au moment où elle nous attaque, le matelot donne le coup de barre ; le vaisseau, près de tomber sur le flanc, présente l’arrière et la lame qui paraît nous engloutir, nous soulève. » Chateaubriand est excellent dans les scènes d’action (il a beaucoup bourlingué) mais également dans la contemplation et la nostalgie, partout présente : « Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l’abri des hommes. Un caractère moral s’attache aux scènes de l’automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées. Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des corneilles dans la prairie de l’étang, et leur perchée à l’entrée de la nuit sur les plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des forêts, que les complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j’entrais en pleine possession des sympathies de ma nature (…) Je m’applaudissais d’avoir placé les fables de ma félicité hors du cercle des réalités humaine (…) La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives, parmi lesquels la caravane emplumée, poules d’eau, sarcelles, martins-pêcheurs, bécassines, se taisait ; le lac battait ses bords ; les grandes voies de l’automne sortaient des marais et des bois (…) Le murmure de la pluie m’invitait au sommeil sur le sein d’une femme (…) L’espace tendu d’un double azur avait l’air d’une toile préparée pour recevoir les futures créations d’un grand peintre. » Trop de talent ! Il a été et est encore détesté ("Je crois à la haine inconsciente du style" écrira Flaubert un peu plus tard). Robert Dantzig : « Chateaubriand n’est pas l’homme des sentiments directs : il se voit les éprouvant. » Il continue : « Talleyrand à qui on fit remarquer sous la Restauration : « M. de Chateaubriand devient sourd » répondit : « C’est qu’il n’entend plus parler de lui. » Et encore : « La moitié de sa vie a été vécue en prévision de ce livre. » Roberto Calasso est particulièrement féroce : « Le Chateaubriand qui a persécuté tant d’élèves des lycées français : celui qui trouve toujours le cadre juste où se placer, dispose adroitement les objets sur la scène, règle les lumières et puis se lance dans une de ses méditations avec la facilité d’un employé de bureau qui, à la pause-café, expose à ses collègues la performance de sa voiture. » Stendhal lui-même a la dent dure : « En le lisant, vous êtes sans cesse tenté de vous écrier : « Juste ciel ! Que tout cela est faux ! Mais que c’est bien écrit ! » Tout cela est en grande partie injuste, car, entre autres, le regard sur l’Histoire de l’auteur des Mémoires ne manque pas de finesse (à méditer peut-être aujourd’hui) : « Lorsqu’avant la Révolution, je lisais l’histoire des troubles publics chez divers peuples, je ne concevais pas comment on avait pu vivre en ces temps-là ; je m’étonnais que Montaigne écrivît si gaillardement dans un château dont il ne pouvait faire le tour sans courir le risque d’être enlevé par des bandes de ligueurs ou de protestants. La Révolution m’a fait comprendre cette possibilité d’existence. Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. Dans une société qui se dissout et se recompose, la lutte des deux génies, le choc du passé et de l’avenir, le mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles, forment une combinaison transitoire qui ne laisse pas un moment d’ennui. Les passions et les caractères en liberté, se montrent avec une énergie qu’ils n’ont point dans la cité bien réglée. L’infraction des lois, l’affranchissement des devoirs, des usages et des bienséances, les périls même ajoutent à l’intérêt de ce désordre. Le genre humain en vacances se promène dans la rue, débarrassé de ses pédagogues rentrés pour un moment dans l’état de nature, et ne recommençant à sentir la nécessité du frein social, que lorsqu’il porte le joug des nouveaux tyrans enfantés par la licence. » Ou encore, sur les journées révolutionnaires de juillet 1830 : « Dans tous les quartiers pauvres et populaires, on combattit instantanément et sans arrière-pensée : l’étourderie française, moqueuse, insouciante, intrépide, était montée au cerveau de tous ; la gloire a, pour notre nation, la légèreté du vin de Champagne. Les femmes, aux croisées, encourageaient les hommes dans la rue…» Sa virtuosité et son côté Génie du Christianisme ont irrité : Sartre est allé à Saint-Malo pisser sur sa tombe, on ne pouvait rêver plus bel hommage ! Chateaubriand est juste quand il écrit : « Des auteurs français de ma date, je suis le seul dont la vie ressemble à ses ouvrages. » Les Mémoires le prouvent. Le final est sublime : « En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre qui donne à l’ouest sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il est six heures du matin ; j’aperçois la lune pâle et élargie ; elle s’abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l’Orient ; on dirait que l’ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d’une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité. » (magnifique déferlement de voyelles dans «j’aperçois la lune pâle et élargie » Il a répondu d’avance à tous ses détracteurs : « Ma vie n’est qu’un accident, je sens que je ne devais pas naître : acceptez de cet accident la passion, la rapidité et le malheur. » Et ces rappel utiles : « Les annales humaines se composent de beaucoup de fables mêlées à quelques vérités. » Et puis : « Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux. »
Raymond Alcovère
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mercredi, 06 mai 2020
Discours de Suède (Albert Camus)
Le Discours de Suède, parabole lumineuse sur le rôle de l’artiste, est un texte fondateur : « Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne me sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous (…) L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. » Balayée l’image de l’artiste, seul dans sa tour d’ivoire, contemplant rêveur et distant le reste de l’humanité. Le voici au contraire au cœur du monde. Et ce positionnement, c’est la raison qui l’impose : « C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. » Ce qui amène, bien sûr, au politique : « Le rôle de l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent (…) Le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d’hommes possible, elle ne peut s’accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. » L’artiste quitte une solitude choisie pour lutter contre une solitude subie par d’autres, intéressant aller-retour. L’écrivain ou l’artiste, – Camus ne fait pas de différence entre les deux notions –, dont la nature l’amène à être « toujours partagé entre la douleur et la beauté », doit poursuivre « autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. » Chemins, bien sûr, balisés de chausses trappes : « La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d’avance de nos défaillances sur un si long chemin. » Les premiers textes de Camus, Noces, suivi de L’Été, débordent de poésie et de sensualité : « Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. À certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent autour des cils. L’odeur volumineuse des plantes aromatiques racle la gorge et suffoque dans la chaleur énorme. » On y trouve aussi ceci : « Aujourd’hui l’imbécile est roi, et j’appelle imbécile celui qui a peur de jouir. » Son souci constant de rigueur et de justice, le détache dans ce siècle de bruit et de fureur. Il a écrit, dans L’Envers et l’endroit : « Je ne sais pas posséder. » Et aussi : « J’ai toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d’un bonheur royal. » Michel Onfray, dans son essai L’ordre libertaire, parle à son propos de ligne claire. Son approche privilégie toujours l’homme, « cette force, écrivait-il, qui finit toujours par balancer les tyrans et les dieux. » Son refus de la capitulation, inspiré de la Résistance, il l’a exprimé par : « La vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. » Qu’il déclinait ensuite en quatre commandements : d’abord la lucidité, qui suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Ensuite, le refus de servir le mensonge. Puis l’ironie, une arme sans précédent contre les trop puissants. Enfin l’obstination. Avec cette injonction : « Il faut essayer une méthode encore toute nouvelle qui serait la justice et la générosité. » Et cette présence de la lumière : « Au plus noir de notre nihilisme, j’ai cherché seulement des raisons de dépasser ce nihilisme. Et non point d’ailleurs par vertu, ni par une rare élévation de l’âme, mais par fidélité à une lumière où je suis né et où, depuis des millénaires, les hommes ont appris à saluer la vie jusque dans la souffrance. » Dans Noces encore : « Je comprends ici ce qu'on appelle gloire: le droit d'aimer sans mesure. Il n'y a qu'un seul amour dans ce monde. » Et : « Nous finissons toujours par avoir le visage de nos vérités. »
Raymond Alcovère
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mardi, 05 mai 2020
Le Temps retrouvé (Marcel Proust)
La phrase qui résume le mieux Proust est sans doute : « il ne faut jamais avoir peur d’aller trop loin car la vérité est au-delà. » Et c’est grâce à la littérature : « La littérature a pour but de découvrir la réalité en énonçant des choses contraires aux vérités usuelles. » Au-delà ne veut pas dire à l’extérieur de nous-mêmes : « Ce qui semble extérieur, c’est en nous que nous le découvrons. » Il est l’écrivain qui a le plus plongé dans l’âme humaine. Ce qui rend sa lecture difficile, ce n’est pas la longueur des phrases, leur complexité : simple gymnastique, au début on a du mal, mais on s’habitue très vite ; ce qui rend sa lecture difficile, douloureuse parfois, c’est qu’il creuse là où ça fait mal ; il décrit la cruauté comme personne. Antoine Compagnon : « Les gens ont raison d’avoir peur de La Recherche, car on ressort autre de sa lecture. » Certaines de ses phrases sont des aphorismes lumineux : « Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. » Il est un immense poète, personne n’a possédé la langue française comme lui, il en connaît tous les ressorts, toute la force et la subtilité avec laquelle il joue à loisir. Sa façon d’empiler les adjectifs est extraordinaire : « Le tintement rebondissant, ferrugineux, intarissable, criard et frais de la petite sonnette. Voilà, c’était Combray. » Ou encore : « Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l’avait heurté, suivi d’une ample chute légère comme de grains de sable qu’on eût laissé tomber d’une fenêtre au-dessus, puis la chute s’étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c’était la pluie. » Beaucoup d’humour dans la Recherche, notamment avec ce personnage étonnant : Legrandin, dont il se moque tout en lui attribuant des mots sublimes : « Ces fleurs sont d’un rose céleste, je veux dire couleur de ciel rose. Car il y a un rose ciel comme il y a un bleu ciel. » La Recherche fourmille de personnages fascinants, extraordinaires ; parmi lesquels se détache Françoise, la bonne, la gouvernante, qui lui a été inspiré par Céleste Albaret, cette jeune lozérienne, qui n’avait pas quitté son village jusqu’à l’âge de 22 ans et qui va devenir son amie, sa confidente, l’aidera à arranger, ordonner ses fameuses « paperolles », les ajouts, corrections qu’il ne cessait de faire. Il lui dédicacera un des volumes ainsi : « A ma chère Céleste, ma fidèle amie depuis huit ans, mais en réalité tellement présente dans mes pensées que j’oserais la nommer amie de toujours. » Il lui répétait : « Personne ne me connaît mieux que vous. Vous savez tout de moi, je vous dis tout. » Et puis, il y a ce moment où, à la fin de la Recherche, après presque deux mille pages lues, où l’on est passé par tous les états d’âme possibles et imaginables, où tout ce que l’on pensait ou croyait a été bouleversé ou réduit à néant maintes fois, où la poésie et le génie de la langue française ont atteint des sommets, le moment où l’on comprend que chaque phrase, chaque détail n’était pas là par hasard mais avait été posé là précisément, à la bonne place, où tout donc dans ce Grand œuvre était en correspondance et aboutissait à cette fin-là, ce moment donc où l’on comprend qu’on se trouvait dans une cathédrale, qui à la différence des cathédrales que l’on connaît, est absolument parfaite, sans défaut, ajout ou reconstruction. Il a écrit lui-même : « Il n'y a pas un détail qui n'en annonce un autre dans le même volume ou dans les volumes suivants. » Lucide avant tout, il pense à ses lecteurs : « Mais pour en revenir à moi-même, je pensais plus modestement à mon livre, et ce serait même inexact que de dire en pensant à ceux qui le liraient, à mes lecteurs. Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray ; mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. De sorte que je ne leur demanderais pas de me louer ou de me dénigrer, mais seulement de me dire si c’est bien cela, si les mots qu’ils lisent en eux-mêmes sont bien ceux que j’ai écrits (les divergences possibles à cet égard ne devant pas, du reste, provenir toujours de ce que je me serais trompé, mais quelquefois de ce que les yeux du lecteur ne seraient pas de ceux à qui mon livre conviendrait pour bien lire en soi-même). » Bien sûr, c’est la question du temps, du temps retrouvé, qui est au centre La Recherche. Par le saut dans la parole, dans l’écriture, le narrateur retrouve le temps : « cette grande dimension du Temps, suivant laquelle la vie se réalise. » Avec ce final extraordinaire : « Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, — entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le Temps. » Jacques Rivière lui a écrit : « N’oubliez pas la force dont votre œuvre est pleine. Vous aurez beau faire, vous êtes trop dru, trop positif, trop vrai pour ces gens-là. Dans l’ensemble, ils ne peuvent pas vous comprendre, leur sommeil est trop profond. » Il voulait écrire « ce livre essentiel, le seul livre vrai » et il y est parvenu. Et il indique la méthode : « Un grand écrivain n'a pas, dans le sens courant, à l'inventer puisqu'il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d'un écrivain sont ceux d'un traducteur. » Et : «Une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix.»
Raymond Alcovère
00:07 Publié dans Grands textes, Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel proust, a la recherche du tems perdu, le temps retrouvé