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mercredi, 21 décembre 2005

Le désert de l'iguane

Alain Dubrieu, dans « Le désert de l’iguane », raconte dans un style flamboyant mais sans rien cacher de la vérité ses dix ans passés en prison. Dans la mouvance des années 70 et du gauchisme, il avait participé à des casses, tout en refusant la violence sur la personne. Dénoncé, il était tombé. Au lieu de se tenir tranquille et d’attendre les remises de peine, il deviendra actif dans la constitution des comités de prisonnier et ne bénéficiera d’aucune remise de peine. C'est cette expérience qu'il raconte dans "Le désert de l'iguane" où il décrit  l’univers de la prison et ses mécanismes. Comment certains taulards fabriquaient de l'alcool frelaté grâce à un alambic construit de brique et de broque dans un sous-sol oublié d'une prison. C'est d'ailleurs à partir de là qu'il deviendra alcoolique ; il mourra d'un cancer du pancréas une vingtaine d'années plus tard, après que Pierre Torreilles, poète et fondateur de la librairie Sauramps à Montpellier lui ait donné sa chance en l'embauchant comme libraire. J’ai eu la chance d'être son copain, les dernières années de sa vie, suite au roman collectif « 13, cours des chevaliers du mail ». Il ne s’est jamais remis de ces dix années. Il avait une aversion profonde pour l’injustice et n’a jamais accepté les compromis. Après avoir été un des auteurs phares du néo-polar dans les années 70, et fait un peu tous les boulots de l’écriture (nègre, auteur de romans érotiques),  il était pratiquement oublié à la fin de sa vie. Il publia notamment, sous forme de pamphlet, avant de mourir : « Citadelles de l’oubli », un nouveau et actualisé réquisitoire contre la prison.

Premières lignes du "Désert de l'iguane" :

Brutale éclate la stridence d'une sonnerie sciemment prolongée par le maton du kiosque, nouant les nerfs sous le cocon soudain crevé des chauds bien-être en oubli... Bondir du lit ?... Une gageure... Mais se laisser lentement remonter à la surface, délaissant pour douze heures les oniriques profondeurs, et prendre pied sur le rivage-punition... Poser un orteil audacieux... Un autre... Sadiquement bercé... Brutalisé par le vacarme... Bruits de verrrou qui claquent et harcèlent... Beuglement des brutes à cravate, barbares soucieux de jeter bas ces bon dieu de Bandits des bras complices de Morphine (et tous ces dérivés), louche déesse de l'A.P., l 'Administration Pénitentiaire, où l'austère Pandémonium qu'il ne faudrait pas prendre pour les berges balinaises... Et se lever enfin, vacillant, ouvrir en grand les deux battants de la lucarne du clapier, et respirer, et regarder...

Gallimard, collection La noire

18:26 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 20 décembre 2005

Somme toute, une bonne année littéraire...

2005 aura été une année sauvage, violente, pleine de soubresauts, et sans doute est-ce lié, une bonne année littéraire. Moi qui lis peu d'ouvrages récents, rompant avec cette habitude, je n'ai pas été déçu.

"La possibilité d'une île" est un roman riche, foisonnant, profond, un véritable ouragan qui balaye tout sur son passage. Houellebecq confirme ici qu'il est un auteur très important ; à chaque page il innove, nous fait voir autrement le monde, nous oblige à reconsidérer nos certitudes, nos habitudes de pensée ; ce qui semblait évident, il le relativise, le pose autrement et cette mise en perspective, parfois en abîme fait (au-delà de ses autres qualités) toute la force de ce livre, une force telle d'ailleurs qu'elle a logiquement rencontré une forte opposition. C'est plutôt un signe de bonne santé.

"Lunar Park" de Bret Easton Ellis est une belle parabole aussi. Dans cette vraie ou fausse autobiographie, les personnages inventés par l'auteur dans ses précédents livres reviennent dans sa vie réelle le hanter, le perturber, troubler le jeu ; et c'est à une relecture du monde contemporain, mais aussi du rapport du réel à la fiction que Ellis nous oblige en tissant habilement les fils du récit, lequel peut se lire aussi comme une sorte de conte fantastique.

"Friterie-bar Brunetti" a de quoi surprendre aussi. Pierre Autin-Grenier qui n'avait écrit jusque là que des textes courts, nous plonge 90 pages durant, dans un univers oublié, perdu, celui des bars des années cinquante-soixante ; et à le lire, on mesure la distance parcourue ; le monde fou, hybride dans lequel on est entré (et que décrit si magnifiquement Bret Easton Ellis d'ailleurs) celui de la déréalisation, est à des années-lumière de celui décrit par P.A.G., humain, chaleureux, vivant, profond, coloré.

"Sept nuits" de Alina Reyes est un petit chef d'oeuvre. Une très belle parabole sur le désir. Un homme et une femme vont vivre sept nuits d'amour, où pour pousser la jouissance à son paroxysme, ils vont multiplier les jeux, les interdits, les retournements. A l'opposé du déballage de pornographie auquel on assiste aujourd'hui, là il est question de désir, de jeu, d'esquives, de langage, d'amour : Rarement l'écriture du désir aura été aussi forte et aussi belle ; amour et amour de la littérature s'y rejoignent, magnifiquement.

17:42 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (16)

vendredi, 16 décembre 2005

"Vous voulez rester sobre ?"

Emménagez une maison hantée !" Ce conseil avisé est dans Lunar Park, de Bret Easton Ellis. Habile composition, beaucoup de fausses et vraies pistes se croisent avant d'être happées par le maelstron final. Conte fantastique, version gore garantie, portrait de la déréalisation du monde, polar, chronique distancée sur la vie de couple, les enfants, etc. BEE joue des codes (et des coudes) dans toutes ces jungles (et jingles) de la modernité pour les croiser et nous plonger dans un tourbillon (qui n'est pas un court-bouillon). Au départ on hausse un sourcil (c'était mon premier BEE) et puis la fausse désinvolture prend, on glisse (et c'est là l'erreur) et on est happé. A ceux qui ne l'ont pas lu, je dirais imaginer un "A la recherche du temps perdu" où la madeleine aurait été remplacée par une mandarine, ça change pas mal de choses et vous aurez Lunar Park.

14:20 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (4)

dimanche, 11 décembre 2005

La solitude du coureur de fond

Une contribution intéressante ici, qui remet un peu les pendules à l'heure après un article débile (un de plus !) de Télérama

16:35 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 10 décembre 2005

Pour ne pas en finir avec... Philippe Sollers

Ah le joli cliché ! Immanquablement, il suffit de parler de Sollers pour que des voix s'élèvent, la plupart du temps avec l'insulte ou le ressentiment aux lèvres ! Ca fait manifestement partie de la "Doxa" (comme aurait dit Barthes), c'est devenu un gage de bonne conduite, un passeport, un signe de reconnaissance, certains en font même  leur fonds de commerce. Si on mettait bout à bout tout ce qui a été écrit contre lui, on obtiendrait une imposante bibliothèque et si on mettait cette bibliothèque en regard de ce qu'a écrit Sollers, on s'apercevrait que la plupart de ceux qui l'attaquent ne l'ont pas lu ou alors seulement très superficiellement. C'est bien dommage, ça mérite mieux à mon avis, car s'il y a des redites (c'est un des défauts sans doute), son oeuvre foisonnante justement, aborde la peinture, la littérature, la politique, l'histoire, la philosophie, la religion en multipliant les références, les rapprochements, les mises en perspective, mais en proposant toujours à partir de là un regard original, raisonné, cohérent et souvent poétique sur le monde. On lui attribue des pouvoirs exorbitants, je connais pas ce milieu, j'imagine qu'il en a, mais pas plus que beaucoup d'autres "intellectuels" beaucoup plus creux qui s'agitent dans le marigot (voir l'affaire du dernier Goncourt). Probablement il a vite senti cette bêtise autour de lui et s'est amusé de temps en temps à appuyer là où il fallait et quand il le fallait pour faire grossir le nuage de fumée, et c'est devenu ensuite une façon de se protéger. Il aura en tout cas bien mis en lumière cette formule de Proust : "Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres".

05:15 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (34)

jeudi, 08 décembre 2005

Ceux-là sont contents

Mais en cet instant, les lecteurs de Pierre Autin-Grenier, véritable club de fidèles, adeptes de ses œuvres fragiles et de ses petits faits qui donnent les plus belles pages, ceux-là sont contents.

Article entier à lire ici

18:48 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (4)

samedi, 19 novembre 2005

Une nouvelle page sur Sitartmag

En ligne, une nouvelle page destinée à accueillir peu à peu des informations ponctuelles – autour du livre et de la littérature. Accessible en page d’accueil ou directement http://www.sitartmag.com/xbookpelemele.htm

03:04 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 27 octobre 2005

De forts parfums d’insurrection

"On sentait bien qu’aux relents de graillon qui souvent imprégnaient jusqu’à nos chaussures venaient se mêler, à nous étourdir, de forts parfums d’insurrection"

Pierre Autin-Grenier

A lire sur sitartmag un article de Jean-Pierre Longre sur Friterie-bar Brunetti

Jean-Pierre Longre est notamment un spécialiste de Raymond Queneau

11:10 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (5)

vendredi, 09 septembre 2005

Houellebecq ou le paradoxe gigogne

Propos d'un libraire de proximité :

A la librairie, nous en avons vendu 4 ou 5, alors qu'il s'en ait tiré 250 000 exemplaires et que ça marche du tonerre ailleurs. Certes, c'est souvent comme ça à Lirabur. Notre clientèle ne répond pas à l'exigence médiatique (sauf pour Harry Potter, mais bon, lui, c'est un sorcier...). Nous vendons les romans que nous conseillons, parce que nous les avons aimé, c'est vraiment ce que les gens attendent. Mais là, pour Houellebecq, ça coince. Mon gros coup de coeur pour le livre ne vaut pas tripette face à ce que les gens sont sûrs de savoir dessus, à savoir la diarrhée médiatique de tous les critiques frustrés de n'avoir pas reçu les épreuves cet été. C'est la première fois que ça m'arrive en un an de librairie, une telle violence et une telle certitude dans les réactions. Je n'en tire pas de conclusions sur mes clients, je serai forcément dans l'erreur, mais je regrette que pour une fois, les médias aient raison face à la sincérité d'une libraire de proximité.

La suite à lire ici

14:31 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (4)

mardi, 06 septembre 2005

Dissection de la réalité contemporaine

Houellebecq, c’est sa force, dépasse le seul domaine de la littérature, ou se sert de la littérature pour une œuvre bien plus fondamentale de dissection de la réalité contemporaine, et, à sa façon, de moraliste, qu’il poursuivra peut-être désormais sous une forme cinématographique. Il a su décrypter, incarner et assumer le malheur du monde moderne, le concentrer en lui et le rendre sous une forme accessible à un grand nombre. (...) Houellebecq est rejeté principalement par ceux-là qu’il dénonce, dont il décrit les ridicules et l’ignominie, et qui accaparent tous les pouvoirs : cette génération issue de 68 de libertaires alliés aux libéraux et qui tiennent la quasi totalité des médias, qui règlent la vie culturelle et universitaire. Qui font la loi – et la police de la pensée.

Article à lire en entier sur le blog de Jean-Jacques Nuel

09:50 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (13)

dimanche, 04 septembre 2005

Petit panorama subjectif de la littérature française récente

Profitant de l’arrivée de Houellebecq, j’ai eu envie de regarder dans le rétroviseur, et voir ce qui s’était passé dans le « désert » de la littérature française de ces vingt ou trente dernières années. J’ai signalé dans un précédent commentaire que plusieurs écrivains avaient nourri quelque espoir puis n’avaient pas confirmé. Tel fut le cas pour moi de Philippe Djian, dont dans les années 80 j’avais aimé « 37 ° 2 le matin » et « Bleu comme l’enfer » puis qui s’est peu à peu enlisé jusqu’à vouloir complètement changer de style (passage chez Gallimard !) et devenir passablement illisible. Dans un tout autre genre Christian Bobin, un peu plus tard, avait apporté un sang neuf (une écriture, un univers), mais au fur et à mesure, ces livres se ressemblaient trop il me semble, et je me suis lassé. J’avais eu la même impression quelques années avant, avec Michel Tournier, après quelques livres forts comme « Le roi des Aulnes » ou « Les météores ». J’ai une préférence par contre pour les derniers livres de Marguerite Duras, et leur style très épuré. De même que ceux de Beckett, écrits en français (mais est-ce un écrivain français ?).  De même Claude Simon, encore que j’aime moins sa toute dernière production. Julien Gracq aussi n’a pas retrouvé il me semble dans ses derniers livres la force et le souffle du « Château d’Argol » et du « Rivage des Syrtes ». Je n’ai jamais été totalement convaincu par Modiano, Le Clézio, malgré de belles choses bien sûr. Pascal Quignard a écrit de beaux livres. Plus intéressants aussi me semblent Michon et Bergougnioux, surtout le premier. Dans le même mouvement, Autin-Grenier et Jouanard ont apporté un univers et une écriture. J’aimais beaucoup Queneau, mais j’avoue ne pas avoir une grande passion pour l’OULIPO, même Perec ne m’a jamais totalement emballé, et ceux qui l’ont suivi encore moins. Côté polar, c’est mieux, avec Manchette qui a créé un nouveau souffle, et amplement renouvelé le genre dans les années 80 ; depuis le polar français est parti de nouveau un peu dans toutes les directions. La série des « Poulpes » crées par Jean-Bernard Pouy ne manquait pas d’intérêt et Franck Pavloff a frappé un grand coup avec « Matin brun ». Nicolas Bouvier, par la qualité de son écriture, a largement transcendé le genre « littérature de voyage », il est pour moi un des écrivains les plus forts de cette période. Pour finir ce bref panorama, celui qui m’a le plus marqué (et Houellebecq le cite aussi en référence) reste Philippe Sollers, le seul dont j’ai lu pratiquement toute la production (elle est très importante, notamment les livres d’interviews, certains d’entre eux devenant à la longue un peu répétitifs). Dans les romans « Femmes » me semble de loin le plus fort (étonnantes pages où il raconte les dernières années et la mort de Roland Barthes), et j’aime beaucoup aussi « Le secret » où il livre justement la plupart des ses secrets. « La guerre du goût » et « L’éloge de l’infini » (recueils d’articles) sont des mines inépuisables, qui permettent surtout de découvrir ou redécouvrir les « Classiques » mais aussi d'interroger la Chine à laquelle Sollers se réfère en permanence, et toujours avec bonheur. Le personnage s’est toujours ingénié à paraître détestable, et le plus amusant (car c’est un jeu et il s’en explique lui-même dans ses livres) est que beaucoup de gens sont tombés dans le panneau. Restent les livres et là où il a été le meilleur justement et annoncé Houellebecq est qu’il n’a cessé d’interroger l’histoire contemporaine, ses mouvements de fond, - la religion, le sexe et la poésie étant ses questionnements permanents – ce que n’ont pas vraiment fait, même si le propos est sans doute à  nuancer et ça reste leur défaut principal, la plupart des auteurs français de la période. D’où le coup de balai (salutaire) houllebecquien. Bonnes lectures et pardon pour ceux que j’ai oubliés !

05:45 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (43)

vendredi, 02 septembre 2005

Pourquoi Houellebecq est si important

Il suffit d'un écrivain parfois, d'un seul, pour rendre caduque, "ringarde", presque toute la production d'une époque, laquelle prend soudain un coup de vieux considérable. Pourquoi ? Parce que Houellebecq considère que le sexe est une question centrale, et qu'il la traite comme telle, et surtout qu'il montre à quel point elle est instrumentalisée par la société d'aujourd'hui, et de plus en plus : il raconte même dans "La possibilité d'une île" jusqu'où nous mènera cette instrumentalisation. Ce qui nous amène au deuxième point, Houellebecq est attentif comme personne à l'évolution de la société qu'il scrute comme un entomologiste, et notamment ses découvertes scientifiques (encore un aspect oublié par la plupart des romanciers), en particulier tout ce qui touche au vivant et à la reproduction mécanique des corps (les clones). Ce qui est remarquable chez lui est justement sa faculté d'observation, il a ce sens du détachement - une certaine froideur qu'on retrouve dans son écriture, et qui lui est souvent reprochée, encore qu'avec son dernier roman le style soit plus fluide et plus ondoyant - et une façon très particulière de mettre de côté à la fois les affects et les déterminants sociaux (et toujours dans une perspective historique) pour décrire le réel, qui donne tant d'acuité et de finesse à son regard, voilà ce qui dérange...

14:02 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (42)

jeudi, 01 septembre 2005

Nous faire réfléchir à ce que nous vivons

"Il suffit de se plonger dans la lecture de La possibilité d'une île pour oublier complètement, après un quart d'heure de lecture, le tapage et le clabaudage qui ont précédé la parution de ce livre. Tel est, en effet, le miracle de la vraie littérature que de nous transporter dans un monde parallèle à la fois imaginaire et tout aussi réel pourtant, plus signifiant en tout cas que la réalité brute. C'est d'ailleurs le propos même de La possibilité d'une île que de nous faire réfléchir à ce que nous vivons, en nous en donnant une image aux traits décalés, forcés, parfois même dérangeants ou insupportables par leurs grimaces. Or, le protagoniste contemporain de ce roman est justement un grimacier: un bouffon, un de ces humoristes médiatiques auxquels il est aujourd'hui permis, par exorcisme, de dire tout haut ce que pensent ou ressentent tout bas les «braves gens», dans les limites récemment rappelées par l'affaire Dieudonné."

La suite à lire ici

09:29 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (5)