lundi, 09 avril 2007
Orient, or riant
" Elle est retrouvée ! / Quoi ? l’éternité. / C’est la mer mêlée / Au soleil. / Mon âme éternelle,/ Observe ton vœu / Malgré la nuit seule / Et le jour en feu. / Donc tu te dégages / Des humains suffrages / Des communs élans ! / Tu voles selon..."
Qu’est ce que ça veut dire quelqu’un qui en arrive à tutoyer son âme, son âme éternelle ? « Mon âme éternelle, dit le poème, observe ton vœu malgré la nuit seule et le jour en feu ». Donc il lui donne, il lui assigne une position. Tu voles selon : ça c’est magnifique ! Ça veut dire qu’une fois entré dans ce temps-là, l’éternité est retrouvée : on ne va pas vers l’éternité, on la retrouve, mais d’une toute autre façon qu’on l’aura imaginée autrefois, parce que c’était Dieu. L’homme n’a même pas besoin de Dieu, c’est tout à fait une autre expérience, vous entrez dans une dimension où tout devient une situation libre. Vous êtes devenu une sorte d’oiseau libre, l’ alchimie vous savez, c’est aussi la possibilité de parler la langue des oiseaux !
Philippe Sollers (lire ici)
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vendredi, 16 mars 2007
Ou des soupes à Warhol ?
Les grands soirs falsifiés de fond en comble :
foules, cocardes, guillotines et neiges en boîte,
greffes de révolution sur des mains
fouillant le visible, les stocks dans les vitrines obscènes.
Comment... Comment jugerez-vous
octobre juillet et tout le recyclé de l'histoire,
l'événement vendu comme de l'antiride
ou des soupes à Warhol ?
Jean-Luc Aribaud, Prophéties, Le Castor Astral, 2006
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dimanche, 11 mars 2007
Nous savons de quel côté regarder
Un oiseau bleu s'envole vers l'est, entre les mains tendues de cette terre gelée dont la poussière des routes s'effrite sous les yeux de ceux que les sommeils quittèrent. Les femmes brusquement raccrochent leurs tabliers, lancent leurs coeurs à sucer à des enfants plus pâles que des pierres de lune. Les herbes libres des champs et les statues de marbre, content à l'abîme le plaisir inoubliable d'être peigné par la lumière et le vent. Les animaux les plus puissants s'assoupissent lentement comme des jeunes filles à l'ombre des légendes, avec sous leurs pattes repliées le pourquoi et le comment des tristes dimanches. Du plus lointain de la mer, nous parvient cet étrange bouquet de musique, ce goût de plume rare et d'encre surchauffée où infuse l'effroyable prophétie.
Nous savons de quel côté regarder.
Jean-Luc Aribaud. Les mondes illimités. L'arrière-Pays, 1998
Tableau de Frédérique Azaïs
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samedi, 10 mars 2007
Le passage des enfances
Nous ressemblons à présent à ces hautes demeures, dont les murs ficelés de lierre se dépêchent de vieillir, comme pour mieux cerner le passage des enfances.
Jean-Luc Aribaud. Les mondes illimités. L'arrière-Pays, 1998
Tableau de Frédérique Azaïs
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mardi, 20 février 2007
L'empreinte de notre sous-France
Une promenade à Rivesaltes, textes et images de Gildas Pasquet : GILDAS_-_L_EMPREINTE_DE_NOTRE_SOUS_FRANCE.pdf
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samedi, 17 février 2007
Le poète...
"le poète, donc, comme n’importe qui, mais en plein jour, autrement dit comme du langage en nuit-jour, déclenche une haine spécifique, mortelle, pour la seule raison qu’il produit une négation non assimilable à la négation"
Philippe Sollers ; à lire ici sur Antonin Artaud
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mardi, 06 février 2007
Les Instruments humains
(Pris sur le blog de C.C.)
Lierres ? étoiles imparfaites ? cœurs obliques ?
Où conduisaient-ils, quels messages
ébauchaient-ils, légers ?
Pas si banals ces signes,
Et ne fût-ce qu’un trottinement de poules
— si chantait clair l’invite
d’une bave céleste dans le faible jour.
Mais il pleuvait déjà sur la neige,
dure redevenait la chère énigme.
Pour une trace confortable et sûre
je déviais, je trahissais une fois encore.
(Vittorio Sereni ; Les Instruments humains, Verdier, 1991)
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lundi, 29 janvier 2007
Coquillages
C’est une histoire de mots
Que l’on travaille
Dans l’antichambre du jour.
Au commencement était le vide.
Et les lettres comme des coquillages
Peu à peu se réunissent.
Tableau de perles
Epines d’oursins
Branches d’algues
Forment un paysage Inventé.
Peu à peu la révolte
Comme la vase
Se dépose au fond.
Peu à peu le silence
Avec seulement, parfois,
Un bâillement de poisson,
Une ride
Dans la texture de l’eau.
Valérie Canat de Chizy
Vous pouvez lire ici l'ensemble du recueil : "Qui_mene_la_barque.3.doc"
Photo : Gildas Pasquet
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Carnets indiens, avec Nina Houzel (21)
Les dieux, tout ce qui est de l’ordre du divin, sont là pour signifier aux hommes la gratuité.
Philippe Sollers, Le Coeur absolu
Photo : Nina Houzel
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dimanche, 28 janvier 2007
Carnets indiens, avec Nina Houzel (20)
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samedi, 20 janvier 2007
Comme les autres tu croiras à ce corps recomposé
Comme les autres tu croiras
à ce corps recomposé :
nouvelle perspective,
avenue de l'Europe ouverte
sur le chant infini des astres...
Et ta langue toujours
qui ne saura profaner ses propres tombes...
Bayreuth, Sarajevo, vitrines
illuminées d'amandiers en fleur,
et dans les égouts intraitables
des vérités noires pleines de récidives...
Mais tu croiras - et quelle que soit
l'heure des horloges -
en ces géographies extensibles,
ces princes couronnés de walkman,
ces palais hérissés de migraines...
Nouveaux corps et nouveaux territoires,
cela t'éblouira :
en piste et floqué d'incurables formules,
ce qui de toi effleure l'aile des albatros
tu ne le connaîtras jamais
Jean-Luc Aribaud, Prophéties, Le Castor Astral, 2006
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Carnets indiens, avec Nina Houzel (12)
Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts, ni mes fenêtres bouchées, mais qu'y circule librement la brise que m'apportent les cultures de tous les pays
Photo : Nina Houzel
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vendredi, 19 janvier 2007
Carnets indiens, avec Nina Houzel (10)
"Je crois qu'il faut poser le pied assez légèrement sur terre"
Jacques Chardonne
Photo : Nina Houzel
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jeudi, 18 janvier 2007
Le temps...
Le temps scintille et le songe est savoir
Paul Valéry
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mercredi, 17 janvier 2007
Un jour, après quarante cocktails...
Un jour, après quarante cocktails
rouges comme l'enfer,
une voix d'hier coulera dans tes veines :
"Que sont mes amis devenus,
les druides du poème,
les Magellan de la langue ?
Où vivent désormais ceux des peupliers sombres,
ceux des heures illuminées
à chercher la jonquille de la sainteté ?
Y a-t-il toujours à la verticale des bouches
cette nervure du silence,
ce rien pour nous appeler à naître ?"
Mais tu monteras le son, toujours plus,
et des slows en chemise noire
brouilleront tes ondes de pucelle.
Jean-Luc Aribaud, extrait de "Prophéties", Le Castor Astral, 2006
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lundi, 01 janvier 2007
Une cathédrale de songes...
Le 14 juillet 1940, Saint-John Perse est sur un cargo en vue des côtes de l’Amérique. Dans sa jeunesse, il avait commencé d’écrire des poèmes. Puis obligé d’entrer dans la vie active, il choisit la carrière diplomatique. A la veille de la guerre il est Secrétaire Général du Quai d’Orsay. Dès 1936 favorable à l’intervention contre Hitler , il ne sera pas suivi. Limogé de son poste en mai 40, déchu de la nationalité française, ses biens seront confisqués. Il est obligé de fuir, de quitter son pays. Commence l’exil. Il abandonnera la diplomatie pour se consacrer tout entier à la poésie.
La veille de ce 14 juillet, il a appris par câble la mort de son ami Paul Klee. Incapable d’aller dormir, il a passé la nuit seul sur le pont du bateau, envahi de pensées, d’images. Le jour se lève…
Ciel de lave et de cendre. Tout est gris sur Long Island. Le cargo file imperturbable, sillon effiloché dans la brume. Noyé de lune, je peux rêver encore.
La côte est un gisant d’écume. Le sel de la terre monte, irrésistibles odeurs d’érable et de limon. Des paysages cotonneux se dessinent, à peine.
Tout est plat, sombre et sobre à perte de vue. Les plumes de la nuit vont bientôt s’affaisser et plonger dans le ciel incarnat. Il y a de quoi se perdre dans ce silence mauve.
Univers de méandres, indifférencié. Toujours un début de limpidité émerge. J’avais cru fuir et j’arrive.
Je tisserai les mots dans un poème léger, fluide et sonore, une pluie de coquillages. Il aura la précision et la pureté du cristal.
Les sons, la musique, pour se substituer à la lumière. Que chaque mot soit une porte, une perte et un refuge. En finir avec cette existence de calculs, de détours et de peines.
Le ciel s’éveille comme une marmotte au sortir de l’hiver. Je pars et n’abandonne rien. Infinis tons de gris. Le vent plisse le ciel. La nuit va glisser, subreptice, l’atmosphère spongieuse irriguer la terre.
Le ciel et la mer sont de la même eau. Des murs de mer viennent se briser contre la coque, dans un fracas neigeux. Paysage japonais d’ombre et de lumière. Les images de Claude Monet sont là, devant mes yeux, nappes de blanc, ondées, nymphéas, lumière frêle et placide du bassin parisien.
Je ne suis plus rien ni personne et aujourd’hui tout m’appartient. Il reste ma langue, repos et plénitude. J’en ferai une cathédrale de songes.
Perche appressando se al suo disire
Nostro intelleto si profonda tanto
Che dietro la memoria non puo ire.
La vie n’est qu’une incarnation passagère, un instant de lumière.
L’écriture frôle les ailes du désir.
Raymond Alcovère
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, Raymond Alcovère, Paul Klee, Saint-John Perse
dimanche, 31 décembre 2006
L'écriture penchée des nuages
Je voudrais être au plus près du monde mais il m’échappe toujours. Une ombre de banyan s’étend mollement sur la mer.
Tout est entré dans le ciel. La nuit est musicale, heureusement. On y lit la portée du jour, nervures, entrelacs, déchirures, reconquêtes, fractures, apaisement.
Les bateaux sont des libellules d’eau. Le navire décrit une courbe pour éviter les îles qui avancent, promontoires menaçants.
Je vois les reflets d’une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. François-René, ta langue est un paroxysme, cet océan aussi le tien.
La sirène du steamer mugit. La fumée s’échappe à gros bouillons et rejoint les nuages, effacées leurs traces. Le sillon se dévide dans une infinie lenteur.
L’horizon s’enflamme de jets saccadés, monstrueux, barbaresques. Le ciel est une lutte, un amas de lances, un combat fratricide. Ainsi le ciel. De grandes orgues joufflues gonflées de nuit. Une symphonie du nouveau monde.
Lumière plombagine. Les éclairs ouvrent des plaies, un écrin d’enluminures. Reflets zinzolins de l’aurore, devant.
A un moment il ne reste que la fuite, se dissimuler. Fixer des silences, des pauses, masquer le tumulte, l’arrogance, la brutalité du monde.
Pluie incessante et chaude. Écriture penchée des nuages. Flaques grises dans les sous-bois de la nuit. Des arbres si haut qu’on en décèle à peine la hauteur.
Les bruits émeraude parviennent étouffés. La chouette est seule dans le silence à ignorer l’obscur. Pour elle l’univers brille d’une étrange lumière, argentée, déployée par une main invisible mais partout présente, l’or du temps.
Ce n’est pas un départ, mais une suite. Présence, présence seule. Tisser les mots, le silence et les notes de la pluie. Tisser tout fragment de l’univers.
Voici les grandes plaines de l’ombre. Ce gris me plaît. J’arpente des frondaisons. L’obscur est éphémère. Les nuages sont l’architecture du monde.
Les variations Goldberg s’inscrivent dans le contour bleu du ciel, le pli de la mer, ses ondulations. Constellations blanches, irisées, qui flottent, tout autour.
Paul ton œuvre est devant mes yeux. Un repos, une paix de l’âme. Lés immenses, tendus de soleil. Les couleurs crient, répondent, se repoussent, ce dialogue entre elles est notre viatique, nous qui ne savons rien, qu’interroger le silence, à grands traits rageurs, impatients. J’aurais voulu décrire ta palette, son scintillement, comme toi éclairer la nuit. Elle parle de l’innocence, elle remonte loin dans l’histoire. Parfois on y distingue une obscurité de caverne, une profondeur d’ébène, chaude, puis éclate un fraternel printemps.
On ne construit pas de palais sur la mer. Ce sont pourtant les seuls visibles, le réel un rideau de fumée.
Ici, là, une trouée, halo argenté, portée musicale. Le reflet d’un poisson volant. L’ombre de Walt Whitman. Lourds nuages cendrés. Point d’interrogation.
Raymond Alcovère
Paul Klee
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jeudi, 28 décembre 2006
La neige
Vent, feu, soleil, font trembler les limites, la neige elle, évapore, dissout, recouvre. Reste une pureté glacée, à croquer le ciel, étoiles blanches immobiles, sucre candi, à figer le mouvement. La neige épouse les contours et les ombres, toute lutte remise à plus tard, dans un silence de feutrine.
Raymond Alcovère
Friedrich, matin, 1821
19:34 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, Friedrich, peinture, art
mercredi, 27 décembre 2006
Cette nuit blanchie a déchaussé ton pas...
Tu habites la vague hissée à ton rêve
l'embrasure à bord du train de vie
plein cœur sous le manteau des solitudes
cette nuit blanchie a déchaussé ton pas
Tu habites ma joue un claquement de larmes
contre le nid du vent les ombres en guenilles
dans tes semelles abandonnées
cette nuit blanchie a déchaussé ton pas
Courbet, Portrait de Juliette Courbet comme une enfant dormant
03:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, littérature, Mireille Disdero, poésie, Courbet
vendredi, 08 décembre 2006
Le créateur d'échos
Je vais je viens parmi les vagues et les buées
Vivant ainsi je me donne pour m'appeler
Un titre : roi des lacs de l'ouest
Vent léger petite rame
Je quitte une crique de roseaux fleuris
Sur la nuit calme ma voix particulièrement est claire
Personne ne me récompensant je me réponds à moi-même
Et je m'applaudis et je finis par chanter si haut
Que mille montagnes me répondent.
Auteur anonyme, poésie en langue tchérémisse des prairies ; probablement XV ème siècle
In NRF, 1 novembre 1953
10:48 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, Tou Fou, Chine