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lundi, 03 octobre 2005

L'été et les frasques de la neige

L'ÉTÉ

 

 

L'été, après s'être épuisé en poussières blanches sur les routes et en myrtilles dans les bois, le grand été débraillé et fourbu est rentré, par le toit, dans son château d'osier dont la forme est celle d'une nasse.

 

Maintenant, il se néglige: des oeufs de fourmis lui bouchent le nez et jusqu'à la fente de ses yeux une barbe malade lui pousse, une barbe de feuillages pourrissants qu'on appelle l'automne.

 

 

Paul Colinet (1898-1957)

 

Extrait de «Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 14.

 

 

 

 

LES FRASQUES DE LA NEIGE

 

 

La neige est rouge. La neige, c'est l'été, un rouet en croupe.

 

 

La neige est joyeuse comme du verre cassé, un doigt sur la bouche, ses petits pieds nus derrière l'oreille.

 

 

La neige est verte. Elle est folle comme un losange et sage comme la pointe de ses petits yeux.

 

Elle joue et elle déjoue, courbe et pensive, soudaine et mate.

 

 

La neige court toute nue, avec ses genoux chatouillés d'hirondelles.

 

La neige rit, voyage et meurt, sur le vent qui est tendu comme une voile.

 

 

La neige est blanche.

 

La neige ne sait plus le temps ni le pays.

 

Elle a mis son bras sur ses yeux. Elle aime.

 

 

Paul Colinet (1898-1957)

 

Extrait de «Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 15-16.

 

"Paul Colinet, probablement le moins connu et le plus discret des membres du "groupe des surréalistes bruxellois". C'était un grand ami de Scutenaire" nous dit Eric Dejaeger, qui envoie ces textes (merci)

dimanche, 02 octobre 2005

Son incapacité à accepter le compromis

Nous sommes tous en apparence capables de vivre parce que nous avons eu un jour ou l’autre recours au mensonge, à l’aveuglement, à l’enthousiasme, à l’optimisme, à une conviction ou à une autre, au pessimisme ou à quoi que ce soit. Mais lui est incapable de mentir, tout comme il est incapable de s’enivrer. Il est sans le moindre refuge, sans asile. C’est pourquoi il est exposé, là où nous sommes protégés. Il est comme un homme nu au milieu de gens habillés. C’est une manière d’être qui est déterminée, qui existe en elle-même, débarrassée de tout l’accessoire, de tout ce qui pourrait l’aider à qualifier la vie – beauté ou misère, peu importe. Et son ascétisme est totalement dépourvu d’héroïsme, ce qui le rend, à vrai dire, plus grand et plus noble. Tout « héroïsme » est mensonge et lâcheté. Ce n’est pas un homme qui construit son ascétisme comme un moyen d’accéder à un but, c’est un homme qui est contraint à l’ascétisme par sa terrible lucidité, par sa pureté, par son incapacité à accepter le compromis.

Lettre de Milena à Max Brod, août 1920

Nocturne

Plongé dans la nuit. Tout comme on penche parfois la tête pour réfléchir, être ainsi profondément plongé dans la nuit. Tout autour dorment les hommes. Une petite comédie, une innocente illusion qu’ils dorment dans des maisons, dans des lits solides, sous des toits solides,  étendus ou blottis sur des matelas, dans des draps, sous des couvertures ! Ils se sont en réalité rassemblés comme jadis et comme plus tard dans le désert, un camp en plein vent, un nombre incalculable d’hommes, une armée, un peuple sous un ciel froid, sur la terre froide ; des hommes que le soleil avait jetés à terre à l’endroit même où ils se trouvaient, le front pressé sur le bras, le visage contre le sol, respirant tranquillement… Et toi, tu veilles, tu es un des veilleurs, tu aperçois le plus proche à la lueur de la torche que tu brandis du feu brûlant à tes pieds… Pourquoi veilles-tu ? Il faut que l’un veille, dit-on ! Il en faut un !
Kafka

samedi, 01 octobre 2005

Comme sur ces feuilles de papier d'étain

Elle se tenait tournée vers le levant, là où sont les grandes montagnes; il y avait, entre deux pointes, une échancrure qui faisait comme un nid; c'est là que le soleil venait de se montrer. On aurait dit qu'il battait des ailes. Une espèce de duvet rose, beaucoup de tout petits nuages roses se sont mis à monter dans les airs au-dessus de lui. Comme quand le coq se dresse sur ses ergots, ouvrant ses ailes qu'il fait briller, puis il les ramène à soi, alors toute sorte de petites plumes s'envolent, - qui étaient roses et en grand nombre, glissant mollement dans le ciel, pendant que sur les derniers champs de neige la lumière s'est allumée comme sur ces feuilles de papier d'étain que les enfants lissent du doigt.

C.F. Ramuz, La beauté sur la terre

Les longs muscles du fleuve

Tous les matins Antonio se mettait nu. D'ordinaire, sa journée commençait par une lente traversée du gros bras noir du fleuve. Il se laissait porter par les courants ; il tâtait les noeuds de tous les remous ; il touchait avec le sensible de ces cuisses les longs muscles du fleuve et , tout en nageant, il sentait, avec son ventre, si l'eau portait, serrée à bloc, ou si elle avait tendance à pétiller. De tout ça il savait s'il devait prendre le filet à grosses mailles, la petite maille, la navette, la gaule à fléau, ou s'il devait pêcher à la main dans les ragues du gué. 

Jean Giono, Le chant du monde

 

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Dans les autres mondes

Tout est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous les côtés ; les choses n’avaient plus d’ombre, le mystère était là, contre la peau ; ce vent de perdition arrachait les mots aux lèvres et les emportait dans les autres mondes 

Jean Giono, Le serpent d'étoiles

Temps doux et humide

Temps doux et humide, aimerais être à Florence cette après-midi, regarder couler l'Arno et aller visiter les Offices

13:46 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

Salon nomade

>(Info fournie par Calou)

 Le Salon Nomade, animé par Pascal Payen-Appenzeller et Claude Polak, est un salon littéraire itinérant qui se tient chez l’un des membres du Club des Fondateurs ou dans un lieu privilégié. Le troisième mardi de chaque mois entre 14h 45 h et 17h45. 40 à 50 auditeurs se réunissent et, au cours d’un dialogue toujours passionné et passionnant, découvrent un écrivain. La séance se termine par une collation amicale et, pour ceux qui le souhaitent, les œuvres les plus significatives de l'auteur sont mises à disposition par un libraire et dédicacées. Pascal Payen Appenzeller est historien et conférencier, Claude Polak médecin et journaliste.
Mardi 15 novembre à 14 h 45 :  rencontre avec Alain Rey
Au Théâtre Dejazet, 41 Bd du Temple Paris XI     (Métro République)
Créé en 1851, c'est le dernier théâtre du "boulevard du Crime".
Cette salle évoque Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné, les scènes d'intérieur y ont d'ailleurs été tournées. Et le plafond de 120 m2, qui retrace cette histoire, a été peint par Daumier.
Alain Rey, lexicographe et professeur de linguistique, est l'âme des "Robert" depuis près de cinquante ans. Il incarne l'histoire des mots, de notre langue et de ses dictionnaires. Cet homme affable, à longue chevelure blanche, dont on entend chaque matin la voix à la radio sur France Inter (à 8 h 55) dans"Le dernier mot", présente également sur France 2 "Démo des Mots". Mémoire et culture prodigieuses, il est à lui seul plusieurs dictionnaires. Après des études de Sciences politiques et de Lettres, Alain Rey est en 1951 le premier collaborateur de Paul Robert, fondateur des célèbres dictionnaires et devient bientôt rédacteur en chef des publications des éditions "Le Robert". Le "Petit Robert" est vendu à 300.000 exemplaires  chaque année. En octobre 2005, Alain Rey publie son "Dictionnaire culturel de la langue française".

 Mardi 29 novembre  à 14 h 45 :  rencontre avec Noëlle Chatelet À l’Hôtel  de Béhague (Ambassade de Roumanie) 5,rue de l'Exposition 75005 (angle rue Saint Dominique-avenue Bosquet, Métro Ecole Militaire) Restauré par Gabriel Hippolyte Destailleur en 1862, dans le style Louis XV, l’Hôtel  de Béhague c'est "l'un des plus  beaux palais" de Paris, selon l'écrivain Henri de Régnier. D'abord comédienne, Noëlle Châtelet est maître de conférence à Paris V et écrivaine. Elle a épousé le grand philosophe François Chatelet, décédé en 1985. Dans ces nombreux romans, Noëlle Châtelet élabore depuis près de trente ans une réflexion originale sur les questions du corps, du vieillissement, de l'identité et de la liberté. Liberté du corps (Corps sur mesure), d'être sage (La dame en bleu), d'aimer à 70 et 80 ans (La Femme coquelicot), ou à six ans (La petite aux tournesols). Avec "La tête en bas", elle va un peu plus loin, puisque son héros est double : hermaphrodite. Enfin dans "La dernière leçon" (2004), grand succès de librairies, elle évoque la  liberté de choisir sa mort.
Inscription indispensable (de préférence entre 10 heures et midi) auprès de :
-Madame Claudine ROBINEAU  - 01 45 53 32 70 - 4, villa de Longchamp, 75116 PARIS

 -Madame Pierrette VACCANI    –01 46 65  69 31- 8, rue de Berry, 94230   CACHAN       
Participation  à la séance : 18 € (30 € pour les couples).

C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il

Il [Bergotte] mourut dans les circonstances suivantes : Une crise d'urémie assez légère était cause qu'on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu'il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu'il ne se rappelait pas) était si bien peint qu'il était, si on le regardait seul, comme une précieuse oeuvre d'art chinoise,d'une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l'exposition. Dès les premières marches qu'il eut à gravir, il fut pris d'étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l'impression de la sécheresse et de l'inutilité d'un art si factice, et qui ne valait pas les courants d'air et de soleil d'un palazzo de Venise ou d'une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer, qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. " C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune".
Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu'il avait imprudemment donné la première pour le second. "Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition. "

Il se répétait : "Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune." Cependant il s'abattit sur un canapé circulaire ; aussi brusquement il cessa de penser que sa vie était en jeu et, revenant à l'optimisme, se dit " C'est une simple indigestion que m'ont donnée ces pommes de terre pas assez cuites, ce n'est rien. " Un nouveau coup l'abattit, il roula du canapé par terre, où accoururent tous les visiteurs et gardiens. Il était mort.

La Prisonnière, Marcel Proust

Ca saute, ça danse !

Voilà le sommet des arbres qui disparaît, les collines qui s'abaissent ; je vois les villes comme des taches d'encre éclaboussées, les routes telles que des pattes d'insectes qui se prolongent et s'amincissent. La mer ne remue plus, elle est toute plate, on la dirait solide comme la terre, et c'est la terre au contraire qui se balance en oscillant. Je vois les pics des montagnes couverts de neige, qui se tassent les uns près des autres comme des moutons qui se rassemblent en troupeau. Ca saute ! ça danse ! L'air pèse sur ma poitrine, j'étouffe ! Le vent par grandes bouffées me donne des coups dans la figure.

La Tentation de Saint Antoine (version de 1849) Gustave Flaubert

Voir ici sur Flaubert