mardi, 31 janvier 2006
Fleuron
Le Connaisseur affecte, selon les circonstances, le comportement d'un homme privé de raison, celui d'un enfant ou celui d'un génie des ténèbres. On le prend tantôt pour un insensé, tantôt pour un sage ; Parfois il est investi d'une splendeur royale ; parfois ce n'est plus qu'un moine itinérant : Parfois, comme un python, il gît, immobile ; parfois son visage s'éclaire d'un bienveillant sourire ; Tantôt les hommes lui rendent les honneurs, tantôt ils l'insultent ; tantôt ils ne le remarquent même pas. (...) Tout en agissant il reste inactif ; tout en cueillant le fruit d'actions antérieurement accomplies, il n'en est pas affecté ; Tout en ayant un corps de chair, il ne s'identifie pas avec lui ; tout en étant limité, il est omniprésent.
Photo : Jean-Louis Sieff
22:16 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0)
Des bisous sur les mains
Patrick Besson : « Sollers explose de contentement de soi. Chacune de ses pensées le ravit et tous ses raisonnements l’enchantent. Quant à ses phrases. il est tellement content de les avoir écrites qu’il doit se laire, la nuit, plein de bisous sur les mains. »
Réponse de Sollers dans le JDD :
"Ici, question : comment Patrick Besson a-t-il eu connaissance de ce détail intime ? Ai-je été trahi par une de mes anciennes amies, surprise de me voir soudain, à trois heures du matin, m’embrasser les mains avec effusion ? Non, Besson est seulement un bon écrivain, donc il a un don de voyance. C’est vrai, je l’avoue ,je me fais souvent des bisous sur les mains la nuit. Elles le méritent. ces pauvres mains de forçat de la littérature. C’est ma petite prière dans les ténèbres, ma pilule de philosophie."
11:56 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (32)
Tout doit lui servir
Dès maintenant, le poète sait que tout doit lui servir. L’hallucination, la candeur, la fureur, la mémoire, les vieilles histoires, l’actualité, la table et l’encrier, les paysages inconnus, la nuit tournée, les souvenirs inopinés, les prophéties de la passion, les conflagrations d’idées, de sentiments, d’objets, la nudité aveugle, la réalité crue, l’allègement des systèmes, le dérèglement de la logique jusqu’à l’absurde, l’usage de l’absurde jusqu’à l’indomptable raison, c’est cela, - et non l’assemblage plus ou moins savant, plus moins heureux, des syllabes, des mots - qui concourt à l’harmonie d’un poème. Il faut parler une pensée musicale qui n’ait que faire des tambours, des violons, des rythmes et des rimes du terrible concert pour oreilles d’ânes.
11:39 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)
Le vers essentiel et primordial, antérieur aux mots eux-mêmes
On ne pense pas de manière continue, pas davantage qu’on ne sent d’une manière continue ou qu’on ne vit d’une manière continue. Il y a des coupures, il y a intervention du néant. La pensée bat comme la cervelle et le coeur. Notre appareil à penser en état de chargement ne débite pas une ligne ininterrompue, il fournit par éclairs, secousses, une masse disjointe d’idées, images, souvenirs, notions, concepts... Tel est le vers essentiel et primordial, antérieur aux mots eux-mêmes : une idée isolée par du blanc. Avant le mot une certaine intensité, qualité et proportion de tension spirituelle.
06:55 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5)
Tension
"On a souvent parlé de la couleur et de la saveur des mots. Mais on n’a jamais rien dit de leur tension, de l’état de tension de l’esprit qui les profère, dont ils sont l’indice et l’index, de leur chargement."
Paul Claudel
04:25 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0)
La prose est née d’hier
Jamais de ces vieilles phrases à muscles saillants, cambrés, et dont le talon sonne. J’en conçois pourtant un, à moi, un style : un style qui serait rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu ; un style qui vous entrerait dans l’idée comme un coup de stylet, et où votre pensée voguerait enfin sur des surfaces lisses, comme lorsqu’on file dans un canot avec bon vent arrière. La prose est née d’hier ; voilà ce qu’il faut se dire. Le vers est la forme par excellence des littératures anciennes. Toutes les combinaisons possibles ont été faites ; mais celles de la prose, tant s’en faut.
03:24 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 30 janvier 2006
Théâtre
Dans une pièce de théâtre, les personnages qui se parlent font semblant de se parler, mais ils répondent moins aux discours des autres qu'ils ne répondent à la situation, c'est-à-dire à l'état (probable) du spectateur.
Paul Valéry, Tel quel
Vuillard, la lecture
21:36 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0)
Ses cheveux sont d'or on dirait
- Ses cheveux sont d'or on dirait
- Un bel éclair qui durerait
- Ou ces flammes qui se pavanent
- Dans les rose-thé qui se fanent
- Mais riez riez de moi
- Hommes de partout surtout gens d'ici
- Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire
- Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
- Ayez pitié de moi
Apollinaire
Paul Delaroche
19:26 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
Lacan de vacances ?
05:16 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1)
La jeunesse
La jeunesse est finie dès que ce que je pense s'imprime dans ce que je fais - tandis que ce que je fais s'incruste dans ce que je pense
Paul Valéry, Tel quel
00:25 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
Morale
Toute morale repose, en définitive, sur la propriété humaine de jouer plusieurs personnages
Paul Valéry, Tel quel
Paul Delaroche, Herodias
00:05 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 29 janvier 2006
Un accident de perspective
Tantôt le pays dans la fenêtre n'est qu'un tableau pendu au mur : tantôt, la chambre n'est qu'une coque parmi les arbres qui m'empêche de voir le tout, non d'y être. Elle n'est qu'un accident de perspective comme une feuille cache un village.
Paul Valéry, Tel quel
21:15 Publié dans Paysages | Lien permanent | Commentaires (9)
Frapper
Frapper quelqu'un, c'est se placer à son point de vue
Paul Valéry, Tel quel
21:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (1)
Exprimer
"L'homme tend à nier ce qu'il ne sait pas affirmer (exprimer)."
Paul Valéry, Tel quel.
21:11 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2)
Le masque
"Il y a toujours, dans la littérature, ceci de louche : la considération d'un public. Donc une réserve toujours de la pensée, una arrière-pensée où gît tout le charlatanisme. Donc, tout produit littéraire est un produit impur. Tout critique est un mauvais chimiste qui cesse de se rappeler ce précepte, qui est absolu. Il ne faut donc jamais conclure de l'oeuvre à un homme - mais de l'oeuvre à un masque - et du masque à la machine. "
Paul Valéry, Tel quel.
20:50 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3)
Le mensonge
Le mensonge consiste à présenter la vérité comme triste
Philippe Sollers, Une vie divine
(Bon dimanche !)
10:18 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (11)
Ce qu’il y a de plus dangereux aujourd’hui
Le temps me paraît parfois si court, pour tout ce qu’il me reste à faire. Le temps de la lecture, de l’écriture, il faut toujours ruser, se battre pour en gagner un peu, j’ai l’impression qu’on veut nous le voler, c’est qu’il est dangereux, subversif, c’est même ce qu’il y a de plus dangereux aujourd’hui ; un temps jugé contre-productif, un temps de non-consommation, de retrait, d’absence. Solution du système, inonder le marché de livres ineptes et vides, que ceux qui pourraient contenir un espoir ou un embryon de réflexion, une étincelle pour inciter à la réflexion, à la pensée, au renversement de perspective soient noyés, recouverts et écrasés sous des piles de bons sentiments, de mauvais style, de conformité, de bêtise...
04:56 Publié dans Instantané | Lien permanent | Commentaires (8)
Continuer à être un fleuve inexploré
J'écris pour continuer à être un fleuve inexploré
Jim Harrisson
Edouard Debat-Ponsan, le massage
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (12)
samedi, 28 janvier 2006
Les hommes désespèrent stupidement de l'amour
Les hommes désespèrent stupidement de l'amour - j'en ai désespéré - ils vivent asservis à cette idée que l'amour est toujours derrière eux, jamais devant eux : les siècles passés, le mensonge de l'oubli à vingt ans. Ils supportent, ils s'aguerissent à admettre surtout que l'amour ne soit pas pour eux, avec son cortège de clartés, ce regard sur le monde qui est fait de tous les yeux de devins. Ils boitent de souvenirs fallacieux auxquels ils vont jusqu'à prêter l'origine d'une chute immémoriale, pour ne pas se trouver trop coupables. Et pourtant pour chacun la promesse de toute heure à venir contient tout le secret de la vie, en puissance de se révéler un jour occasionnellement dans un autre être
Breton, L'amour fou
22:05 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
Criminels
"L'art et l'amour sont criminels en puissance, - ou ne sont pas"
Paul Valéry
19:01 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (6)