Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 04 novembre 2005

Poème inédit de Charles Bukowski

amour & gloire & mort

c’est assis dehors près de ma fenêtre

comme une vieille femme qui va au marché ;

c’est assis et ça me regarde,

ça transpire nerveusement

par fil et brume et aboiement

jusqu’à ce que soudain

je frappe la vitre avec un journal

comme pour écraser une mouche

et on a pu entendre le hurlement

dans toute la moche cité,

et puis ça s’est en allé.

 

la manière de terminer un poème

comme celui-ci

c’est de soudainement

se calmer.

Charles Bukowski

Extrait de It Catches My Heart in Its Hand (1963) repris dans Burning in Water Drowning in Flame (Selected Poems 1955-1973), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1999, 42.

Traduction : Éric Dejaeger

 

love & fame & death

it sits outside my window now

like an old woman going to market;

it sits and watches me,

it sweats nervously

through wire and fag and dog-bark

until suddenly

I slam the screen with a newspaper

like slapping at a fly

and you could hear the scream

over this plain city,

and then it left.

 

the way to end a poem

like this

is to became suddenly

quiet.

 

15:44 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (14)

Une haine secrète

La haine secrète (secrète même pour qui l’éprouve) que l’être humain, et tout spécialement celui qui – critique, éditeur, universitaire etc – gravite autour de la littérature, sa haine secrète envers les écrivains n’a peut-être d’égale que la haine secrète que l’auteur porte à l’écriture : la haine de qui, par une exaspération de l’amour, est en situation de dépendance. Qu’est-ce que cette vie qui ne peut se vivre qu’avec un carnet constamment à portée de main ? Rimbaud la rejeta avec rage et on le vit, au désert, manifester sa honte quand se trouvait évoquée son ancienne activité de poète. Kafka demanda que soient brûlés ses manuscrits. Le verbe avait dévoré leur vie, le verbe qui seul pourtant leur avait permis d’accéder à leur essence, de réaliser leur être dans la plus grande liberté possible.

Or le genre humain est aujourd’hui débordé par un verbe qui n’est même plus libérateur, le genre humain est débordé par la parole proliférante et mensongère du spectacle, le genre humain est réduit au bruit incessant, au bavardage vertigineusement creux et inefficace, aux langues de bois des médias, des politiques, des religieux, des scientifiques et des spécialistes de toute sorte, à la langue absurde et totalitariste des transactions financières, à l’incessante et compacte propagande, le genre humain tout entier n’est plus qu’un misérable insecte englué dans une toile de signes dépourvus de chair et de sens, et tout en s’autodétruisant dans les pires convulsions, anesthésié et paralysé, asphyxié dans sa honte et son impuissance, émet comme une bave d’agonisant d’ultimes rêves de lumière, semblable à cette « lumière bleue » glaciale que Leni Riefensthal fantasma dans son premier film éponyme, en 1933, avant de foncer, fascinée, dans le mur du discours hitlérien.
Que les poètes nous fassent entendre leur langue de poète, vite. Si l’être humain n’a pas de rapport légitime à la vie, il lui faut, absolument, établir et garder sans cesse un rapport poétique avec elle.
Alina Reyes

Espaces blancs


Lecture à la Baignoire, 7 rue Brueys à Montpellier (Derrière le Dôme)

Espaces blancs, de Paul Auster, par Stéphane Laudier

les 9 et 10 novembre

à 19 heures

Renseignements et inscriptions au 06 14 47 06 99

Plus d'infos ici

Se sentir français aujourd'hui

Se sentir français aujourd'hui, pleinement français, possédé par la froide tragédie française, ce serait se sentir également envahi par les deux effrois, par les deux mémoires. Celle du malheureux photographe d'Epinay, qui n'a pas même droit à la publicité de son nom, et celle des petits footballeurs de Clichy.

Lire l'article entier de Daniel SCHNEIDERMANN ici


09:26 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 03 novembre 2005

Que les Goncourt vermifugèrent

Avec nos journaux-pansements
Qui sèchent les plaies prolétaires
Et les cadavres de romans
Que les Goncourt vermifugèrent
Avec la société bidon
Qui s'anonymise et prospère
Et puis la rage au pantalon
Qui fait des soldats pour la guerre

t'es Rock, Coco ! t'es Rock !

Leo Ferré (paroles en entier de la chanson ici)

22:23 Publié dans Chanson | Lien permanent | Commentaires (1)

Encore faut-il...

Il ne suffit pas de refuser la Légion d'Honneur; encore faut-il ne pas la mériter!

Erik Satie

Recoins de ma vie.

Souvent, je regrette d'être venu moi-même en ce bas monde; non pas que je haïsse le monde. Non.... J'aime le monde, le grand monde et même le demi-monde, étant personnellement une sorte de demi-mondain.
Mais que je suis venu faire sur cette Terre si terrestre et si terreuse?
Y ai-je des devoirs à remplir? Y suis-je venu pour accomplir une mission - une commission?
M'y a-t-on envoyé pour m'amuser? pour me distraire un peu?... pour oublier les misères d'un au-delà dont je ne me souviens plus? N'y suis-je pas importun?
Que répondre à toutes ces questions?
Croyant bien faire, presque à mon arrivée, ici-bas, je me suis mis à jouer quelques airs de Musique que j'inventai moi-même....
Tous mes ennuis sont venus de là...

(Erik Satie, Écrits réunis par Ornella Volta, Éditions Champ Libre, 1981, p. 176)

 

17:50 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1)

Conseils

Conseils: Ne respirez pas sans avoir, au préalable, fait bouillir votre air.
(Erik Satie, Écrits réunis par Ornella Volta, Éditions Champ Libre, 1981, p. 31)
 

15:21 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)

Ecrire, penser les sentiments

Un amour violent, une mélancolie profonde envahissent notre âme : ce sont mille éléments divers qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans la moindre tendance à s’extérioriser les uns par rapport aux autres ; leur originalité est à ce prix. Déjà ils se déforment quand nous démêlons dans leur masse confuse une multiplicité numérique : que sera-ce quand nous les déploierons, isolés les uns des autres, dans ce milieu homogène qu’on appellera maintenant, comme on voudra, temps ou espace ? Tout à l’heure chacun d’eux empruntait une indéfinissabe coloration au milieu où il était placé : le voici décoloré, et tout prêt à recevoir un nom. Le sentiment lui-même est un être qui vit, qui se développe, qui change par conséquent sans cesse ; sinon, on ne comprendrait pas qu’il nous acheminât peu à peu à une résolution : notre résolution serait immédiatement prise. Mais il vit parce que la durée où il se développe est une durée dont les moments se pénètrent : en séparant ces moments les uns des autres, en déroulant le temps dans l’espace, nous avons fait perdre à ce sentiment son animation et sa couleur. Nous voici donc en présence de l’ombre de nous-mêmes : nous croyons avoir analysé notre sentiment, nous lui avons substitué en réalité une juxtaposition d’états inertes, traduisibles en mots, et qui constituent chacun l’élément commun, le résidu par conséquent impersonnel, des impressions ressenties dans un cas donné par la société entière. Et c’est pourquoi nous raisonnons sur ces états et leur appliquons notre logique simple : les ayant érigés en genres par cela seul que nous les isolions les uns des autres, nous les avons préparés à servir à une déduction future.

Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, II, p. 98-99

11:53 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (0)

Au coeur de l'Amérique

Un jour je viendrai

Comme une averse

Je suis une nuée d'alouettes

Qui se posent sur le toit de votre maison.

Ne soyez pas avare,

Ouvrez la fenêtre,

Car dans les hauteurs de l'aube

Je vous conterai le drame de l'exil

Puis,

Je mangerai mes ailes

Pour ne plus voler.

Le poème qui apparaît sur l'affiche est du poète irakien Salah Al Hamdani

09:35 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 02 novembre 2005

L’élection de Pierre Autin-Grenier à l’Académie Française (nouvelle mouture)

Le hasard m’a fait intercepter cet article du « Chasseur français » du 16 avril 2008, le voici en substance…


Une foule avenante et bigarrée se pressait hier, sous la Coupole, pour la réception à l’Académie Française de Pierre Autin-Grenier, au fauteuil de Jean d’Ormesson. Nombre de ses amis étaient là, déjà académiciens comme Jean-Pierre Ostende, Jean-Claude Pirotte et Gil Jouanard ou avec l’espoir de l’être un jour comme Eric Holder ou Philippe Delerm. Très élégant dans son costume dessiné par Christian Lacroix, l’œil pétillant et la démarche altière, l’ancien soixante-huitard dont on connaît le talent et l’ironie mordante a laissé quelque peu perplexe une partie de ses auditeurs en prononçant l’éloge de l’ancien directeur du Figaro Magazine : « Homme de plume mais aussi de combat et ce qui ne gâte rien, d’une immense culture, Jean d’O - comme l’appelaient ses nombreux amis – s’il n’a cessé de côtoyer les puissants, n’en aura pas moins été un défricheur, un chercheur inlassable de vérité. Seul contre tous, il n’hésitera pas à jouer les trouble-fête après mai 1981, à se dresser courageusement, tel Hugo face à Napoléon III, contre François Mitterrand et à faire du Figaro, le grand journal de la contestation d’alors, un rempart contre la pensée unique et une nécessaire alternative, un scrupuleux antidote (...) C’est à cet homme de résistance que je veux rendre hommage aujourd’hui, c’est ce compagnonnage que je revendique, celui de l’irrévérence et de la libre parole, même si nos convictions ont souvent été diamétralement opposées, concluait-il… » Quolibets et noms d’oiseaux ont alors fusé ci ou là, vite recouverts par les applaudissements d’usage et le sourire entendu de quelques uns. Tout cela fut oublié grâce à l’éloquence vibrante de Bertrand Poirot-Delpech qui, prononçant l’éloge de Pierre Autin-Grenier, mit l’accent sur « l’ironie convulsive, l’impertinence consubstantielle du nouvel académicien » : « il n’a jamais voulu appartenir à aucune école, sinon celle des « Moins que rien » , sous lequel un journaliste fort pertinent – cela existe, c’est prouvé, ajoutait-il - avait regroupé, dans les années quatre-vingt-dix, quelques unes des plus solides – et des plus caustiques - plumes du moment. Tels ces écrivains du bâtiment dont Hemingway conseillait au siècle dernier la fréquentation aux débutants, Autin-Grenier n’a cessé d’être prolixe. Lui le maître du « fond de court » surprit son monde en montant au filet, se lançant avec le succès que l’on sait dans le roman grâce à « Friterie-bar Brunetti ». Dès lors rien ne l’arrêta plus. Devenu, après avoir surfé sur la victoire du non au référendum de 2005, le maître à penser de la nouvelle gauche, sa notoriété grandissant, il entreprit son grand virage à droite pour soutenir (victorieusement) la candidature de Ségolène Royal à la Présidentielle de 2007. Devenu une véritable icône, il publia alors un poignant plaidoyer: « Je ne suis pas un bobo ! » où l’émotion de l’ancien gauchiste blessé dans son amour-propre transpirait à chaque ligne. Son œuvre n’est pas terminée heureusement, et lui qui fit de la célèbre boutade : « Il poursuivait une idée fixe, il était surpris de ne pas avancer ! » un de ces chevaux de bataille, ne manquera pas de nous surprendre encore, n’en doutons pas, puisque le voilà bien reverdi  ! »

C’est dans un des quartiers du vieux Lyon qu’il affectionne tant, qu’une partie de cette joyeuse assemblée, par un TGV spécialement affrété, s’est rendue ensuite, pour fêter cet irrésistible événement. Et le vin blanc, comme il se doit, a coulé jusqu’à une heure fort avancée de la nuit ! Les plus vieilles institutions ont parfois aussi leurs moments de folie…

 

La frite !

L'est dans Télérama l'académicien !

Une fable chinoise

Le tigre est la terreur des forêts. Un jour un renard tombe entre ses griffes. Avec aplomb il dit au tigre :

- Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici.

Le tigre s’étonne de ce discours et le renard poursuit :

- Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint.

Le renard se met donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontrent fuient à leur approche. Le tigre croit alors les paroles du renard, sans comprendre que c’est lui-même que tous craignent.

Cette fable illustre Le stratagème " Orner de fleurs un arbre sec " dans le recueil "Les 36 stratagèmes" (Traduit du chinois et commenté par François Kircher. Rivages poches. Petite bibliothèque).

16:42 Publié dans Fables | Lien permanent | Commentaires (3)

Concours internationaux de littérature, peinture, photo et enveloppes

Association "Regards", infos à lire ici

15:59 Publié dans Concours | Lien permanent | Commentaires (1)

Quel diable d'homme !

Quel diable d'homme, et qu'il est contrariant ! il dit du bien de tout le monde !
Beaumarchais, Le mariage de Figaro (préface)

15:29 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)

Ô bizarre suite d’événements !

" Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis ; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées, j’ai tout vu, tout fait, tout usé. "

Figaro, scène 3 de l’acte V du Mariage de Figaro de Beaumarchais.

07:55 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 01 novembre 2005

Et vous voulez jouter…

" Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter… ".

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro (1784)

23:00 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (9)

Virez-les, ils puent. Aidez-les, ils souffrent

"Quand Balladur 1er était premier ministre, la rumeur publique le disait convaincu que SDF signifiait "Samedi, Dimanche et Fêtes". Patrick Declerck ne rapporte pas ce trait dans Le sang nouveau est arrivé (92 pages, 5,50 euros, Gallimard). C'est trop gentil et trop léger et cela ferait un hiatus dans son pamphlet, un vrai pamphlet dans le règles de l'art : violent, radical, excessif, brillant, impitoyable, talentueux, cynique, sarcastique, informé. Car rien ne sera jamais "trop" pour dénoncer "l'horreur SDF".
Ceux qui avaient lu son grand livre sur les clochards de Paris ne l'ont pas oublié. Sa parution il y a quatre ans sous le titre Les Naufragés, sous le prestigieux parrainage de Jean "Terre Humaine" Malaurie, avait ébranlé de très nombreux lecteurs. Mais il s'agissait d'un gros livre d'ethnologie urbaine, hallucinante descente aux enfers près de chez nous. Cette fois, il devrait toucher davantage de monde encore car son brûlot est encore plus puissant.
Patrick Declerck est un homme en colère, nietzschéen sur les bords ("Il faut tirer sur la morale"), mais il y a surtout du Léon Bloy en lui : stylé, drôle, cruel. Sauf que lui, contrairement à Léon, bouffe du curé à toutes les pages, mais pas que du curé : du notable, du ministre, du responsable humanitaire, du militant des grandes causes, de l'assistante sociale bien dévouée. Il vomit la compassion, les bons sentiments, l'amour des professionnels de la chose même s'ils sont bénévoles.
Il n'y a que lui pour remarquer que le décret interdisant encore la mendicité dans les gares est daté du 22 mars 1942. Pour traiter Sarkozy de "politicaillon populiste, idéologue pour foire agricole, Marc-Antoine de kermesse aux boudins et auteur d'une loi salope visant à traquer et harceler les plus pauvres". Pour rappeler que des réfugiés afghans sans-papiers réveillés sur le parvis de la gare de l'Est ont été verbalisés pour camping sauvage. Pour dénoncer "la bien-pensance démocratomane". Mais il ne se contente pas de gueuler en défense de ceux de la rue qu'il connaît mieux que quiconque. Il pointe d'abord les paradoxes : le clodo fait peur à la société et dans le même temps elle veut l'aider ("Virez-les, ils puent. Aidez-les, ils souffrent"). Ainsi le policier et l'humanitaire se trouvent-ils embarqués dans une valse à deux temps qui fausse tout.
Declerck souffre que nos haines ne soient plus que conceptuelles. Que nul ne dénonce aussi haut et fort que lui le cloaque que le monde est devenu. Il aimerait que les autres gueulent autant que lui contre le fait que près de 500 000 personnes en France gravitent "autour de ce trou noir qu'est la rue".
Rien ne le révolte comme d'entendre parler de volonté, sur le mode : ceux qui vivent dans la rue y sont par choix et par goût (un peu comme les putes, en somme, qui ont ça dans la peau, air connu). Il les connaît bien, et pour cause. Alors il sort armé de son Spinoza et son Schopenhauer et son Héraclite pour brandir le daimon (destin) contre la volonté qui n'existe pas. L'homme ne fait pas ce qu'il veut mais ce qu'il peut, compris ?  A ses yeux, il n'y a que "les humanistes crétinisés", c'est à dire la majorité de la population, pour s'imaginer qu'on vit dans la rue parce qu'on aime ça. Celle-là même qui ne détourne pas la tête quand un hirsute aviné meurt d'hypothermie en pleine rue au début de l'automne, mais qui se scandalise bruyamment  lorsqu'une meute des mêmes crève littéralement de froid sur les marches de Notre-Dame le soir de Noël.
Il n'a pas de mots assez durs pour fustiger "l'immuable bêtise du système d'aide et d'accompagnement des SDF", son impuissance à gérer adéquatement l'alcoolisme et la dépression. C'est après le système qu'il en a, non après les personnes qui le servent.
"Clodo, de par sa souffrance et son drame, illustre la terrifiante vérité de la société (...) SDF, prostituées et prisonniers sont cousins. Ils sont là pour témoigner du fond ultime des choses : c'est qu'il n'existe pas, et qu'il ne peut pas exister d'alternatives viables au canon de la bonne normalité (...) Que l'on ne s'y trompe pas. La souffrance des pauvres et des fous est organisée, mise en scène et nécessaire. L'ordre social est à ce prix".
La solution ? Patrick Declerck la résume en trois mots : revenu minimum d'existence. Sans contrepartie aucune. Car la rue est une horreur. Il faut donc rendre illégale la mise à la rue et s'en donner les moyens. Selon lui, c'est ce que la société doit à ses errants de force et ses sans-abris contraints.
On referme le livre et on se demande s'il n'en ferait pas un peu trop. Et en attendant son tour chez le dentiste, on feuillette d'un oeil distrait le dernier numéro du Figaro Madame. Toute une page sur le "Grand prix pour l'action humanitaire 2005", co-production Madame Figaro et Arte (mai oui) où il est question de choisir entre "quatre femmes d'exception et de courage" (il s'agit de celles qui organisent, pas des autres) et le tout dans une rubrique intitulée "People" ! Declerck en a rêvé, ils l'ont fait !
Alors on se dit que non, décidément, il n'en fera jamais trop."
Extrait de LA RÉPUBLIQUE DES LIVRES
Le blog de Pierre Assouline
29 octobre 2005
http://passouline.blog.lemonde.fr/

16:55 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

La cité des fleurs fanées

Voilà. Monsieur Bartin a écrit comme remarque : « Ta franchise représente un bon pourcentage de l’originalité de ta rédaction. » Si j’écris autant tous les jours, ce cahier sera vite rempli ! Il me reste à lui trouver une bonne cachette…

Éric Dejaeger raconte une année scolaire en distillant les pages de journaux intimes, de blogs, de chatrooms et de SMS d'une classe de troisième, profs compris.

Quatre adolescents et leur titulaire devront faire face à une série d'exclusions auxquelles ils ne sont pas préparés. Le désir de comprendre et de communiquer leur permettra de dépasser les difficultés quotidiennes, de se construire et, finalement, de préserver leur intégrité et les libertés qu'ils se donnent.

Hermeline, Bart, Fausto, Ishak et leur prof de français sont les temps forts de cette histoire faite d'amitié, d'amour, de générosité, d'amertume et de haine.

 

Éric Dejaeger est né le 31 août 1958, juste à temps pour la rentrée des classes. Aux dires de sa mère, il serait allé pour la première fois à l'école en novembre 1960. Il ne l'a toujours pas quittée, se contentant de passer côté tableau en septembre 1979.

Contact : Editions Memor http://www.memor.be/catalogue.asp

Un point miraculeux du temps

La tempête passée venait des fureurs de l'automne. Et déjà cependant l'automne tombait sous l'horizon astral. C'était donc un moment d'extrême équilibre entre les saisons, un point miraculeux du temps où le monde s'était posé sur une crête pure.

Henri Bosco, Malicroix

11:09 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (4)