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mercredi, 13 janvier 2010

Ma patrie, un bout de l’éternité

antonio andivero.jpgMa patrie, un bout de l’éternité

Un lieu sans lieu peint sur un mirage, ailleurs.

 

J’ai oublié ses rives.

Je n’ai aucun moyen de les revoir, ni aucune envie d’ailleurs .

 

A cause du pain qui est cher et de l’hystérie des colons.

 

Je me souviens de la  nuit où je suis partie.  

Il faisait noir.

J’avançais courbée à travers les fleuves taris, le front étincelant de désespoir et les mains implorant du ciel une chose qui me précède.

 

Et plus tard quand une mémoire de larmes me prendra par le cou, comment y retourner ?

Comment retrouver, l’absurde territoire au milieu des cendres ?  

La guerre est  terrible.

Elle a tout décimé.

L’avenir, le présent et le passé.

 

Souvent entre les eaux du sommeil, mon rêve entrouvre une porte sur une terre entourée de paysages où tout est changé

Du haut de mon nid d‘aigle,  je vois des fleurs sur les tables dans les cafés, au cœur de la foule le méchant  Bascom devenu aveugle, il distribue tout son argent , mettant fin à son règne tyrannique, depuis deux mille ans, marquant son retour à Dieu.

Quelle effervescence dans la ville au répit qui se maquille ?

 

Et je sens comme un feu s’allumer au coin de mon cœur et réchauffer mon visage.

Je ne m’étonne de rien mais avant d’entrer à l’aurore  je m’approche avec le désir du partage.

 

A l’improviste, le vent se lève et arrête le mouvement impétueux de mes yeux.

Une poussière  se met  à danser autour de ma tête.

 

Chuchotement de défaite. Silence de l’énigme qui crache son étrangeté. Perte des repères de la ligne du cœur.

Dans l'impatience tout demeure inaccessible.

 

Sans parvenir à m’éloigner, triste je tourne, je tourne encore à la recherche d’un autre chemin, de la plaine reconquise qu’on raconte dans  les légendes.

 

A l’heure ou Les ampoules s’éteignent, l‘aube tombe le rêve sur la grève, sa douleur retient une ombre qui dort toute nue. Il n’y a ni distance entre nous ni vent.

Est-ce mon image ce rêve qui porte un visage familier?

 

Un soir je reviendrai dans la lumière électrique.

J’y  courrai avec les oiseaux migrateurs en brassant l’air comme dans un rêve.

 

Sandy Bel, poète amérindienne

lundi, 15 décembre 2008

Poèmes de Sandy Bel

Joan_miro.jpgDoux vent

Imprégné du levant

 

La nuit

Est-elle finie ?

 

La ville comme une bête noyée

Sommeille 

Dans l’immense corbeille

Un chat retient la vie

D’une souris

Prête à s’échapper

 

  

                  ****

 

  

Hier

Dans l’île

Ce n’était pas possible

Maintenant

Je suis imaginaire

 

Les derniers rayons de soleil

Surtout ceux qui dérivent

Avec le vent

Et arrivent

A ma fenêtre

 

Certains, pas tous.
S’arrêtent

Et se projettent

 

Sur mon corps

En me transfigurant

 

Un instant

De silence

Ils me font belle

Comme dans un conte de fée

 

Et je prends cette chance

Sans remords

 

Heureuse j’avale une étoile

Exilée du ciel

Sandy Bel, poète amérindienne

Joan Miro

samedi, 25 octobre 2008

Mon île

lartigue.jpgJ’aime la regarder par la fenêtre

Quand je suis seule

Sans bruit

Je crains toujours qu’ils puissent me surprendre du dehors Quand ils retournent à leur maison

Et qu’ils découvrent que je brûle pour elle

Ce sont des craintes inutiles, je ne veux pas, mais qu'y faire ?

Elles me dominent à jeun

C’est la vérité

 

 

Comme vous sans doute à cet instant

En train de me lire et de sourire sans lever les yeux vers la mer

Vous n’aimez pas les exilés. Non 

Ils n’ont pas de patrie et traînent  des maladies

J’entends vos murmures croisés, votre compassion provisoire


Mais vous la verrez forcement à un moment ou à un autre
Elle n’est pas pour moi seule, mais pour tous ceux qui attendent comme moi aux périphéries d’autres villes


Si je l’étouffe

Elle renaîtra au milieu des vagues

Et je regretterai longtemps mon geste

Mais je n’en ai pas l’intention tant qu’elle ne m’a pas renié

Je n’ai lieu qu’en elle, je l’avoue

 

Chaque matin, me lever tôt et être la première à la regarder

A six heures et demie, à la fin de l’été il n’y a personne

La rue est  humide de l’odeur de la nuit

Tournée vers elle, que mes  yeux puissent la toucher

Je prie que la mer reste calme dans l’archipel
J’attends à l’orée du doute

Puis elle se détache et flotte sur l’eau comme une tache.


Parfois à un orage passager

Elle se plie comme une ombre sous les rafales du vent presque noyé

Saisie de panique je me dis que je devrais la chercher

J’implore plus d'une fois le vent de ne pas trop appuyer son souffle sur les vagues,  tendant le cou pour essayer de l’apercevoir entièrement

 

Et j’ai mal

Plus je m’approche plus je la vois entr’ouverte, offerte par la mer

 

Je me se réjouis de l’apercevoir de ma fenêtre, de me jeter dans sa nudité

Comme une prairie claire posée sur l’eau  
Elle est superbe à cette distance
Elle vient parfois jusqu'à moi,  comme un insecte

Et quand la mer infinie l’avale en chantant, elle s'esquive.

Je hurle : reviens ! Puis je descends le store, ferme les yeux

Et refoule un long soupir

Je me dis: « Malheur au père qui a exilé tout un peuple !

Malheur à l’Amérique, cause de ma perte ! »

Et le passé, par bribes floues se réveille

Tel un serpent qui sort de la paille

Il ramène les choses sans les avoir cherchées

A cet instant

La mer pose sa main sur mon épaule
Elle me prépare

Que je sois prête

Lorsqu’elle va réapparaître sur ma rétine

 

Je ne sais pas si je suis en train de perdre mon temps ou d’y vivre de quelque façon

Je n’ai pas la réponse

 

Mais je dois me raisonner, ne pas me laisser aller

Est-ce une hallucination qui me nargue depuis l’enfance

Son appel persistant surplombe la mer et vient en moi

A cette force mystérieuse qui nous entraîne l’un vers l’autre

Je n’ai pas la réponse

Je dois vendre la maison pour acheter un bateau et embarquer vers l’île

Mon île

Sandy Bel, poète amérindienne

Photo de Jacques-Henri Lartigue

 

dimanche, 19 octobre 2008

Ma patrie, un bout de l’éternité

GORGES DE L'HERAULT (12).jpgMa patrie,  un bout de l’éternité.

Un lieu sans lieu peint sur un mirage, ailleurs.

 

J’ai oublié ses rives.

Je n’ai aucun moyen de les revoir, ni d’ailleurs aucune envie.

 

A cause du pain qui est cher et  l’hystérie des colons.

 

Je me souviens  de la  nuit  où je suis partie.  

Il faisait noir.

J’avançais courbée à travers les fleuves taris, le front étincelant de désespoir et les mains implorant du ciel une chose qui me précède.

 

Et plus tard quand une mémoire de larmes me prendra par le cou, comment y retourner ?

Comment retrouver, l’absurde territoire au milieu des cendres ?  

La guerre est  terrible.

Elle a tout décimé.

L’avenir, le présent et le passé.

 

Souvent entre les eaux du sommeil, mon rêve entrouvre une porte sur une terre entourée de paysages où tout est changé pour le mieux…

Du haut de mon nid d ‘aigle,  je vois des fleurs sur les tables dans les cafés, au cœur de la foule le méchant  Bascom  qui  est devenu aveugle, distribue tout son argent , mettant fin à son règne tyrannique depuis deux mille ans mais marquant son retour à Dieu.

Quelle effervescence dans la ville au répit qui se maquille ?

 

Et je sens comme un feu s’allumer au coin de mon cœur et réchauffer mon visage.

Je ne m’étonne de rien mais avant d’entrer à l’aurore  je m’approche avec le désir du partage.

 

A l’improviste, le vent se lève et arrête le mouvement impétueux de mes yeux.

Une poussière  se met  à danser autour de ma tête.

 

Chuchotement de défaite. Silence de l’énigme qui crache son étrangeté. Perte des repères de la ligne du cœur.

Dans l'impatience tout demeure inaccessible.

 

Sans parvenir à m’éloigner, triste je tourne, je tourne encore à la recherche d’un autre chemin de la plaine reconquise qu’on raconte dans  les légendes.

 

A l’heure ou Les ampoules s’éteignent, l‘aube tombe le rêve sur la grève, sa douleur retient une ombre qui dort toute nue. Il n’y a ni distance entre nous ni vent.

Est-ce mon image ce rêve qui porte un visage familier?

 

Un soir je reviendrai dans la lumière électrique.

J’y  courrai avec les oiseaux migrateurs en brassant l’air comme dans un rêve.

 

Sandy Bel, poète amérindienne

Photo de Gildas Pasquet

samedi, 27 septembre 2008

Ce premier matin de liberté

stphalle.jpgJe n’ose pas y croire

Ce premier matin de liberté découpe la lumière en aubes nouvelles

Le parfum d’espoir remplit le ciel de juillet

Les revenants arrivent ivres de fatigue, les mains posées sur leurs plaies qui saignent encore

Ils marchent vers nous baisant à chaque pas les lèvres de la terre

Les volontaires déverrouillent les portes des huttes

Les femmes déformées par leur grossesse chantent pour le plaisir de chanter

Les vieux que l’on croyait éteints s’éveillent de leur torpeur et hurlent à pleins poumons « liberté »

 

Sandy Bel, poète amérindienne

Nikki de Saint Phalle

mercredi, 30 juillet 2008

Encore, toujours, être à soi

40120565~Moonlight-Over-Boulogne-Harbor-1869-Posters.jpgJ’attends dans mon lit, bientôt la nuit viendra et je serais morte pour le monde

Le soir arpente les trottoirs, il s’éteint, se perd

Le songe est assis sur mes rives et se hâte de remplir ma tête

Le vide est un ogre avide qui hante ma mémoire

En silence, je regarde la lune

Son regard est si pur, si doux que je veux le conserver sur tout mon corps et les moindres plis de mes draps

Doucement la nuit s’évanouit, se fond lentement jusqu'à l’invisible

Je ne sais plus si je rêve ou…

Un temps de chien

L’aube ramène un jour gris

La pensée de la mort m’effleure

La nature entière s'anime

Une poussière d’oiseaux de papiers envahit l’air

Je me retourne, heureuse d’être vivante

Encore, toujours, être à soi

 

Sandy Bel, poète amérindienne

Edouard Manet

 

jeudi, 26 juin 2008

Derrière une porte de pluie

Mornans, Drôme 2004 (1).jpgDerrière une porte de pluie

Un bruit de caresse d’étoffe arrive sur mes rives et je rêve de l’océan

Des hommes silencieux retenus depuis l’enfance  

Entre eux et le feu

Une femme parle avec peine de ce qui vient

Elle cherche un sens qui l’aide à vivre

Elle aimerait arrêter cette pluie, lui indiquer un autre lieu

Un flux continu de mots l’assaille, sa voix intérieure  

L’immense paysage de la mort

L’automne infini où habitent les hommes et les arbres dépourvus de sang

La pluie jaune de l’oubli

Quitter ce lieu inconnu  

Elle aimerait se reposer

S’échapper là haut et s’exercer à rêver

Elle a mangé la soupe froide des morts

Derrière une porte de pluie

Une lueur d’espoir danse dans ses yeux

Sandy Bel, poète amérindienne

Photo : Gildas Pasquet

mardi, 20 mai 2008

Entre tonnerre et éclairs

318718002.jpgEntre tonnerre et éclairs mon rêve tremble

Sa sève féconde se dilue dans mon sang

Ce qui reste de cette saveur descend au plus profond et s’écroule en moi comme un naufrage

Elle contient le monde

Les animaux, ivres de gestes et de cris éperdus

S’accordent une trêve imprévue

Tout se met en mouvement sans rien briser

Des insectes sortent en trombe par des portes de pluie

Des ombres sans âge plus hautes que les nuages se tapissent pour y continuer à vivre

Des papillons de feu prennent la forme de fleurs fanées A peine l’orage passe, déjà vient l’aube

Elle s’étend sur notre mémoire perdue

Tous nos frères sont morts derrière nos paupières

Nos yeux ouverts ne rencontrent que le vide

Il avance et recule en libérant les couleurs de la vie

Sandy Bel, poète amérindienne

Contact 


Peinture de Antonio Andivero

Samedi 24 mai 2008 - à partir de 20h30 
exposition de peintures et dessins
présentation et signature du livre
« le paradis des mutants » 
20h30 : « Le paradis des mutants » - poème et dessins Antonio Andivero - J-P Huguet éditeur
21h30 : lecture
23h00 : tango 
3 rue Raymond Fassin 92240 Malakoff  09 79 55 61 90 

http://www.ackenbush.com
à 5' du M° Malakoff-Plateau de Vanves ou depuis la Porte Brancion
 
l'exposition sera ouverte du dimanche 25 au samedi 31 mai de 14h à 19h sauf le mardi 
 
Né à Montevideo, Uruguay, Antonio Andivero vit et travaille en France depuis 1975.
On trouve ses oeuvres dans les musées d'art contemporain de Montevideo, Buenos Aires, Quito, Bogota, Madrid...et dans de nombreuses collections particulières ou d'entreprises (European Space Agency, NASA, Matra Space...).
Son univers échappe à la pesanteur et la navette spatiale américaine a emporté, le 28 avril 1990, 250 de ses gravures à l'occasion du lancement du télescope Hubble.
"Un monde minéral, végétal, animal, sidéral. Un monde fossilisé ou vivant, perceptible ou imperceptible, réel ou fictif. Des modifications sémantiques des apparences visant le choc mental et l'éveil de la luminosité, puis de la passion. Des cités cristallines flottantes, arborescentes. Images d'opacité et de limpidité.
Univers atemporel où se mêlent des références au passé, au présent, à l'avenir. Un nœud de Mœbius où l'envers et l'endroit ne font qu'une seule réalité figurée."
Egidio ALVARO

lundi, 19 mai 2008

Ecrire l’histoire

418213902.jpgA l’heure ou nous sortions transis de froid et de misère des veilles brumeuses

Fenêtres et portes se sont ouvertes en éclats de sourire

Des yeux braqués sur le réveil se bousculent pour boire un jus de soleil

Le parfum de la liberté flotte d’un bout à l’autre de la ville

Des vieilles indiennes tatouées sorties pour la première fois de chez elles, se frottent les yeux en pleurant

Des trous du silence, sortent des abeilles

Elles volent d’une seule aile, au ralenti

Sur une nappe tendue par le vide les petits enfants dessinent des maisons

Les vierges revenues des berges déblaient les ruelles des ossements de nos ancêtres pour en faire des tombes

Les arbres se plient et chuchotent des mots revenus d’une mémoire ancienne

Il nous appartient maintenant d’écrire l’histoire

Sandy Bel, poète amérindienne

Contact 

Willem de Kooning
Two trees on Mary Street . . . Amen! 1975

samedi, 17 mai 2008

Maintenant que chacun te caresse...

287618903.jpgMaintenant que chacun te caresse pour se rassurer, je me vante de t’avoir découvert le premier

Pourtant, c’est le contraire

Je me souviens quand tu gisais 

Sur le sol je t’ai soulevé

Et posé sur mes épaules

C’était pendant la révolution

Les gens las d’avoir rêvé plutôt que vécu

Prenaient la fuite

 

Oui je me souviens de ce temps de chien

Il pleuvait

Et je craignais pour toi

A cause de ta blessure qui saignait

Tu avais a peine seize ans je crois

 

Tu affrontas mon regard et tu pleurais

Je savais qu’il me faudrait coûte que coûte te soigner

Maintenant que nous sommes libres

Dans notre pays

Je me vante de t’avoir rencontré et aimé

Mais la mort t’a emmené

 

Où es-tu passé mon amour ?

Ou es ton sourire de neige ?

 

Figée je reste derriere ma fenêtre

Où je sens ta présence

Mais je ne te trouve plus

Je ne te vois plus

Si nous nous étions arrêtés

Dans cette maison à la lisière de la forêt

 

L’homme qui etait là aurait pu te sauver

 

Sandy Bel, poète amérindienne

Contact 

Photo de Gildas Pasquet

 

vendredi, 16 mai 2008

Toute la nuit...

1967033089.jpgToute la nuit nous avons ramé jusqu’au large

Aux mains du vent

Et rapatrié de la panse intime de la mer des cercueils mayas

Gravés en idéogrammes

 

Sur le sable

Nous avons recompté

Les syllabes

Plus jaunes que la rouille

 

Au moment de dire le nom

Des bourreaux ont surgi

Et s’avancent vers nous

L’ennemi qu’on n’attendait pas commence par effacer le verbe signe de notre identité

Peine perdue de tout un siècle 

Où l’amertume nous abat dans un vertige inouï

 

Nous avons fui dans le ravin avec des serpents

Malgré les nuits tumultueuses

Nous nous sommes endormis transis

Blottis les uns contre les autres comme des chimpanzés.

 

Aucun ne s’éveilla

Personne ne s’intéressa à nous

Seul dieu nous veillait

 

Nous avons perdu notre langue

Mais nous ne capitulerons pas,

Nous résisterons en rêvant d’autres mondes possibles

Les serpents et les bêtes affolées seront nos alliés.

 

Sandy Bel, poète amérindienne

Contact 

Peinture de Annie Caizergues