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mardi, 27 décembre 2005

Un nouveau corps amoureux

medium_chagallillv.jpgDevant une neige un Etre de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré, des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, - elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux.

Rimbaud, Being beauteous

Marc Chagall

Trouvé dans une papillote

Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Etre "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin

Alphonse Allais

13:53 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (2)

C’est la première fois, dans l’Europe contemporaine...

C’est la première fois, dans l’Europe contemporaine, qu’aucun parti ou fragment de parti n’essaie plus de seulement prétendre qu’il tenterait de changer quelque chose d’important. La marchandise ne peut plus être critiquée par personne : ni en tant que système général, ni même en tant que cette pacotille déterminée qu’il aura convenu aux chefs d’entreprises de mettre pour l’instant sur le marché.

Partout où règne le spectacle, les seules forces organisées sont celles qui veulent le spectacle. Aucune ne peut donc plus être ennemie de ce qui existe, ni transgresser l’omertà qui concerne tout. On en a fini avec cette inquiétante conception, qui avait dominé durant plus de deux cents ans, selon laquelle une société pouvait être critiquable et transformable, réformée ou révolutionnée. Et cela n’a pas été obtenu par l’apparition d’arguments nouveaux, mais tout simplement parce que les arguments sont devenus inutiles. À ce résultat, on mesurera, plutôt que le bonheur général, la force redoutable des réseaux de la tyrannie.

Jamais censure n’a été plus parfaite. Jamais l’opinion de ceux à qui l’on fait croire encore, dans quelques pays, qu’ils sont restés des citoyens libres, n’a été moins autorisée à se faire connaître, chaque fois qu’il s’agit d’un choix qui affectera leur vie réelle. Jamais il n’a été permis de leur mentir avec une si parfaite absence de conséquence. Le spectateur est seulement censé ignorer tout, ne mériter rien.

Guy Debord, Commentaires sur la Société du spectacle, 1988

Texte intégral ici

lundi, 26 décembre 2005

Comme un vent frais dans un ciel clair

medium_matisse1.2.jpgTa tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.


Baudelaire, A celle qui est trop gaie

Matisse, La musique

11:33 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 25 décembre 2005

Pastorale, par Matisse, 1905

medium_matisse.gif

09:01 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)

Pour réussir votre réveillon

La recette de la dinde au whisky  

Acheter une dinde d' environ 5Kg et une bouteille de whisky, du sel,du poivre, de l' huile d' olive, des bardes de lard. Barder la dinde, la saler, la poivrer et ajouter un filet d' huile d'olive. Préchauffer le four Th 7 pendant 10Mn. Se verser un verre de whisky, le boire. Mettre la dinde au four dans un plat de cuisson. Se verser deux verres de whisky et les boire. Après une debi-beurre, fourrer l' ouvrir et surbeiller le buisson de la pinde. Brendre la vouteille de biscuit et s' enfiler une bonne rasade. Après une demi-heure, dituber jusqu'au bour. Oubrir la borte, reburner, revourner, enfin bref, mettre la guinde dans l' autre sens. S' asseoir sur uen butain de chaise et se reverdir 5 ou 6 verres de wizby. Buire. Non luire ou cuire la bringue bandant 4 heures. Et hop! 5 berres de blus. R'tirer le four de la dinde. Se rebercer une bonne voulée de whisky. Rabasser la dinde ( l' est tombée par terre ). l' ettuyer et la voutre sur un blat... sur une assiette. Se béter la figure à cause de gras sur le barrelage de la buisine. Ne pas essayer de se relever. Déciver qu' on est bien par derre et binir la mouteille de misky... Blus tard, ramber jusqu' au lit, dorbir ze qui reste de la nuit. Le lendemain matin, prendre un alka seltzeir,manger la dinde froide avec de la mayonnaise et nettoyer le bordel que vous avez mi dans la cuisine.   Durée: une bonne jounée.

08:53 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (11)

samedi, 24 décembre 2005

Verve, nuit de Noël

medium_6303.jpgMatisse

18:47 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)

Ornières

À droite l'aube d'été éveille les feuilles et les vapeurs et les bruits de ce coin du parc, et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide. Défilé de féeries. En effet : des chars chargés d'animaux de bois doré, de mâts et de toiles bariolées, au grand galop de vingt chevaux de cirque tachetés, et les enfants et les hommes sur leurs bêtes les plus étonnantes ; - vingt véhicules, bossés, pavoisés et fleuris comme des carrosses anciens ou de contes, pleins d'enfants attifés pour une pastorale suburbaine. Même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d'ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires.

Arthur Rimbaud  

No hell

C'est l'histoire de deux amis qui marchaient dans le désert
A un moment, ils se disputèrent et l'un des deux donna une gifle à l'autre.

Ce dernier, endolori mais sans rien dire, écrivit dans le sable :
« Aujourd'hui mon meilleur ami m'a donné une gifle. »
Ils continuèrent à marcher puis trouvèrent une oasis, dans lequel ils décidèrent de se baigner.
Mais celui qui avait été giflé manqua de se noyer et son ami le sauva.
Quand il se fut repris, il écrivit sur une pierre:
« Aujourd'hui mon meilleur ami m'a sauvé la vie. »
Celui qui avait donné la gifle et avait sauvé son ami lui demanda:
« Quand je t'ai blessé, tu as écrit sur le sable, et maintenant tu as écris sur la pierre, Pourquoi? »
L'autre ami  répondit:
« Quand quelqu'un nous blesse, nous devons l'écrire dans le sable, où les vents du pardon peuvent l'effacer.
Mais quand quelqu'un fait quelque chose de bien pour nous nous devons le graver dans la pierre, où aucun vent ne peut l'effacer. » 
Apprends à écrire tes blessures dans le sable et à graver tes joies dans la pierre.

Conte soufi, certainement…

15:39 Publié dans Contes | Lien permanent | Commentaires (5)

vendredi, 23 décembre 2005

Résister c'est créer ! Créer c'est résister !

Nous vous présentons, en avant-première d'un DVD à paraître, le texte de l'appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil National de la Résistance adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944, lu par les figures historiques de la Résistance.

Vous pouvez voir et entendre Lise London, Raymond Aubrach, Henri Bartoli, Philippe Dechartre, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Georges Séguy, Maurice Voutey.

Nous avons tourné ces images en réaction au refus de la publication de ce texte par les médias dominants.
Vous pouvez diffuser ce lien sans modération.

22:45 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2)

Joyeux Noël

A voir ici, une magnifique huile sur toile de Bona Mangangu

17:43 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)

Recrutement

 Le FBI décide de sélectionner son agent le plus fidèle.
Après toute une série de sélections, d'entretiens et d'essais, il ne reste que trois candidats.
Pour le choix final, les agents mettent les hommes devant une grande porte métallique et leur remettent un pistolet.

- Nous devons être sûrs que vous suivrez nos instructions et ce quelles que soient les circonstances.

Derrière cette porte, vous trouverez votre femme assise sur une chaise et vous devrez la tuer.
Le premier dit: - Vous n'êtes pas sérieux ? Je ne pourrai jamais tuer ma femme.

- Alors, vous n'êtes pas l'homme fait pour ce travail.

On donne au deuxième homme les mêmes instructions.

Il prend l'arme et entre dans la salle.

Tout est calme pendant environ cinq minutes, puis l'homme revient, les larmes aux yeux:

- J'ai essayé, mais je ne peux pas tuer ma femme.

- Vous non plus, vous n'êtes pas fait pour le job. Emmenez votre femme et rentrez chez vous.

Enfin c'est le tour du troisième.

On lui donne encore une fois les mêmes consignes, en lui indiquant qu'il doit tuer sa femme.

Il prend le pistolet et entre dans la salle.

On entend des tirs, un coup puis un autre.

Puis on entend des cris, des coups contre les murs, des meubles qui se brisent.

Après quelques minutes, tout redevient calme.

La porte s'ouvre lentement et l'homme sort. Il s'essuie la sueur du front et dit :

- Vous auriez pu me dire que le pistolet était Chargé à blanc ! J'ai dû la finir avec la chaise!!!

17:37 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0)

2005 restera peut-être comme l’année du retournement idéologique

De plus en plus de gens ne sont plus convaincus par les promesses de ce libre-échangisme étendu aux services, à l’agriculture, etc. De même, de plus en plus de gens sont convaincus que le réchauffement de la planète est une réalité et que, tôt ou tard, il faudra prendre des mesures qui amputeront nos budgets et transformeront nos modes de vie.

Lire ici en entier l'édito de Courrier International

17:21 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 22 décembre 2005

Les soliloques du pauvre de Jehan Rictus

Les déambulations désabusées d’un clochard dans le Paris et le langage populaires de 1895

Dans une nouvelle mise en scène de F. GELBSEIDEN

Avec Sandy TOURNIER et Jean GELBSEIDEN

L’INDÉPENDANT le 16 juin 2005

Eurocultures en Corbières : une soirée peu ordinaire ou quand le théâtre se fait cri de détresse, expression politique. Nous n'étions ni au Chat noir, ni au cabaret des Quatz'arts ce samedi soir 11 juin, mais bien dans la cave de la Maison mésange à Durban avec la Compagnie des nuits partagées de Montpellier. Pourtant, il a fallu se pincer fort en fin de spectacle pour retrouver ses sens, tant l'interprétation que Jean Gelbseiden nous a donnée des Soliloques du pauvre a su faire chanter la misère du monde.
Tout était simple, dépouillé, évidemment adapté à cette dramaturgie. Côté ambiance, il a suffi d'un mur de pierres sèches, léché des lumières d'une lanterne vacillante, de l'ordonnance en gradins de la salle pour donner au silence pétrifié des spectateurs une vue comme dominante sur les soubresauts d'une réalité sociale : aucune autre solution exprimable que le cri de révolte.
Et pour pousser ce cri, en moduler toute la gamme des possibles, un comédien qui vit (ou revit) plus qu'il ne joue, une de ces "bêtes de scène" chez qui la maîtrise du texte paraît d'autant plus naturelle qu'elle vient des entrailles de sa personne. L'argot des faubourgs, les rimes souvent "riches" qui ne font que pimenter la détresse et rappeler la vraie poésie du monde, ne changent rien à l'affaire : par le jeu du comédien, ce qui aurait pu, de nos jours, paraître quelque peu factice, se fait arme morale d'une lutte pour la dignité, comme si Jean Gelbseiden prouvait paradoxalement sur scène que la vie n'est décidément pas un théâtre.
En cette année 2005, où la reprise de cette pièce étonnement fraîche de Jehan Rictus vient d'enchanter le Théâtre Molière à la Maison de la poésie à Paris, a donné lieu à une "récupération" par un intermittent du spectacle y trouvant matière allégorique à sa situation professionnelle et nourrit encore actuellement un "blog", Eurocultures en Corbières a eu la chance de cette rencontre magique avec Jean Gelbseiden : une leçon de vie, superbement ressentie plus qu'illustrée. A faire connaître…..

Michel Massacret

 

AU BALOARD
21 bd Louis Blanc
34000 MONTPELLIER
tél pr réservations : 04.67.79.36.68
dimanche 8 janvier 2006
18 heures précises
Entrée 10 € et 5 € pour chômeurs et assimilés

11:45 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (6)

mercredi, 21 décembre 2005

Le désert de l'iguane

Alain Dubrieu, dans « Le désert de l’iguane », raconte dans un style flamboyant mais sans rien cacher de la vérité ses dix ans passés en prison. Dans la mouvance des années 70 et du gauchisme, il avait participé à des casses, tout en refusant la violence sur la personne. Dénoncé, il était tombé. Au lieu de se tenir tranquille et d’attendre les remises de peine, il deviendra actif dans la constitution des comités de prisonnier et ne bénéficiera d’aucune remise de peine. C'est cette expérience qu'il raconte dans "Le désert de l'iguane" où il décrit  l’univers de la prison et ses mécanismes. Comment certains taulards fabriquaient de l'alcool frelaté grâce à un alambic construit de brique et de broque dans un sous-sol oublié d'une prison. C'est d'ailleurs à partir de là qu'il deviendra alcoolique ; il mourra d'un cancer du pancréas une vingtaine d'années plus tard, après que Pierre Torreilles, poète et fondateur de la librairie Sauramps à Montpellier lui ait donné sa chance en l'embauchant comme libraire. J’ai eu la chance d'être son copain, les dernières années de sa vie, suite au roman collectif « 13, cours des chevaliers du mail ». Il ne s’est jamais remis de ces dix années. Il avait une aversion profonde pour l’injustice et n’a jamais accepté les compromis. Après avoir été un des auteurs phares du néo-polar dans les années 70, et fait un peu tous les boulots de l’écriture (nègre, auteur de romans érotiques),  il était pratiquement oublié à la fin de sa vie. Il publia notamment, sous forme de pamphlet, avant de mourir : « Citadelles de l’oubli », un nouveau et actualisé réquisitoire contre la prison.

Premières lignes du "Désert de l'iguane" :

Brutale éclate la stridence d'une sonnerie sciemment prolongée par le maton du kiosque, nouant les nerfs sous le cocon soudain crevé des chauds bien-être en oubli... Bondir du lit ?... Une gageure... Mais se laisser lentement remonter à la surface, délaissant pour douze heures les oniriques profondeurs, et prendre pied sur le rivage-punition... Poser un orteil audacieux... Un autre... Sadiquement bercé... Brutalisé par le vacarme... Bruits de verrrou qui claquent et harcèlent... Beuglement des brutes à cravate, barbares soucieux de jeter bas ces bon dieu de Bandits des bras complices de Morphine (et tous ces dérivés), louche déesse de l'A.P., l 'Administration Pénitentiaire, où l'austère Pandémonium qu'il ne faudrait pas prendre pour les berges balinaises... Et se lever enfin, vacillant, ouvrir en grand les deux battants de la lucarne du clapier, et respirer, et regarder...

Gallimard, collection La noire

18:26 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 20 décembre 2005

Nouvelle donne en Amérique latine

A lire ici

21:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2)

Somme toute, une bonne année littéraire...

2005 aura été une année sauvage, violente, pleine de soubresauts, et sans doute est-ce lié, une bonne année littéraire. Moi qui lis peu d'ouvrages récents, rompant avec cette habitude, je n'ai pas été déçu.

"La possibilité d'une île" est un roman riche, foisonnant, profond, un véritable ouragan qui balaye tout sur son passage. Houellebecq confirme ici qu'il est un auteur très important ; à chaque page il innove, nous fait voir autrement le monde, nous oblige à reconsidérer nos certitudes, nos habitudes de pensée ; ce qui semblait évident, il le relativise, le pose autrement et cette mise en perspective, parfois en abîme fait (au-delà de ses autres qualités) toute la force de ce livre, une force telle d'ailleurs qu'elle a logiquement rencontré une forte opposition. C'est plutôt un signe de bonne santé.

"Lunar Park" de Bret Easton Ellis est une belle parabole aussi. Dans cette vraie ou fausse autobiographie, les personnages inventés par l'auteur dans ses précédents livres reviennent dans sa vie réelle le hanter, le perturber, troubler le jeu ; et c'est à une relecture du monde contemporain, mais aussi du rapport du réel à la fiction que Ellis nous oblige en tissant habilement les fils du récit, lequel peut se lire aussi comme une sorte de conte fantastique.

"Friterie-bar Brunetti" a de quoi surprendre aussi. Pierre Autin-Grenier qui n'avait écrit jusque là que des textes courts, nous plonge 90 pages durant, dans un univers oublié, perdu, celui des bars des années cinquante-soixante ; et à le lire, on mesure la distance parcourue ; le monde fou, hybride dans lequel on est entré (et que décrit si magnifiquement Bret Easton Ellis d'ailleurs) celui de la déréalisation, est à des années-lumière de celui décrit par P.A.G., humain, chaleureux, vivant, profond, coloré.

"Sept nuits" de Alina Reyes est un petit chef d'oeuvre. Une très belle parabole sur le désir. Un homme et une femme vont vivre sept nuits d'amour, où pour pousser la jouissance à son paroxysme, ils vont multiplier les jeux, les interdits, les retournements. A l'opposé du déballage de pornographie auquel on assiste aujourd'hui, là il est question de désir, de jeu, d'esquives, de langage, d'amour : Rarement l'écriture du désir aura été aussi forte et aussi belle ; amour et amour de la littérature s'y rejoignent, magnifiquement.

17:42 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (16)

Il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement

Les perturbations , les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l'ordre physique ou moral, l'esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu'il ne faut pas faire, les singularités chimiques du vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l'orgueil, l'inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l'absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cours d'assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d'aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l'enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses aux camélias, la culpabilité d'un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées, comme celles de Cromwell, de Mlle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, - devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement.

Lautréamont, Poésies I

lundi, 19 décembre 2005

Le soleil était encore chaud

Le soleil était encore chaud ; cependant il n'éclairait presque plus la terre ; comme un flambeau placé devant les voûtes gigantesques ne les éclaire plus que par une faible lueur, ainsi le soleil, flambeau terrestre, s'éteignait en laissant échapper de son corps de feu une dernière et faible lueur, laissant encore cependant voir les feuilles vertes des arbres, les petites fleurs qui se flétrissaient, et le somnet gigantesque des pins, des peupliers et des chênes séculaires. Le vent rafraîchissant, c'est-à-dire une brise fraîche, agitait les feuilles des arbres avec un bruissement à peu près semblable à celui que faisait le bruit des eaux argentées du ruisseau qui coulait à mes pieds. Les fougères courbaient leur front vert devant le vent. Je m'endormis, non sans m'être abreuvé de l'eau du ruisseau.

Rimbaud (à 9 ans)

Transit

J'ai vu ainsi disparaître, emportés par le criminel tourbillon du modernisme  à tout prix et les jetons de présence de sociétés anonymes, nombre de ces  havres de paix et de franche camaraderie où dès potron-minet le tourneur sur  métaux venait s'enfiler un café calva pour se donner du coeur à l'ouvrage  devant la rude journée, croisant au comptoir le copain ayant terminé ses  trois-huit et qui, lui, arrosait ça d'un panaché avant d'aller, fourbu,  retrouver sa Joconde et se coucher. On se donnait les nouvelles du jour, celles de l'atelier, on ne tenait pas conversation, des bribes seulement ; dans le frisquet du petit matin faire des phrases était vain. Chacun n'était là que de passage pour ainsi dire, comme en transit entre deux vies, réfugié une seconde dans cet asile de calme et de sérénité, juste le temps de reprendre forces pour continuer. Dans un coin le poêle ronflait fort; d'une simple esquisse de sourire et sans mot dire la patronne quand même vous rendait foi en l'avenir.

Pierre Autin-Grenier, Friterie-bar Brunetti, Gallimard, coll L'Arpenteur

19:23 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (0)