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samedi, 30 août 2008

Une entrecôte drôlement politisée

VILENEUVE (8).jpgou pour saluer fraternellement Jean-Claude Izzo, toujours présent, par Pierre Autin-Grenier :

Onze heures et demie, je dégringole l’escalier et fonce chez le boucher pour attraper l’entrecôte que je compte fricoter à midi à la marchand de vin ; je tombe dans la boutique sur François Mitterrand en train de discuter le bout de gras avec un type que, de prime abord, je ne reconnais pas. Pour sûr ce n’est ni Beckett ni Cioran, plutôt un aigre fausset à la Guitton et des propos qui vont avec ; “Deux bons doigts dans l’entrecôte” je dis au boucher un rien amusé de me voir, l’air intrigué, tendre l’oreille par-dessus ses rillettes pour tenter de saisir quelques bribes du bavardage ambiant. En cinq-six coups secs de hachoir dans ma bidoche sur son étal il me saucissonne complètement les derniers mots du Président et maintenant c’est la petite musique de fin d’émission ; “Une page de publicité avant la Bourse” annonce l’animatrice dans l’enceinte accrochée au mur sous un effrayant massacre de cerf d’au moins dix cors. Plaisante magie des archives radiophoniques qui permet d’entendre, comme en public et en direct, l’ancien Président disserter d’outre-tombe du Temps et de l’Éternité avec un philosophe stéphanois mort lui aussi cependant que votre boucher, la mine réjouie, essuie ses mains sanguinolentes au pan de son tablier : “Emballez, c’est pesé! Et avec ça ? ”

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Photo de Gildas Pasquet

jeudi, 23 novembre 2006

Ton dévoué...

medium_peo-Flay-04G.jpgJacques Lull, l’écrivain célèbre, loue chaque année un chalet dans le Jura suisse, seul, isolé, afin de travailler en paix. C’est une région plutôt désertée des touristes, surtout au début décembre. Il descend seulement à la ville une fois par semaine pour faire des courses.

Au moment de rentrer ce jour-là, il rencontre un employé des postes. Un courrier d’Amérique du Sud vient d’arriver pour lui. Sur le chemin du bureau, il entre dans une boutique, croise des connaissances, s’arrête boire un verre. Au bout du compte, il quitte la petite ville une heure plus tard que prévu.

Les premiers flocons de neige apparaissent alors qu’il prend la route. Il n’y a pas grand risque, son chalet n’est qu’à une douzaine de kilomètres. Pourtant le temps change vite en cette saison, les flocons s’épaississent, une bourrasque se lève. En quelques minutes c’est une tempête de neige, bientôt un véritable blizzard.

Dans un des derniers virages avant le chalet, la voiture dérape, fait un tête à queue et plonge dans le vide. Le lendemain, on découvre son cadavre et dans ses affaires, cette lettre :

Cher Jacques, Tu dois être étonné de recevoir aujourd’hui de mes nouvelles après tant d’années de silence et mon brusque départ il y a sept ans. Je pense, qu’après avoir lu cette lettre, tu en comprendras mieux les raisons.

Tu n’as pas oublié, j’en suis sûr, “ nos jeunes années ”. On écrivait tous les deux, surtout des contes fantastiques, c’était notre passion. Ton écriture a évolué, tu as connu le succès, je t’en félicite.

Quant à moi, il en a été tout autrement. J’ai été, tu t’en souviens, accablé de malheurs. Hélène que j’aimais, a disparu. J’ai perdu de nombreux amis.  Ennuis matériels et revers de fortune se sont succédé, jusqu’à ce jour – quel terrible jour, je me demande encore comment j’y ai survécu – où j’ai compris que toutes ces catastrophes étaient écrites à l’avance dans mes propres contes. J’avais donc sans le vouloir le pouvoir d’anticiper les événements, de les prévoir, alors qu’en laissant aller mon imagination, je croyais seulement écrire des fictions. Or c’était à mes dépens ou à ceux de mes proches.

J’ai longuement réfléchi, tourné le problème dans tous les sens, et pris une décision, ou plutôt deux pour faire cesser cet enchaînement implacable. D’abord brûler tous mes écrits et ne plus jamais écrire une seule ligne. Ensuite – je ne sais pas laquelle des deux résolutions a été la plus difficile à prendre, voilà sans doute pourquoi j’ai pris les deux en même temps – partir sans laisser d’adresse, changer complètement de vie, ne plus jamais revoir mon entourage. C’était terrible, mais je ne pouvais plus supporter de semer la mort et les catastrophes autour de moi.

J’ai donc refait ma vie, comme on dit, loin d’ici. Ce fut très difficile au début comme tu peux l’imaginer, puis un jour chassant l’autre… Aujourd’hui je ne me plains pas, je crois avoir trouvé un nouvel équilibre, et puis surtout le remède a été efficace, plus rien ne m’est arrivé, en tout cas que je n’ai anticipé dans mes contes. Ainsi peu à peu, j’ai repris confiance dans l’existence. Même si plus d’une fois, l’envie m’en a pris, j’ai tenu bon, et n’ai plus rien écrit depuis mon départ de France. On n’est jamais trop prudent.

Il m’arrive aujourd’hui de trouver tout cela ridicule, de me demander si ce n’est pas un mauvais rêve. Pourtant, peut-être ne l’as-tu pas oublié, mon imagination était foisonnante à l’époque. Je me demande où j’allais chercher tout ça ! Comme ce conte où j’imaginais les destins croisés de deux amis écrivains. L’un connaissait le succès, l’autre pas. Ce dernier, inconsciemment, provoquait par une série de hasards la mort de l’autre. Où va se nicher l’imagination ?

Ce passé est révolu maintenant, j’ai fait une croix dessus, et c’est bien sûr un grand soulagement. Voilà pourquoi je me suis permis de reprendre contact avec toi. J’espère que cette lettre te trouvera en bonne santé et que nous aurons l’occasion peut-être de nous revoir un jour prochain, si tu le souhaites bien sûr…

Ton dévoué

 

Raymond Alcovère, nouvelle parue dans la revue L'encrier n°46, juin 1995

Orozco, la DS, 1993

dimanche, 19 novembre 2006

Une nouvelle inédite de Eric Dejaeger

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