dimanche, 30 septembre 2007
Si j'étais peintre
Loin encore l’Europe est là, je la sens. J’y jette tous mes espoirs, je ne reverrai jamais les îles je crois. Pourquoi revenir en arrière ? La symphonie de l’aurore jette une lumière ocre. Des plages longilignes dévorent la terre devant l’étrave du bateau. Si j’étais peintre, je poserais mon chevalet ici. Le ciel étagé en rumeurs, les couleurs comme des bruits, des notes, qui s’attirent, se repoussent, s’aiment.
Raymond Alcovère, extrait de "L'or du temps", 2002
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vendredi, 21 septembre 2007
Un inédit de Pierre Autin-Grenier
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jeudi, 26 avril 2007
Tenir le monde entre mes doigts de silence
Terre de collines. Ocre et rouge. Achevalé sur ma monture, je parcours les steppes. Les ombres jouent avec les replis de la terre, le gris de la roche avec le bleu des montagnes.
Alpha et oméga du monde, rien ne semble avoir été posé ici par hasard. Ni les vallées, ni les lacs, ni les temples.
Vallées fumeuses de brume, étagées de rizières. Pays cosmique. Vérité inscrite dans les pierres. Élan de la pensée. Le tumulte s’est arrêté.
Le dénuement de la pierre, de la terre ici, me plaît, j’aime ce désordre lent des vallées, l’air de solitude qui flotte sur les collines.
Reflets velours, incarnat du couchant, montagnes au loin, calquées en lignes bleues. Grand remuement de vagues, statufiées.
Oiseaux blancs qui couvent la terre spongieuse, virevoltant. D’autres lignes, d’autres montagnes donnent de l’épaisseur au ciel safran, une profondeur de champ.
Les grandes étendues désertiques de la Chine du Nord sont le lit de mes rêves. Une harmonie bienveillante s’est posée ici.
Je peux rester des heures entières seul au milieu des plaines, à fouir du regard les détours de l’horizon.
Blondeur des collines. Pureté froide, odeurs de sapins. Grandes étendues dorées du pays des glaces. Vagues de givre giflant la peau tendue de froid. Lucidité coupante de l’air.
Voici un temple taoïste, juché sur une colline. Encorbellements de la pierre. Les rizières au loin dessinent leurs courbes lentes. Après-midi tiède et vert.
Seuls les temples, juchés sur des collines, tracent le passage de l’homme. Le désir d’immobilité et de silence innervé dans cette terre est proche de l’hallucination. Mon existence tout d’un coup me semble artificielle. L’action que je mène bien vaine. Découverte de l’espace. Le temps est une pluie de guirlandes sur la mer.
Pourquoi être si près du monde et si loin des siens ? Rien ne peut me retenir à la terre. Devant cette solitude étoilée, mes pensées vont vers vous, si loin, et que j’aime. Puissé-je traverser ces océans et tenir à nouveau le monde entre mes doigts de silence.
Raymond Alcovère ; ce texte est inspiré de la vie du poète Saint-John Perse
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vendredi, 20 avril 2007
Un inédit (de circonstance) de Pierre Autin-Grenier
ÉCOULEMENT DU TEMPS
Comme à la pendule de la cuisine le temps avait pris un coquet retard et qu’à moins de remplacer les piles fatiguées par des en pleine forme il paraissait évident que ce laisser-aller ne pouvait qu’empirer au fil de la journée, j’ai décidé de mettre à profit cette défaillance mécanique et employer les heures ainsi rendues disponibles à quelque éblouissante futilité susceptible d’un instant m’alléger l’âme. Nous étions une fois de plus en pleine période de guerre civile larvée et, certains jours, l’atmosphère en devenait d’une moiteur franchement étouffante.
Le couvre-feu interdisant toute sortie en soirée, bien qu’en ce début mai le ciel soit déjà d’été, je suis allé m’enfermer l’après-midi dans la petite salle du Rivoli revoir un de ces navets à la gloire du régime qui, pris au second degré, me font toujours intérieurement pleurer de rire tant le grotesque y dispute au grandiloquent sans que les protagonistes semblent seulement se douter qu’une telle mise en scène de leur bêtise les condamne à court terme au poteau. Si trois veilleuses mouchardes ne tremblotaient en permanence au plafond l’assistance serait certainement secouée de fou rire, au lieu de quoi tout le monde se lève et applaudit à la fin du film tandis que la régie envoie l’Hymne au Travail, comme l’exige le nouveau règlement.
Cette absurde pantomime sur écran géant m’aurait sans doute déridé pour un bon moment si, au sortir de la séance, je n’étais tombé sur un sévère accrochage entre une brigade de patriotes et les forces paramilitaires pour le maintien de l’ordre. Deux miliciens blessés avait porté leurs congénères au comble du vertige qui firent feu à l’étourdie sur tout ce qui bougeait et semblait encore vouloir vivre. En un éclair une dizaine de jeunes gens du côté de leur dix-huitième année à peine furent abattus à même le pavé et quelques autres prestement embarqués qu’on ne reverrait sans doute plus à l’air libre avant longtemps. Tous les passants à plat ventre sur les trottoirs, casquettes et chapeaux ayant roulé au caniveau, certains aplatis contre les murs des immeubles et mains en l’air selon l’habitude. J’étais resté debout devant le cinéma tel un automate sans ressort, songeant dans le vide à l’époque ma foi heureuse d’avant l’entrée en vigueur des pouvoirs exceptionnels.
Sur le chemin du retour je suis passé par la quincaillerie Blondet voir s’il ne s’y trouverait pas par hasard deux piles neuves pour ma pendule. Certains jours on vieillit plus vite que d’autres certes, mais je me suis dit qu’il devenait quand même urgent que le temps reprenne au plus tôt son cours.
P.A.G
Extrait de « C’est tous les jours comme ça », inédit.
Dernier ouvrage paru : "L'ange au gilet rouge", nouvelles, L'Arpenteur Gallimard, avril 2007
Peinture de Annie Caizergues
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samedi, 24 février 2007
Le lion
Dans tout lion il y a un lapin qui sommeille. Alors réfléchissez, ne le faites pas plus méchant qu'il n'est et ne l'envoyez pas déchoir dans les choux. pas avec des dents de lapin ! ".
Texte et photo de Jean-Louis Bec
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vendredi, 09 février 2007
Un inédit de Jean-Jacques Marimbert (3)
Tel un automate déglingué, je me suis mis à ranger mes petites affaires dans la petite armoire près de la petite salle d’eau, épinglant ici et là des regards anxieux, sur les murs coquille d’œuf, la feuille de soins accrochée au pied de mon lit, mon nom au feutre noir, le carrelage impeccable de la douche, la bonde en plein milieu, le pistolet coincé derrière la cuvette des WC, le lavabo rond, le distributeur de serviettes en papier barré d’un “réservé au personnel”.
De temps en temps, un appel, une plainte, un cri en provenance d’une chambre voisine, suivis du clic-clac nerveux des Scholl de l’infirmière, me tordaient les boyaux. J’ai fini par me laisser tomber sur le bord du lit, exténué de n’avoir qu’à patienter, projeté dans une sorte de vide où mon ego ne gesticulait même plus. Je me suis surpris à sourire en pensant que, au sens littéral, j’étais le nombril du monde, d’un monde mou et sans contour.
Soudain, Manuel Portalès s’est tourné dans ce que je croyais être son sommeil. La lumière tamisée par le volet entrouvert découpait un profil d’oiseau rejeté en arrière sur l’oreiller. Un visage tout en os.
Une fois ingurgitée la prémédication, je me suis mis au lit avec le sentiment de m’allonger pour toujours. La veilleuse de porte a transformé ma nuit en un long tunnel onirique bleuté. Au réveil, la bouche en manque de café, de pain beurré, de miel, je me suis mollement précipité sous la douche histoire de me donner une contenance. C’est tout juste si j’osais déglutir. En réalité, je n’avais rien ni à avaler ni à cracher. J’étais au plus près de mon squelette, accroché au branchage osseux comme chemise au fil, séchant dans le vent du désert. Je ne sais pourquoi l’image des bergers du sahel m’est apparue alors que j’attrapais ma serviette, leur maigre silhouette flottant à contre-jour dans un pagne vaguement noué, dominant le troupeau épars sur une terre ocre et galeuse, leur fière silhouette bravant le soleil et la chaleur, la soif, la lumière. Pour ma part, je n’étais pas fier, pas fier du tout.
Le brancardier m’ayant aidé à me hisser sur son outil de travail, je me souviens d’avoir traversé le service à l’horizontale, passé des sas interdits au commun des mortels et d’être parvenu au bloc si bien nommé. Là j’aurais aimé être escargot, hérisson, huître ou palourde, qui ont l’intelligence de rentrer en eux-mêmes à l’approche du danger, mais je n’ai su faire que l’autruche. Un masque portant lunettes d’écaille et calotté de vert m’a murmuré que tout allait bien se passer, les yeux rivés sur la veine de mon bras qu’il tâtait avec un soupçon d’érotisme. Je n’ai pas eu le temps de lui répondre que l’idée du “tout”, à elle seule, me donnait le vertige. Dans le hall immense et vide de mon crâne résonnait déjà la voix du chirurgien racontant le dernier épisode de Six feet under avec un cheveu sur la langue.
Jean-Jacques Marimbert
Photo : Gildas Pasquet gildaspasquet@gmail.com
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jeudi, 08 février 2007
Un inédit de Jean-Jacques Marimbert (2)
À mon arrivée, il n’a pas dit un mot. Cela me convenait parfaitement. Entre la froide lumière du chevet, et la brochette de prises pour l’oxygène, l’aspiration, la sonnette, les branchements électriques, je n’étais pas à prendre avec des pincettes.
De l’infirmerie et de l’office provenait une rhapsodie de bruits métalliques. J’arrivais pile au moment où les malades en avaient fini avec la corvée alimentaire et la distribution des médicaments. Je me répétais en vain que j’étais là pour une bricole — sans y croire, l’ombilic m’ayant toujours posé un problème, passons. La seule présence de cet arsenal chromé au-dessus de mon lit faisait grouiller dans la marmelade de mon esprit une flopée de tuyaux et de câbles, de sondes et de canules serpentant vers les cinq orifices de mon pauvre corps, ou plutôt non, vers moi, tout simplement, un moi reclus dans le sixième, borgne celui-là, normalement.
Je n’arrivais pas à jouer les stoïciens et me distinguer de ce qui n’aurait dû être qu’un accident matériel étranger à ma vie intérieure. Je recevais en pleine tête le parfum mourant du potage de légumes mâtiné de relents d’alcool et de désinfectants divers, subtil mélange qui m’agressait depuis l’ascenceur, dans le couloir et jusqu’à la chambre, me retournait le cœur, lequel, au demeurant, gigotait lamentablement dans mon estomac presque vide et qui allait le rester un bout de temps. De toute façon, pas une goutte d’eau après minuit, rien, m’avait asséné l’endormeur à la consultation pré-opératoire.
J’ai pénétré dans la chambre les jambes 100% coton et j’ai vu, derrière un paravent à moitié replié, un deuxième lit près de la fenêtre, où quelqu’un, enfoui dans les draps, dormait ou faisait semblant ou était raide mort depuis des lustres. J’ai fait un effort surhumain pour ne pas jurer, par respect, ou plus égoïstement pour avoir la paix. J’avais demandé une chambre à un lit.
En réalité, je l’ai su plus tard, non seulement Manuel Portalès ne dormait pas, mais il savait très bien ce que je faisais, ce que j’éprouvais, par ma respiration, mon piétinement devant le lit fraîchement refait, le déclic des fermoirs de la valise qu’à plusieurs reprises je n’ai pu déclencher. De mon côté, n’ayant aucune envie de partager quoi que ce soit, en paroles ou en mimiques de compassion, je l’ai ignoré. Enfin, presque, en creux. Comment ignorer une présence qui amputait d’emblée la mienne ?
Jean-Jacques Marimbert
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mercredi, 31 janvier 2007
L'allée des pins
Elle part se promener. Soleil éclatant, vent froid qui balaie la ville, épure l’atmosphère, disperse le figé. Arbres tordus, déchirés. Elle revoit L’allée des pins, la route de son enfance, près de Fos-sur-mer : deux colonnades de pins parasols, statufiés, algues séchées, effilochées, prêts d’être arrachés par le vent, mais enracinés dans le sol.
Raymond Alcovère, Le sourire de Cézanne, à paraître, mai 2007, éditions n&b
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jeudi, 25 janvier 2007
Un inédit de Jean-Jacques Marimbert
J’ai connu Manuel Portales. C’est le fait du hasard. Enfin, je ne suis plus sûr de rien. J’invoque le hasard par lâcheté intellectuelle, peut-être.
Certaines nuits, tiré de mon lit par l’idée qu’une puissance se jouerait de nous, je me précipite dans la salle de bains et, agrippé au lavabo, je plante mon regard dans la glace mouchetée de dentifrice. J’interroge mon visage, au cœur, pleines pupilles. Je scrute mon front, mes joues, mes paupières et sous le néon hollywoodien, me frayant un chemin spirituel entre la mousse hypoallergénique et la brosse échevelée, tel un idiot épris de métaphysique, je suis à l’affût. Rien jamais ne se passe, bien sûr, pas le moindre frémissement hormis l’agacement ironique des commissures, pas le plus petit signe d’un au-delà circulant dans mes rides, à moins de considérer que cette esquisse au coin des lèvres… Balivernes ! N’empêche. Une fois, perdu dans cette contemplation stupide, hagard à force de benzodiazépine, j’ai basculé de la lisière des cils au désert de dunes frangé de touffes sèches au nord du Sahara et, manque de sommeil ou larmoiement blafard, je me suis retrouvé à la sortie d’El Golea une fin d’après-midi. Soleil déclinant, j’ai vingt-cinq ans face à l’horizon de sable aux allures de mer rouge, ou mieux, m’étais-je dit appuyé sur l’aile cabossée de ma 2CV, d’océan asséché, me remémorant le fond sablonneux d’une plage de mon enfance tangéroise, quand par le hublot du masque, dans le crachottement salé du tuba, j’observais la tôle ondulée où venaient fondre de pâles rayons habités d’algues et de plancton. Je n’ai opposé aucune résistance au phénomène, trop heureux de pouvoir justifier ma lubie. Par jeu plus que par conviction, je m’engouffrai dans l’hallucination pour nourrir des idées du genre “tout est dans tout”, “le temps ne s’écoule pas sinon il s’écoulerait en lui-même”, “l’éternité est l’implosion du temps”, et autres absurdités qu’aussitôt remis sur rails je balayai d’un café serré. Profitant tout de même de l’entre-deux qui blanchit le ciel, je revisitai ce coin paisible de l’oasis d’El Golea, œil creusé en bordure de l’erg, au moment où, de la palmeraie, le parfum des tomates et des orangers fait de l’espace un écrin de roseaux. De là à admettre que notre vie ne tiendrait qu’à un fil agité par je ne sais quoi ou qui, Destin, Dieu ou Génie, toutes ces sottises de bibliothèque médiévale et de chapelle bourdonnante, il y a loin. Pourtant, qui a connu Manuel Portales comprendra mes doutes et mon inquiétude. Je rapporte ce qui suit pour les autres, tout autant que pour moi, je l’avoue.
À l’hôpital, nous étions voisins de chambre. Moi, pour une hernie ombilicale. Lui, je n’ai jamais su avec certitude. Il attendait des résultats d’examens qui, à ma connaissance, ne lui ont jamais été communiqués. J’ai alors su ce qu’attendre veut dire. Mieux vaut se pendre ou partir en courant.
Jean-Jacques Marimbert21:39 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, inédit, Jean-Jacques Marimbert
mardi, 28 novembre 2006
Un inédit de Pierre Autin-Grenier
LE CANDIDAT
Tous les soirs à huit heures on redoute le docteur, le diable ou sa sœur. Ces temps-ci c’est plutôt le candidat qui s’invite. Sans gêne il s’installe comme chez lui, squatte tout un coin du salon. Le faire-valoir pâlichon qui partout l’accompagne l’interroge alors sur ses positions en matière de police judiciaire, sur son attitude à l’égard des problèmes de délinquance juvénile et d’alcoolisme (« Intransigeance absolue! » s’empresse-t-il), sur les yoyos du cours du concombre au palais Brongniart en fin d’après-midi (il compatit, ne reste court à aucune question), il promet qu’avec des poissons dans ses souliers lui aussi pourra bientôt marcher sur les eaux; tant d’autres billevesées et calembredaines qu’à subir ainsi le bonhomme bien vite ma femme en prend mal aux dents, renversé par toutes ces sottises je laisse tomber ma clope qui s’en va brûler un bout de nappe à côté du cendrier.
Quand les voisins affolés viennent frapper chez nous, « L’avez-vous entendu ?! », on dit non en refermant doucement la porte sur leur panique pour ne pas ajouter à la pagaille qui, peu à peu, s’empare de tout l’immeuble. On sait que, des étages, certains ont déjà balancé dans le vide le candidat, son faire-valoir et tout le décorum par la lucarne des toilettes pensant de la sorte se protéger du pire, conjurer le péril, échapper peu-être aux drames promis. C’est bien assez pour qu’une dizaine de cars bourrés de condés déboule toutes sirènes hurlantes et boucle illico le quartier. Nous voilà dans de beaux draps maintenant.
Quelques échines à la matraque pliées en deux, divers crânes de-ci de-là cabossés, des nez saigneux et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ordre et sécurité retrouvent enfin leurs droits. Notre gardien d’immeuble, homme de grande prudence et entremetteur hors pair, après avoir remis la liste circonstanciée des locataires à ces messieurs les rassure quant à nos intentions de faire tantôt un triomphe au candidat, jure ses grands dieux qu’on lui prépare ici un plébiscite qui passera à coup sûr à la postérité. Ils se retirent donc, ne laissant sur place qu’une petite patrouille de surveillance, un ou deux mouchards aussi sans doute.
Ma femme et moi en venons à regretter les visites du diable ou de sa sœur ; leurs arguments sont moins expéditifs, avec eux la discussion souvent reste plus ouverte. À notre âge, il est vrai, nous nous accommodons mal des nouvelles contraintes qu’impose l’époque.
P.A.G Extrait de « C’est tous les jours comme ça », inédit.
Photo : Michèle Fuxa
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samedi, 14 octobre 2006
La mer de Marmara
Le navire s’élance sur la mer de Marmara, perlée de lumières. La nuit tombe, enfin le silence. Un vent puissant, roboratif, soulève l’écume. Il est heureux dans cette solitude étoilée. Devant ses yeux elle danse toujours.
Les reflets de la lune courent sur le glacis des vagues. Il imagine les criques brûlées de soleil, l’odeur des pins, des cyprès, des crépuscules amarante et puis l’histoire, puissante, majestueuse, inscrite dans les paysages. Mais ces sensations le laissent de marbre aujourd’hui. Il retourne près d’elle.
Extrait du roman : Le sourire de Cézanne, à paraître, mai 2007, éditions n & b
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mardi, 15 août 2006
Ce que femme veut
Elle ne m’a pas demandé un siamois avec pedigree. Elle voulait juste un tigre nain, beige, orange et noir, aux yeux vairons, le gauche azur, le droit absinthe.
Elle ne m’a pas demandé la Lune. Elle voulait juste le dix-septième anneau de Saturne girant dans le sens opposé des aiguilles d’une montre autour de Miranda. « L’un des satellites d’Uranus » a-t-elle précisé en voyant mon ébahissement.
Je ne me suis pas découragé.
Elle ne m’a pas demandé un château en Espagne. Elle voulait juste un petit nid de lumière ivoire, sans toit ni mur, sans porte ni fenêtre, à l’abri des regards indiscrets et des courants d’air.
Elle ne m’a pas demandé de rivière de diamants. Elle voulait juste un éclat de tourmaline naturellement prisonnier d’une translucide gangue de sardoine. « À porter en sautoir » a-t-elle ajouté.
Je n’avais rien à lui donner excepté mon humble personne. Que je lui offris en cadeau.
Qu’elle refusa, la garce !"
Éric Dejaeger
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samedi, 03 décembre 2005
Les inédits de P.A.G. (La loge)
Des années durant j’ai porté le costume rapetassé de toutes parts de l’essuyeur de baffes. Succès garanti pour un salaire ne faisant pas de bruit. Je jouais, cela suffisait à mon contentement. Pour l’ordinaire, un bol de bouillon creux ou deux patates au four faisait l’affaire. Au rebours de certains camarades qui très tôt triomphèrent dans Pirandello, malgré un âge avancé je piétinai des lustres dans Polichinelle. Silencieux, je supportais et ne me suis jamais plaint qu’on ait sous-estimé mon talent.
Aujourd’hui qu’après avoir enduré stoïquement toutes les vicissitudes d’une vie sans éclat voici mon nom en haut de l’affiche, la critique à mes pieds et le public subjugué par la finesse de mon art, j’ai décidé de renoncer aux lauriers, aux sunlights et aux planches plutôt que faire facilement mon profit de ce retournement de situation.
Je moisirai donc le restant de mes jours rencogné dans l’humeur sombre de cette loge minuscule, à l’abri du monde. Tous ces gens assemblés sont trop sots pour que je me laisse aller et cède à leur adulation. Ils peuvent sans discontinuer lancer leurs bravos et leurs hourras devant la porte du théâtre vide, se tordre le cou au ciel, je me garde bien de seulement leur montrer ma tête par l’unique petite lucarne de dessous les combles. C’est comme ça.
P.A.GExtrait de « C’est tous les jours comme ça » (inédit).
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Les inédits de P.A.G. (Un jeudi au jardin)
Ce jeudi, comme je n’avais nulle affaire intéressante à mener ni quelque lecture légère sous la main susceptible de me désennuyer un moment, alors j’ai enfilé mon pardessus, tiré la porte derrière moi et suis allé au jardin public en bas de mon immeuble m’asseoir sur un banc. Il en reste là un ou deux que la municipalité n’a encore osé faire disparaître — ainsi qu’elle s’y est employée un peu partout dans d’autres quartiers dans le but de faire disparaître avec les vieillards désargentés de mon espèce qui viennent lamentablement y tuer le temps et donnent ainsi une mauvaise image de la ville, c’est du moins ce qu’affirment nos édiles.
Emmitouflé jusqu’aux oreilles dans mon pardessus au col relevé et les mains comme cousues dans les poches, j’ai longuement regardé défiler sous mes yeux mes souvenirs tout en rêvant un peu parfois. Petits trottins promenant tranquilles leurs cuisses au goût de pain d’épice tels que j’en avais connus, aimés aussi, aux jours anciens. Étudiant attardé dans le supérieur, fringué gavroche, et me dévisageant un instant avec du Reggiani dans le regard ; pitié ou reproche ? Costumes-cravates pressant le pas vers quelque pièce étroite et sombre du quartier des affaires, grises ménagères à cabas retour des commissions, tant d’autres clampins encore… Bref, ainsi passaient les passants qui sans s’en apercevoir participaient à ma distraction et me changeaient les idées, comme on dit.
Parce que j’étais finalement resté un bon bout de temps assis sur mon banc, de crainte de me laisser entraîner vers une nostalgie malsaine, aussi par peur de voir mes jambes engourdies de froid et d’inaction refuser soudain de me porter et surtout redoutant l’arrivée des gardiens qui pourchassent sans ménagement les improductifs comme moi, je décidai pour le coup de m’en retourner. Tout a une fin, il faut bien l’admettre.
C’est ainsi que, sortant par le portillon opposé à celui par lequel j’étais entré et longeant de ce fait le bac à sable où, d’ordinaire, ceux qui sont encore autorisés à en avoir un viennent faire crotter leur chien, je vis qu’une bonne femme y avait abandonné son bébé. Il n’y a pas de doute, je me dis in petto en pressant le pas autant que faire se peut, le monde est devenu déprimant.
P.A.G
Extrait de « C’est tous les jours comme ça » (inédit).
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mercredi, 23 novembre 2005
Les inédits de Buk : comme disait Dieu...
à la salope qui a pris mes poèmes
certains disent que nous devrions garder quelques remords personnels du
poème,
rester abstraits, et il y a un peu de vrai là-dedans,
mais jésus ;
douze poèmes partis et je ne garde pas de copies " carbone " et tu as mes
peintures aussi, mes meilleures ; j’en suffoque :
essayes-tu de me presser tel un citron comme tous les autres ?
pourquoi n’as-tu pas pris mon argent ? ils le font d’habitude
dans mon pantalon saoul et endormi qui vomit dans le coin.
la prochaine fois prends mon bras gauche ou un billet de cinquante
mais pas mes poèmes :
je ne suis pas Shakespeare
mais un jour simplement
il n’y en aura plus aucun, abstrait ou autre ;
il y aura toujours de l’argent et des salopes et des pochards
jusqu’à l’ultime bombe,
mais comme disait Dieu,
en croisant les jambes,
je vois où j’ai fabriqué plein de poètes
mais pas tellement de
poésie.
Charles Bukowski
Extrait de It Catches My Heart in Its Hands (1963) repris dans Burning in Water Drowning in Flame (Selected Poems 1955-1973), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1999, 16.
Traduction : Éric Dejaeger
to the whore who took my poems
some say we should keep personal remorse from the
poem,
stay abstract, and there is some reason in this,
but jezus;
twelve poems gone and I don't keep carbons and you have
my
paintings too, my best ones; it's stifling:
are you trying to crush me out like the rest of them?
why didn't you take my money? they usually do
from the sleeping drunken pants sick in the corner .
next time take my left arm or a fifty
but not my poems:
I'm not Shakespeare
but sometime simply
there won't be any more, abstract or otherwise;
there'll always be money and whores and drunkards
down to the last bomb,
but as God said,
crossing his legs,
I see where I have made plenty of poets
but not so very much
poetry.
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Les inédits de Buk : bouteille de bière
bouteille de bière
une chose vraiment miraculeuse vient de se produire :
ma bouteille de bière est tombée à la renverse
et a atterri sur son fond par terre,
et je l’ai replacée sur la table pour laisser reposer la mousse,
mais les prises de vue n’ont pas eu autant de chance aujourd’hui
et il y a une petite fente le long du cuir
de ma chaussure gauche, mais tout cela est très simple :
nous ne pouvons acquérir trop : il y a des lois
dont nous ne savons rien, toutes sortes de coups de coude
nous enflamment ou nous glacent ; ce qui place
le merle dans la gueule du chat
n’est pas à dire pour nous, ni pourquoi certains hommes
sont emprisonnés comme des écureuils domestiques
alors que d’autres fouillent du groin d’énormes seins
durant des nuits sans fin — voici la
corvée et la terreur, et on ne nous
apprend pas pourquoi, enfin, c’est une chance que la bouteille
ait atterri bien droit, et bien que
j’en aie une de vin et de whisky,
ceci présage, quelque part, d’une bonne nuit,
et peut-être demain mon nez sera-t-il plus long :
nouvelles chaussures, moins de pluie, plus de poèmes.
Traduction : Éric Dejaeger
Extrait de At Terror Street and Agony Way (1968) repris dans Burning in Water Drowning in Flame (Selected Poems 1955-1973), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1999, 97.
beerbottle
a very miraculous thing just happened:
my beerbottle flipped over backwards
and landed on its bottom on the floor ,
and I have set it upon the table to foam down,
but the photos were not so lucky today
and there is a small slit along the leather
of my left shoe, but it's all very simple:
we cannot acquire too much: there are laws
we know nothing of, all manner of nudges
set us to burning or freezing; what sets
the blackbird in the cat's mouth
is not for us to say, or why some men
are jailed like pet squirrels
while others nuzzle in enormous breasts
through endless nights — this is the
task and the terror, and we are not
taught why. still, it's lucky the bottle
landed straightside up, and although
I have one of wine and one of whiskey,
this foretells, somehow, a good night,
and perhaps tomorrow my nose will be longer:
new shoes, less rain, more poems.
Charles Bukowski
11:42 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 05 novembre 2005
Les inédits de Buk
un poème est une ville remplie de rues et d’égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, d’aliénés,
remplie de banalité et d’ivrognerie,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville qui demande pourquoi à une horloge,
un poème est une ville en flammes,
un poème est une ville en armes
ses salons de coiffure pour hommes remplis d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
le long des rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit, et pourchassent
le drapeau ; un poème est une ville de poètes,
la plupart assez semblables
et envieux et aigris...
un poème est cette ville maintenant,
à 50 miles de nulle part,
à 9H09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas d’amoureux, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
funèbre sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes de roche dure,
l’océan comme une flamme de lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue des vitres brisées...
un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde...
et maintenant je fourre ceci sous verre
pour l’examen minutieux de l’éditeur fou,
et la nuit est partout
et de pâles dames grises se tiennent en file,
un chien suit un chien jusque l’estuaire,
les trompettes appellent le gibet,
alors que de petits hommes glosent sur des choses
qu’ils ne peuvent pas faire.
Charles BukowskiExtrait de The Days Run Away Like Wild Horses Over the Hills, Santa Rosa, Black Sparrow Press, 2000 [26e edition], 54-55. [Édition originale : 1969]
Traduction : Éric Dejaeger
19:20 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (11)
vendredi, 04 novembre 2005
Un autre inédit de Buk
eux, eux tous, savent
demande à celui qui dessine sur les trottoirs de Paris
demande au soleil sur le chien endormi
demande aux 3 cochons
demande au petit livreur de journaux
demande à la musique de Donizetti
demande au coiffeur
demande au meurtrier
demande à l’homme appuyé contre le mur
demande au prédicateur
demande au fabricant de coffrets
demande au pickpocket ou au
prêteur sur gage ou au souffleur de verre
ou au marchand d’engrais ou
au dentiste
demande au révolutionnaire
demande à l’homme qui se fourre la tête dans
la gueule d’un lion
demande à l’homme qui lâchera la prochaine
bombe atomique
demande à l’homme qui pense être le Christ
demande à l’oiseau bleu qui regagne la maison
à la nuit tombante
demande au curieux
demande à l’homme qui meurt d’un cancer
demande à l’homme qui a besoin d’un bain
demande à l’unijambiste
demande à l’aveugle
demande à l’homme qui zozote
demande au mangeur d’opium
demande au chirurgien qui a la tremblote
demande aux feuilles sur lesquelles tu marches
demande à un violeur ou un
gars qui passe en voiture ou un vieillard
qui arrache les mauvais herbes dans son jardin
demande à un vampire
demande à un dresseur de puces
demande à un avaleur de feu
demande à l’homme le plus misérable que tu puisses
trouver dans son moment
le plus misérable
demande à un professeur de judo
demande à un cornac
demande à un lépreux, un condamné à perpète, un poitrinaire
demande à un professeur d’histoire
demande à l’homme qui ne se cure jamais
les ongles
demande à un clown ou au premier visage que tu vois
à la lumière du jour
demande à ton père
demande à ton fils et
son fils à venir
demande-moi
demande à une ampoule grillée dans un sac en papier
demande à l’éprouvé, au damné, au fou
au sage, au flagorneur
demande aux bâtisseurs de temples
demande aux hommes qui n’ont jamais porté de chaussures
demande à Jésus
demande à la lune
demande à l’ombre dans le placard
demande à la mite, au moine, au dingue
demande à l’homme qui dessine des gags pour
The New Yorker
demande à un poisson rouge
demande à une fougère secouée par un numéro de claquettes
demande à la carte de l’Inde
demande à un gentil visage
demande à l’homme qui se cache sous ton lit
demande à l’homme que tu déteste le plus en ce
monde
demande à l’homme qui a bu avec Dylan Thomas
demande à l’homme qui a noué les gants de Jack Sharkey
demande à l’homme au visage triste qui boit du café
demande au plombier
demande à l’homme qui rêve d’autruches chaque
nuit
demande à celui qui prend les tickets au show des phénomènes de foire
demande au contrefacteur
demande à l’homme qui dort dans une allée sous
une couverture en papier
demande aux conquérants des nations et planètes
demande à l’homme qui vient juste de se couper un doigt
demande à un marque-page de la bible
demande à l’eau qui goutte d’un robinet pendant
que le téléphone sonne
demande au parjure
demande à la peinture bleu foncé
demande au parachutiste
demande à l’homme qui a mal au ventre
demande à l’œil divin si onctueux qui nage
demande au garçon portant un pantalon moulant dans
une académie hors de prix
demande à l’homme qui a glissé dans la douche
demande à l’homme déchiqueté par le requin
demande à celui qui m’a vendu les gants
dépareillés
demande à tous ceux-ci et à tous ceux-là que j’ai oubliés
demande au feu au feu au feu —
demande même aux menteurs
demande à qui ça te plaît quand
ça te plaît le jour qui te plaît
qu’il pleuve ou que
la neige soit là ou
que tu quittes l’abri d’un porche
jaune de brûlante chaleur
demande à ceci demande à cela
demande à l’homme avec la fiente d’oiseau dans les cheveux
demande à celui qui torture les animaux
demande à l’homme qui a vu beaucoup de corridas
en Espagne
demande aux propriétaires de Cadillac neuves
demande à celui qui est célèbre
demande au timide
demande à l’albinos
et à l’homme d’état
demande aux proprios et aux pronostiqueurs
demande aux faussaires
demande aux tueurs à gages
demande aux chauves et aux gros
et aux grands et aux
petits hommes
demande aux borgnes, à ceux qui ont
trop ou pas assez de rapports sexuels
demande aux hommes qui lisent l’éditorial
de tous les journaux
demande aux hommes qui élèvent des roses
demande aux hommes qui ne ressentent presque aucune douleur
demande aux moribonds
demande aux tondeurs de pelouses et à ceux qui assistent
à des matches de football
demande à n’importe lequel ou à tous ceux-ci
demande demande demande et
ils te le diront tous :
une femme hargneuse qui grogne au balcon est plus
qu’un homme ne peut supporter.
Charles Bukowski
Extrait de Crucifix in a Deathhand (1965) repris dans Burning in Water Drowning in Flame (Selected Poems 1955-1973), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1999, 89-92.
Traduction : Éric Dejaeger
18:35 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (1)
Poème inédit de Charles Bukowski
amour & gloire & mort
c’est assis dehors près de ma fenêtre
comme une vieille femme qui va au marché ;
c’est assis et ça me regarde,
ça transpire nerveusement
par fil et brume et aboiement
jusqu’à ce que soudain
je frappe la vitre avec un journal
comme pour écraser une mouche
et on a pu entendre le hurlement
dans toute la moche cité,
et puis ça s’est en allé.
la manière de terminer un poème
comme celui-ci
c’est de soudainement
se calmer.
Charles Bukowski
Extrait de It Catches My Heart in Its Hand (1963) repris dans Burning in Water Drowning in Flame (Selected Poems 1955-1973), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1999, 42.
Traduction : Éric Dejaeger
love & fame & death
it sits outside my window now
like an old woman going to market;
it sits and watches me,
it sweats nervously
through wire and fag and dog-bark
until suddenly
I slam the screen with a newspaper
like slapping at a fly
and you could hear the scream
over this plain city,
and then it left.
the way to end a poem
like this
is to became suddenly
quiet.
15:44 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (14)
vendredi, 14 octobre 2005
Les inédits de Brautigan (Moby Dick en réalité)
HERMAN MELVILLE EN RÊVE,
MOBY DICK EN RÉALITÉ
En réalité Moby Dick
Etait un poisson rouge semblable au Christ
qui nageait. dans tout l’aquarium
en sauvant les âmes d’escargots,
et 1e capitaine Achab
était un chat siamois dévot
qui aidait les vieilles dames
à faire démarrer leurs voitures.
HERMAN MELVILLE IN DREAMS,
In reality Moby Dick
was a Christ-like goldfish
that swam through the aquarium
saving the souls of snails,
and Captain Ahab
was a religious Siamese cat
that helped old ladies
start their automobiles.
San Francisco, Carp Press, 1959
16 pages. Tiré à 500 exemplaires.
Traduction Eric Dejaeger
05:30 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)