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lundi, 28 février 2005

Montpellier

Nuit claire, temps radouci. Instant magique juste avant le sommeil où l’esprit se promène libre, sans attache particulière, éloigné des pesanteurs de la journée. Jetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit. Il fait presque toujours doux à Montpellier. Soudain il comprend à quel point il aime cette ville. Pas de façon exclusive, non, pour son ouverture, son absence, sa légèreté, cette façon de ne pas être vraiment à soi. Rien ici de pesant, de trop enraciné. Liberté indispensable.

dimanche, 27 février 2005

La double mémoire de David Hoog

C’est dans l’ombre souple, furtive et inquiétante de Kafka que nous emporte Roland Fuentès avec ce court roman. Un Kafka solaire, lumineux, nourri de cette lumière du sud qui sera une si grande révélation pour Nietzsche. L’histoire se passe entre Marseille, Cassis et la Ciotat. Et ce n’est pas une des plus minces réussites de ce roman que ce décalage constant entre cette lumière dionysiaque et l’ombre inquiétante du scénario qui déroule méthodiquement ses méandres, imperturbable. Car il s’agit bien d’un combat, que n’aurait pas renié Kafka. Un combat entre deux mémoires, entre deux âmes qui se disputent un corps. Le roman est construit en spirale, on est pris dans son tourbillon. Encore un paradoxe, assumé et réussi, alors que le temps est le nœud de l’affaire, tout se passe dans un présent intemporel, presque magique, en phrases courtes, retenues, et en même temps empreintes de lyrisme. La calanque est déserte encore au milieu de la matinée. Seuls quelques enfants l’animent, petites flammèches posées sur les roches. Des mouettes silencieuses couvrent la paroi du grand tombant. La mistral a glacé la mer en quelques jours, aucun nageur n’en trouble plus l’étale aux reflets argentés. Le territoire des mouettes. Et des fous. (...) A travers le Velux, de grands oiseaux projettent leur ombre sur le sol. Des valses lentes naissent là, de leurs mouvements alanguis.On jurerait que des créatures montées du fond du parquet reprennent vie à la surface de la mer et du ciel.(...) David Hoog attend, installé à la terrasse du Marigny. C'est une sensation étrange que d'attendre, pour le plaisir sans doute, un événement encore indistinct. Peut-être le flot des passants qui s'épaissit, avivant son chatoiement, lui offrira-t-il l'image attendue.
Editions A contrario. Roland Fuentès a reçu le prix Prométhée de la nouvelle en 2003 pour « Douze mètres cubes de littérature » (éditions du Rocher).
Il dirige la revue Salmigondis.

vendredi, 25 février 2005

Aller simple

Partir. Train d’enfer. Aller ; retour m’effraie ; chemin biffé, replié sur lui-même, comme moi. Non. Laisser aller le fleuve d’images bordant la vitre au rythme des feuillées, fragiles papillons végétaux accrochés à leurs branches, comme moi, mais sans les ailes. Ce train, travelling de mon immobilité, joie d’un effort annulé, puissance de la machine irriguant mon corps de coton. Je suis un homme-fauteuil, et cette baie vitrée, si vaste que ses berges m’échappent, est un espace de jeu où mon regard s’ébat, libre et léger. Ma vie se fait vision. Le rêve alors m’emporte. Aller simple. Je deviens ce héron qui en un saut à peine se pique en haut d’un chêne, tel un soldat du ciel guettant l’attaque de l’ombre. Je virevolte entre les lourdes vaches, les silos et les mares. Mon crapaud aux inutiles roues devient tapis d’Orient. Mes yeux écarquillés, que des nerfs agacés ne peuvent contenir, creusent dans les nuages des abris de fortune. Je m’y vautre en chantant, je chahute les dieux !

Jean-Jacques Marimbert

Caravaggio

De notre terrasse à Rome on voyait le Château Saint-Ange et le meilleur moment pour faire l’amour c’est quand la lumière déclinait et restait agrippée aux pierres, un instant d’éternité. Dans les palpitations de l’air et les odeurs mauves des jacarandas, adagio sostenuto, la Sonate au clair de lune était le moment de la plus grande dispersion, quand tout semble retenu dans le ciel, déposé comme un rideau de théâtre, lueurs pourpres, lisses et fauves dans le lointain, reflets ondoyants sur les toits, les murs, les visages. Temps figé, saisi. La beauté, improbable, présente et ramassée. Dans cette ville minérale, de méandres, replis, fuites, retournements, on poursuivait d’église en palazzo les tableaux de Caravaggio, pure merveille, absolue présence. Il y avait ce cou, miracle d’équilibre, douceur et étrangeté, ce cou si sublime de la Madone de Lorette à Sant’ Agostino, impossible de s’en détacher et cette bibliothèque en forme de navire juste à côté où on est entrés tous les deux, comme dans l’univers magique du Nom de la rose. Tu cherchais Les trois âges de la femme de Gustav Klimt, on l’a découvert finalement sur les bords de la Villa Borghese, perdu dans un musée immense, froid et un rien lugubre. Jamais les reproductions ne le montrent en entier, la vieille femme cache ses yeux, devant le visage rayonnant de la maternité.

jeudi, 24 février 2005

Une limite consciente

Plus le corps est une limite consciente, plus l'esprit est illuminé

Sollers

mercredi, 23 février 2005

Un des plus beaux débuts...

De roman, c’est celui de Point de lendemain, de Vivant Denon, écrit en 1812. Et la suite de ce court roman est du même niveau…

J’aimais éperdument la comtesse de * ; j’avais vingt ans, et j’étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J’étais ingénu, je la regrettai ; j’avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j’avais vingt ans, que j’étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l’amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes.

mardi, 22 février 2005

Il n'y a pas de grandes personnes

Un vieux prêtre que j’interrogeais pour savoir ce qu’il retenait de toute une vie de confesseur, quelle leçon il tirait de cette longue familiarité avec les âmes me répondit : je vous dirai deux choses : la première, c’est que les gens sont beaucoup plus malheureux qu’on ne le croit ; la seconde, c’est qu’il n’y a pas de grandes personnes.

Malraux

lundi, 21 février 2005

Jusqu'à l'infini

Un mobile qui est en A ne pourra jamais atteindre le point B, parce qu’il devra auparavant parcourir la moitié de la distance qui les sépare, et auparavant la moitié de la moitié et d’abord la moitié de cette moitié de cette moitié, et ainsi jusqu’à l’infini

Borges

Glisse

Le monde réel, ce monde soi-disant réel
C’est simplement quelque chose dont on doit s’accommoder
Comme tout le monde
La réalité est une corde raide
Si je glisse, je me dis tiens, c’est intéressant
La plupart du temps, je glisse
Dans cette version fugitive, cet éclair.

De Kooning

L'art

Corps aimés, retrouvés, sommeil, jouissance sans fin du sommeil - il est l’amour, mesure parfaite et réinventée – poésie, peinture, sculpture, notes étirées, soufflées, susurrées, Mozart est là, avec nous, en creux, jusqu’à la fin des temps, il a existé, c’est possible, il y aura d’autres Mozart, passant comme des météores, n’en déplaise aux censeurs, plaisir, voix mêlées, psalmodiées, venues des profondeurs… Infamie, retournements, troubles du langage, prose incandescente, plaisir encore, chaque seconde qui passe me rapproche du monde, plus je vis, plus je m’approche de la vie… Quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, - en une plage pour deux enfants fidèles, - en une maison musicale pour notre claire sympathie, - je vous trouverai. Diagonale vers l’infini, c’est possible, cela s’appelle l’art…

dimanche, 20 février 2005

Anti

Tout ce qui est anti reste inextricablement pris au sein de ce contre quoi il entreprend de se battre

Heidegger

15:07 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (4)

Un secret

Un secret n’est secret que si n’apparaît même pas le fait que, là, existe un secret

Heidegger


samedi, 19 février 2005

C'est ça qu'ils veulent empêcher

Quand on revient sur les époques troublées, catastrophiques, et elles le sont toutes, qu’est-ce qui reste, finalement ? Tableaux, livres, musique… Ils le savent… C’est ça qu’ils veulent empêcher, au fond… Le reste est sans raison…

Sollers

C'est quoi un rêveur ?

Ca suppose une limite nette entre rêve et réalité. Or la réalité ce sont des rêves devenus réalité. Mais pas seulement certes. Il se trouve que le diable se glisse partout (sa plus grande habileté, faire croire qu’il n’existait pas), les forces négatives (appelons-les comme ça c’est plus simple) sont toujours et partout à l’œuvre, ainsi la réalité se teinte souvent des couleurs du cauchemar. Si être rêveur c’est intégrer cette dimension multiple du réel, alors là oui !
Peut-être peut-on penser les deux en même temps (je veux dire rêve et réalité), c’est là où une fois de plus la pensée chinoise nous vient en aide, les contraires ne s’excluant pas (ou seulement momentanément) mais pouvant être pensés et vécus ensemble, co-existant : la vie la mort, etc. Etre rêveur, ce n’est pas exclure la réalité (ce serait idiot) mais admettre et penser la coexistence du rêve et de la réalité, du conscient et de l’inconscient, de la raison et des sentiments, et peut-être même qu’il y a déséquilibre quand l’un des deux (n’importe lequel) prend trop nettement le pas sur l’autre…

14:18 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

Combat

Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde

Kafka

Guernica

Une dame allemande demande à Picasso devant Guernica :
- C'est vous qui avez fait ça ?
- Non c'est vous !

02:17 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

Le style

Si vous êtes généreux ou cruel, courageux ou lâche, cela se voit dans le style, quelle que soit l’histoire que vous racontez et quel que soit le soin que vous prenez à vous masquer

Giono

vendredi, 18 février 2005

J'ai raté un épisode ?

Les profits colossaux des entreprises, toujours plus de licenciements et de laissés pour compte, un monarque corrompu jusqu’à la moelle en Polynésie qui s’accroche à son pouvoir, Papon lui est bien au chaud chez lui, tout ça est tellement énorme et personne ne s’aperçoit de rien, accroché à son portable et à son hypothétique chèque de survie à la fin du mois, j’ai raté un épisode ?

21:50 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

Le diable se glisse partout...

Bleu ardent, lignes de pluie de l’horizon, tout près la mer et son désordre de vagues, la mer d’Ulysse, j’entends encore le battement des rameurs, la mer vineuse, sillonnée sans cesse par ce voyageur fou, vent de l’histoire jeté sur la ville, elle intacte ou presque, les hommes balayés, en poussière, et toujours cette clarté qui flotte au dessus, immense, impénétrable, acide parfois, ardente… L’histoire est constamment retournée, agitée, dévoyée. Homère, l’Odyssée, le voyage essentiel, la Grèce, enfouie depuis, les Troyens contre les Achéens, ils vont fonder Rome, et puis Rome à son tour, face au Saint Empire romain germanique, conséquences désastreuses, et ainsi de suite, qui détruira l’autre, retournements constants, peu importe, le scénario est toujours le même, en apparence, le diable se glisse partout…

jeudi, 17 février 2005

Pour Joëlle

Ciel noir. Abîme rendu. Ivresse, ivresse. Ciel pâle. Orgasme rendu. Tu pars, tu pars. Le ciel s’épanche. Encore. La nuit s’échappe, s’enfuit. Le temps défile mais impossible de le rattraper. Une trouée. Aurore en même temps, or du temps. Tout depuis la plus simple émotion jusqu’à l’abîme total ramène à ce sentiment inconcevable de l’absence.