Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 16 octobre 2009

Extrait de « Considérations éthiques », de Jean Azarel

Guan04[1].jpgPlus tard quand l’enfant devient adolescent,  la tentation de la cigüe flirte avec la satiété de la fraise des bois, la langue tourne sept fois dans la bouche avant de sécher car dehors il bruine. Il bruine sur ta jupe. Il bruine sur tes seins. Il bruine si longtemps que ton âme est mouillée, tu voudrais te corrompre d’un rayon de soleil, tu me tends tes frissons mais moi je suis l’homme qu’irrigue le sang noir des fourrés, le sang de la mûre, la pulpe de la myrtille, le pus du carré de chocolat de quatre heures et de la noirceur de l’âme, en moi s’agite l’angle aigu de la foi sans loi. Je jouis de peu de choses comme tous les hommes qui ne possèdent rien. Un mal de dos d’avoir rangé du bois. Une ruse de gibier. Des allées de sorbiers rougis par l’automne. Les poumons transpercés d’air pur après une marche en montagne. Des vaches dominos pâturant paisibles. De l’eau minérale fraichie dans le ruisseau avant de dévaler le gosier. Certains matins d’hiver les folles fiançailles succombent. Il ne reste entre le désespoir et l’épaisseur de ma peau qu’un espoir d’amour impossible.  Plus tard encore je suis resté un homme des forêts. Je serpente vers les sources puisque les truites remontent haut. Mal aux reins, mal au bras, douceur pourtant de l’émerveillement recommencé à déplier les embouts de la canne à pêche,  poser sur le napperon liquide tendu entre les blocs de granite la sauterelle que vient happer la belle noire à points rouges libertaire. Les fleurs d’altitude à même le lit. Un chevreuil surpris dans sa contemplation narcissique. Ses yeux fous de bête apeurée. Des édredons de granite. Les caches sous la pierre. Chaos secret où la respiration tourne au ralenti. Un « floc » discret. L’eau qui sourit. La canne qu’on relève entre les branches avec au bout de cinquante centimètres de nylon seize centièmes le tortillement divin de vingt deux centimètres d’insoumission qu’aucune paire de fesses n’égale dans le gigotement des cages de nuit.  Dix neuf heures, la sueur. Assoiffé. Trempé. Des auréoles sur le tricot. Les anges rentrés dans la peau. timeless9guan-zeju.jpgLa vraie lumière du monde, dorée comme une tranche de pain perdu. Le ciel ouvert au souffle, renversé dans le regard d’un plat limpide. Fin août, déjà des œufs dans le ventre que le couteau défait. Odeurs des origines. Suaves. Sauvages.  Délicieusement païennes. Il est temps de fermer le ban. Ouf, je t’ai oublié une fois de plus. Au milieu du lit poussent des framboises. Arrêt cueillette. Plus bas les myrtilles descendent jusqu’à la berge, c’est l’endroit où elles sont le plus grosses à cause de l’humidité. Je ne sens plus ma peine, envolées les visions de supermarchés, les bas résilles exaltant des jambes fières, le tas de catalogues consuméristes,  tes désirs d’avenir, la taxe carbone, les tétines dans les yeux sont crevées. L’haleine manque un peu beaucoup sur la pente, mes jambes sont lourdes, la chaleur embrase les poumons mais une brise vient encore, ponctuellement, raviver le courage de monter. Tout en haut, le ruisseau joue des coudes, oblique, disparaît, se vide. Un couple de rapaces décrit des arabesques dans le lointain, s’enlace à distance concentrique. J’ai fait la conquête de la fatigue. Etonnement recommencé. Après les pluies quand la terre est encore chaude des brûlures des jours de plomb, ne pas oublier le Laguiole pour couper dignement les cèpes qui viennent sur les bordures.

Extrait de « Considérations éthiques »

Jean Azarel 2009

Peintures de Guan Ze Ju

jeudi, 15 octobre 2009

Hiroshige mon amour

hiroshige_1280-1024.jpg

20:53 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : hiroshige

En passant...

C'est banal certes, mais on peut le dire quand même (envoyé par l'ami Jacki Maréchal, je répercute) :
Deux informations dans la presse ce matin :
 

LES ECHOS 

Le CAC près des 3.900 points
L'indice a été propulsé à un nouveau plus haut de l'année, proche de 3.900 points. Banques, technologiques et matières premières ont bondi.

 

Bonus : année record pour les banquiers de Wall Street

Wall Street préparerait, selon le «Wall Street Journal», à verser près de 140 milliards de dollars en salaires, bonus et divers (santé, retraites) cette année. Un record absolu.

 

 
 

LIBERATION -  Monde : 14/10/2009 à 18h13

Plus d'un milliard de personnes frappées par la faim dans le monde

La faim a progressé dans le monde en raison de la crise économique mondiale en 2008-2009 et touche aujourd'hui un sixième de la population mondiale, selon un rapport publié mercredi par la FAO, une agence de l'ONU.


Les bruits du dehors

chine-affiche-de-propagande-chinoise-les-femmes-peuvent-porter-la-moitie-du-ciel_1220258557.jpgLes bruits du dehors m’arrivent dans leur vraie matérialité, une page s’ouvre, peut-être la dernière, alors mieux vaut ne pas la rater.  Les bruits, les odeurs, les souvenirs, mon corps, mon sexe, tout se mélange et c’est de se mélange là que je vis, une vie plus intense, plus drôle, plus forte, éternelle. Tout ce qu’on nous apprend est faux. La seule issue est dans la connaissance, ce que précisément on veut nous empêcher.

00:13 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 14 octobre 2009

La cime de l'arbre

P1013657.jpg"Je ne suis rien d'autre que la cime de l'arbre protégeant et abritant les racines dont il se nourrit."

Shakespeare

Photo de Nina Houzel

mardi, 13 octobre 2009

Jack for ever

kerouac2.gifOn était dans les montagnes ; il y avait une merveille de soleil levant, des fraîcheurs mauves, des pentes rougeoyantes, l’émeraude des pâturages dans les vallées, la rosée et les changeants nuages d’or. (…) Bientôt ce fut l’obscurité, une obscurité de raisins, une obscurité pourprée sur les plantations de mandariniers et les champs de melons ; le soleil couleur de raisins écrasés, avec des balafres rouge bourgogne, les champs couleur de l’amour et des mystères hispaniques. Je passais ma tête par la fenêtre et aspirais à longs traits l’air embaumé. C’étaient les plus magnifiques de tous les instants. Rarement sans doute un livre a aussi bien “ collé ” à un génération, servi de révélateur à une époque. Sur la route, écrit en 1951 (publié en 1957) sera un phénomène. Il va incarner la “ Beat Generation ”, mouvement né de la rencontre en 1943-44 entre Jack Kerouac, Allan Ginsberg et William Burroughs, tous trois écrivains et poètes.

Beat au départ signifie vagabond, puis renvoie au rythme de l’écriture, proche de celle du jazz, et même à béatitude (Kerouac sera très influencé par sa rencontre avec Gary Snider qui l’initiera au bouddhisme et à la spiritualité, expérience qu’il racontera dans Les clochards célestes). Ainsi vont naître les beatniks. Une déferlante que Kerouac incarnera malgré lui et qui le dépassera. Mais c’est une autre histoire. Reste le livre. Et sa force, sa puissance, la sincérité qui s’en dégage. Ecrit en trois semaines, sur un unique rouleau de papier. On y croise des centaines de personnages, de lieux, poussés par une écriture rythmée, endiablée, frénétique. Une écriture comme un souffle, une pulsation, un battement, un “ beat ”. Je veux être considéré comme un poète de jazz soufflant un long blues au cours d’une jam-session un dimanche après-midi, écrira-t-il. Comme le souligne Yves Le Pellec, Kerouac est nettement plus préoccupé de rythme, de relief, d’intensité que de pensée. (…) Son texte laisse toujours une large place au hasard et à l’arbitraire. En effet, son écriture est physique. Il mouillait sa chemise, au sens propre du terme. Comme un musicien se sert de son corps, il utilisait les mots comme des notes.

kerouac.jpgAvant tout, Sur la route, c’est le portrait d’un personnage invraisemblable et pourtant bien réel, Neal Cassidy (Dean ” dans le roman), qui fut l’ami et l’inspirateur de Kerouac “ : Un gars de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j’aurais avec lui, j’allais entendre l’appel d’une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi comme copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d’hôpital, qu’est-ce que cela pouvait me foutre ? … Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare.

En pleine période du maccarthysme, d’Einsenhower, une autre Amérique se dessine : Un soir de lilas, je marchais, souffrant de tous mes muscles, parmi les lumières de la Vingt-septième Rue et de la Welton, dans le quartier noir de Denver, souhaitant être un nègre, avec le sentiment que ce qu’il y avait de mieux dans le monde blanc ne m’offrait pas assez d’extase, ni assez de vie, de joie, de frénésie, de ténèbres,  de musique, pas assez de nuit. Je m’arrêtais devant une petite baraque où un homme vendait des poivrons tout chauds dans des cornets de papier ; j’en achetai et tout en mangeant, je flânai dans les rues obscures et mystérieuses. J’avais envie d’être un mexicain de Denver, ou même un pauvre Jap accablé de boulot, n’importe quoi sauf ce que j’étais si lugubrement, un “ homme blanc ” désabusé.

Une Amérique dont les lieux mythiques sont le Mississipi : Une argile délavée dans la nuit pluvieuse, le bruit mat d’écroulements le long des berges inclinées du Missouri, un être qui se dissout, la chevauchée du Mascaret remontant le lit du fleuve éternel, de brunes écumes, un être naviguant sans fin par les vallons les forêts et les digues et San Francisco bien sûr : Soudain, parvenus au sommet d’une crête, on vit se déployer devant nous la fabuleuse ville blanche de San Francisco, sur ces onze collines mystiques et le Pacifique bleu, et au-delà son mur de brouillard comme au-dessus de champs de pommes de terre qui s’avançait, et la fumée et l’or répandu sur cette fin d’après-midi.

Cette Amérique-là ne peut trouver son point d’orgue qu’au Mexique, la terre promise : Derrière nous s’étalait toute l’Amérique et tout ce que Dean et moi avions auparavant appris de la vie, et de la vie sur la route. Nous avions enfin trouvé la terre magique au bout de la route et jamais nous n’avions imaginé le pouvoir de cette magie. Un peu plus loin : Chacun ici est en paix, chacun te regarde avec des yeux bruns si francs et ils ne disent mot, ils regardent juste, et dans ce regard toutes les qualités humaines sont tamisées et assourdies et toujours présentes. Même si la frustration, le désespoir ne sont jamais absents, un sentiment de jubilation, de frénésie traverse tout le livre. Tout semble toujours possible, et cette route qui défile et ne s’arrête jamais (à l’image de ce rouleau de papier lui aussi ininterrompu), c’est le grand courant de la vie qui la traverse de part en part.

Le plus étonnant dans tout ça, c’est que tout est vrai, rien n’est inventé. Kerouac a bourlingué (comme Cendrars), observé et il a une mémoire extraordinaire. Yves Le Pellec le résume bien, Kerouac est un prodigieux badaud, il est obsédé de la totalité, il voudrait tout faire entrer dans ses phrases tentaculaires, entêtées : Il a expliqué lui-même sa technique : Ne pars pas d’une idée préconçue de ce qu’il y a à dire sur l’image mais du joyau au cœur de l’intérêt pour le sujet de l’image au moment d’écrire et écris vers l’extérieur en nageant dans la mer du langage jusqu’au relâchement et à l’épuisement périphérique. Kerouac est avant tout un écrivain. Avant son succès foudroyant il venait d’écrire 12 livres en 7 ans (1950-1957), sans répit, sans aide, sans confort, sans argent et sans reconnaissance. Aussi il vivra mal le succès, le vedettariat qui va l’assaillir d’un coup. Il sombrera dans l’alcool, la paranoïa. Toute ma vie, écrira-t-il en 1957 dans un bref résumé autobiographique à la demande d’un éditeur, je me suis arraché le cœur à écrire.

Sur la route, Les clochards célestes ainsi que la plupart des romans de Jack Kerouac sont disponibles en Folio Gallimard.

On pourra consulter aussi : Jack Kerouac. Le verbe vagabond. Yves Le Pellec. Belin, collections voix américaines. L’ange déchu, vie de Jack Kerouac illustrée, Steve Turner, aux éditions Mille et une nuits

(Article paru dans la revue "Sol'Air"  n° 23,  janvier 2003)

lundi, 12 octobre 2009

Un pur moment de bonheur

amadeus-1984-08-m.jpgUn (film) qui n'a pas pris une ride, c'est le "Amadeus" de Milos Forman, passé hier soir à la télévision de service public. Virevoltant, endiablé, bande son impeccable, un pur moment de bonheur

13:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amadeus, mozart

dimanche, 11 octobre 2009

Un jeu

nng3_images.jpgVu chez l'ami JLK, si le coeur vous en dit...

Ne réfléchissez pas pour répondre. Écrivez 15 titres de livres auxquels vous vous sentez particulièrement liés. Notez les 15 premiers qui vous viennent à l'esprit en 15 minutes maximum.

1 Le Yi-king

2 A la recherche du temps perdu, Marcel Proust

3 Les Mémoires d'Outre-tombe, Chateaubriand

4 Les Voyageurs du temps, Philippe Sollers

5 Sur la route, Jack Kerouac

6 La Bible

7 Les Ecrits gnostiques de la Bible

8 Madame Bovary, Gustave Flaubert

9 Les Fleurs du mal, Baudelaire

10 Les Poésies, Lautréamont

11 Oeuvres complètes, Rimbaud

12 La Société du spectacle, Guy Debord

13 Le vieil homme et la mer, Hemingway

14 Le Rouge et le noir, Stendhal

15 Candide, Voltaire

00:15 Publié dans Jeux | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jeu

samedi, 10 octobre 2009

Les 36 Stratagèmes

2674.jpgLes stratagèmes, comme les arts martiaux, sont des procédés qui permettent avec la plus grande économie de moyens, d’inverser les relations de dominé à dominant, soit en profitant de la faiblesse momentanée de l’adversaire et de l’équilibre instable dans lequel il se trouve, soit en le trompant de mille façons. Ces ruses impliquent une notion dynamique du temps et de l’espace, elles supposent l’idée de situations, de configurations transitoires dont il faut savoir tirer parti au moment opportun.

La première étape du jeu est donc un moment de calcul et de patience qui permet, quand la situation est mûre,  de tirer parti du point tournant qu’on appelle “ occasion ”.  L’occasion est la rencontre du destin et de l’homme, et l’instant où se décident victoire ou défaite. Le stratagème en effet, vient s’insérer là où la situation l’appelle, il est pareil à un pivot qui permet, grâce à une légère poussée, de renverser le rapport de forces précédent.

La victoire par le moyen du stratagème est, pour la tradition chinoise, la façon de vaincre la plus admirée. La victoire par la force des armes n’occupe que le troisième rang, celle par la diplomatie le deuxième. La pensée chinoise est avant tout pragmatique, les livres de stratégies fourmillent d’exemples, et tous ne sont pas tirés de l’histoire de la Chine. François Kircher illustre sa traduction des 36 stratagèmes d’événements récents.

Ainsi le stratagème “ Retirer les bûches sous la marmite ” : Ne pas s’opposer directement à la force, mais lui retirer son point d’appui, fut utilisé avec succès par Valéry Giscard d’Estaing lors du débat télévisé qui l’opposa à François Mitterand à la veille du second tour des élections présidentielles de 1974. La meilleure carte de Mitterand tenait à la sensibilité de gauche qu’il incarnait avec autorité. Après un échange portant sur diverses questions économiques et financières où Giscard démontra sa dextérité, celui-ci ajusta une réplique qui retira en un seul coup le point d’appui principal de son adversaire : Monsieur, vous n’avez pas le monopole du cœur !  

chinese-painting-of-three-gorges-d.jpgSept ans plus tard, renversement de situation. François Mitterrand utilise le stratagème : “ Sacrifier le prunier pour sauver le pêcher ” , qui consiste à neutraliser les atouts d’un ennemi en utilisant les faiblesses spécifiques de son propre camp. Giscard d’Estaing, jouissant de son avantage en matière de connaissances économiques et financières, qui était justement le point faible de son adversaire, l’attire sur ce terrain. Mais il en fait trop, et délaissant le cours normal du débat, il pose crûment une question sans rapport avec le fil des échanges précédents. Dans le seul but de démontrer l’incompétence économique de son interlocuteur, il lui demande de citer de mémoire le cours d’une devise étrangère. Mitterrand saisit immédiatement le faux pas, rappelant à son concurrent qu’ils n’étaient pas en situation d’un professeur qui fait passer à un examen à son élève. La carte la plus faible de Mitterrand avait ainsi joué en sa faveur, mettant en relief, par contre, la plus mauvaise carte de son interlocuteur, auquel l’opinion avait tendance à reprocher son assurance excessive et sa suffisance.

L’origine de Noël est une illustration du stratagème “ Redonner vie à un cadavre ” : La célébration du Nouvel An est une coutume fort ancienne. Les Romains fêtaient les Saturnales en l’honneur de Saturne, dieu des semailles, entre le 17 et le 23 décembre : c’était la fête la plus gaie de l’année. De même, bien avant la naissance du Christ, les juifs célébraient à la même époque la Fête des lumières. Les peuples germaniques tenaient aussi une grande fête au solstice d’hiver, invocation de la lumière et de la fertilité. Ensuite l’empereur Aurélien instaura le culte du dieu solaire Mithra, déclarant son anniversaire le 25 décembre. L’église chrétienne du pape Libère (352-366) fit donc preuve d’une grande habileté en reprenant à son compte, en 354, l’anniversaire de Mithra pour désigner le 25 décembre comme jour anniversaire de la naissance de Jésus-Christ.

W020090513397543690072.jpgDans le stratagème “ Refermer la porte de la maison sur les voleurs ” on trouve le conseil suivant : Tout phénomène est au début un germe, puis finit par devenir une réalité que chacun peut constater. Le sage pense donc le long terme. C’est pourquoi il a grand soin de s’occuper des germes. La plupart des hommes ont la vue courte. Ils attendent que le problème soit devenu évident pour s’y attaquer. Quand il est encore en germe, le problème est simple, sa solution exige peu d’efforts et apporte de grands résultats. Quand il est devenu évident, on s’épuise à le résoudre et, en général, les efforts sont vains. Le stratagème “ Orner de fleurs un arbre sec ” est un grand classique ; c’est une fable qui l’illustre le mieux : Le tigre est la terreur des forêts. Un jour un renard tomba entre ses griffes. Avec aplomb il dit au tigre : - Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici. Le tigre s’étonna de ce discours et le renard poursuivit : - Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint. Le renard se mit donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontraient fuyaient à leur approche. Le tigre crut alors les paroles du renard, sans comprendre que c’était lui-même que tous craignaient.

Le stratagème de la ville vide est un des plus complexes. Les leurres peuvent être de 4 espèces. Les deux premiers sont relativement simples. Là où il y a une faiblesse, créer l’illusion d’une force afin que l’adversaire n’ose pas attaquer. Là où il y a une force, créer l’illusion d’une faiblesse afin d’attirer l’adversaire dans un piège. Les deux autres sont moins simples : Si on est faible, il faut montrer sa faiblesse pour que l’adversaire croit qu’on dissimule une force. Si on est fort, on fait étalage de sa force pour amener l’adversaire à s’avancer imprudemment en pensant rencontrer une faiblesse. Jeu du plein et du vide, règne de l’illusion, les règles de la stratégie sont chaque fois différentes. On est ici au cœur de la différence chinoise : Les stratagèmes sont un art du temps. Or, ont coutume de dire les taoïstes, il n’y a qu’une seule chose stable, c’est le changement.

(Raymond Alcovère, Article paru dans la revue L'instant du monde n°3)

Source principale : Les 36 Stratagèmes, traduit du chinois et commenté par François Kircher, Rivages poche, petite bibliothèque.

00:10 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stratagèmes, chine

vendredi, 09 octobre 2009

Le lendemain...

rain-at-sea.jpgLe lendemain, on est allés à Montpellier. Les rues baignaient dans l’humidité, derrière un rideau liquide. La ville se retrempait dans son passé. Les vieux hôtels émergeaient à peine de l’histoire. Elle était là, vivante, ils nous la racontaient, bruissant du cliquetis des armes et du va-et-vient des fantômes. Vers la fin d’après-midi, la ville s’est réveillée de son apathie. À nouveau, la lumière tamisait les pierres. Les jours suivants, le soleil a répandu sa clarté crue. Comme sous un projecteur, les gestes, se sont mis en perspective. Un désir vague mais puissant rôdait. Un moment que rien n’égale, les sens en attente, chaque souffle, chaque mot, débordant d’émotions à peine contenues. Presque à notre insu, une harmonie s’installait. Inexplicable mais on n’avait pas envie de l’expliquer. Parfois, aux premiers rayons du soleil, j’écoutais Solsbury Hill, puis je sortais jouer avec les perles de l’écume, seul dans la lumière du matin. On a passé trois semaines ensemble, presque sans se quitter, juste avant que je commence à travailler, à réfléchir à ce qui m’attendait, à tout ce que je refusais de voir.

Raymond Alcovère, extrait du roman "Le Bonheur est un drôle de serpent", à paraître le 22 octobre.

jeudi, 08 octobre 2009

Le tigre est la terreur des forêts

Tiger.jpgLe tigre est la terreur des forêts. Un jour un renard tombe entre ses griffes. Avec aplomb il dit au tigre :

- Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici.

Le tigre s’étonne de ce discours et le renard poursuit :

- Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint.

Le renard se met donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontrent fuient à leur approche. Le tigre croit alors les paroles du renard, sans comprendre que c’est lui-même que tous craignent.

Cette fable illustre Le stratagème " Orner de fleurs un arbre sec " dans le recueil "Les 36 stratagèmes" (Traduit du chinois et commenté par François Kircher. Rivages poches. Petite bibliothèque).

13:18 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : tigre, chine, stratagèmes

mercredi, 07 octobre 2009

?

Photographie de Henri Zerdoun.jpg« La réponse est oui ; mais quelle peut bien être la question ? »

Woody Allen

Photo de Henri Zerdoun

 

Plus l'espace est illluminé

47_Kameyama.jpg"Plus le corps est une limite consciente, plus l'espace est illluminé"

Philippe Sollers, Passion fixe

Hiroshige

lundi, 05 octobre 2009

Lectures, peinture et musique autour de la sortie de mon roman

couv2.jpgLectures, peinture et musique autour de la sortie de mon troisième roman : "Le bonheur est un drôle de serpent"(éditions Lucie) : Le 12 novembre au Baloard à Montpellier
Les lectures seront assurées par Françoise Renaud, Richard Bruston et moi-même.
Les peintures seront de Frédérique Azaïs-Ferri.
Et Patrick Agullo sera à la guitare.
Entrée libre.
Le Baloard, 21 boulevard Louis Blanc, à Montpellier, tram Louis Blanc (L1) ou Corum (L1 et L2) http://www.baloard.com/?page_id=2
Frédérique Azais-Ferri : http://frederiqueazais.hautetfort.com/

Il s'en tire mieux.

Barry_Lyndon_screenshot.jpg"Imaginer Mallarmé dans un embouteillage sur une autoroute. Baudelaire idem. Proust, idem. Rimbaud à Baïkonour. Céline à Shangai. Saint-Simon partout. Il s'en tire mieux. Pourquoi."

Philippe Sollers, Carnet de nuit

Photo du film Barry Lindon

00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : saint-simon

dimanche, 04 octobre 2009

Plus profonds, plus dérapants, plus durs

1238099133_685e1ac2f6.jpg"Pour moi aussi, c'était le retour, mais les retours ne sont jamais ce qu'on imagine, ils sont chaque fois plus profonds, plus dérapants, plus durs."

Philippe Sollers, Le Secret

Guido Reni, Beatrice Cenci

samedi, 03 octobre 2009

C’était un grand jeune homme brun, imberbe, nerveux, rangé et travailleur

ducasse.gif"C’était un grand jeune homme brun, imberbe, nerveux, rangé et travailleur. Il n’écrivait que la nuit, assis à son piano. Il déclamait, il forgeait ses phrases, plaquant ses prosopopées avec des accords. Cette méthode de composition faisait le désespoir des locataires de l’hôtel qui, souvent réveillés en sursaut, ne pouvaient se douter qu’un étonnant musicien du verbe, un rare symphoniste de la phrase cherchait, en frappant son clavier, les rythmes de son orchestration littéraire."

Extrait de la préface de Léon de Genonceaux à son édition des Chants de Maldoror (1890), à lire en entier ici

(Lautréamont meurt en novembre 1870, à l'âge de 24 ans et demi, pendant le siège allemand de Paris)

vendredi, 02 octobre 2009

Manet, toujours Manet

manet_1229553777.jpg

20:27 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manet