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jeudi, 27 mai 2021

Un faux air de Turc en négligé

pieters.jpgJe voudrais donner ici une physionomie de ces réunions du dimanche. Mais c'est bien difficile, car on y parlait souvent une langue grasse, condamnée en France depuis le XVIe siècle. Flaubert, qui portait l'hiver une calotte et une douillette de curé,s'était fait faire pour l'été une vaste culotte rayée, blanche et rouge, et une sorte de tunique qui lui donnait un faux air de Turc en négligé.
Emile Zola, "Gustave Flaubert" Les Romanciers naturalistes
Tableau signé « V. Pieters » à mi-hauteur à gauche et daté 1856.
Acheté à New York puis vendu aux enchères en France en 2003, sous le titre « Flaubert en oriental ».
Victor Pieters (1813-1894) est un peintre et photographe établi à Rouen à partir de 1845 : à cette date, il habite 16 rue Lecat (Almanach de Rouen). Il était donc voisin de la famille Flaubert. La ville de Bolbec (Seine-Maritime), où Pieters résida de 1840 à 1844, possède trois tableaux de ce peintre.

dimanche, 20 janvier 2013

Ronde, elle n’est jamais sphérique

cezanne_pommes_l.jpg
Étonnante amitié entre Cézanne et Zola, nouée dans l’enfance. Zola a pressenti le génie de Cézanne, il l’a encouragé, poussé à persévérer. Puis comme s’il avait reconnu en lui sa part maudite, ses doutes, sa difficulté à créer, il ne l’a plus supporté.

Il le tue symboliquement dans L’Œuvre, ce roman qui provoquera la rupture, où Cézanne découvre son portrait déformé. Après avoir lu le livre, il écrit sa dernière lettre à Zola et termine par ses mots : Tout à toi sous l’impulsion des temps écoulés. La vie de l’écrivain était devenue de plus en plus publique, celle du peintre retirée. Au début, c’était le contraire.

Tout avait commencé avec les pommes. Zola adolescent chétif, renfermé, italien par son père et parisien par son accent, est mal accepté ; il est mis en quarantaine par les autres. Un jour, Cézanne, plutôt solide, bien dans son corps et de deux ans son aîné, transgresse l’interdit : “ Je ne pouvais m’empêcher de lui parler quand même ”. Il reçoit une raclée de toute la cour, petits et grands. Le lendemain, pour le remercier, Zola lui offre un plateau de pommes. Lesquelles reviendront constamment dans sa peinture. Leur amitié venait de naître, elle ne cesserait pas. Malgré la rupture, l’éloignement, quand il apprendra sa mort, bien des années plus tard, Cézanne, fou de douleur, s’enfermera dans sa chambre.

Toute sa vie il peindra des pommes. La pomme, cet objet idéal pour qui veut régler simultanément par la modulation les problèmes du volume, de l’espace, de la lumière et de la couleur, a écrit Jean Arrouye ; ronde, elle n’est jamais sphérique.

Raymond Alcovère, extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, n&b éditions, 2007

samedi, 23 mai 2009

le plus vraiment peintre du siècle

Gustave_Courbet_(1819-1877)_-_Poor_Woman_of_the_Village.jpgPuis, l’autre est venu, un rude ouvrier, le plus vraiment peintre du siècle, et d’un métier absolument classique, ce que pas un de ces crétins n’a senti. Ils ont hurlé, parbleu! Ils ont crié à la profanation, au réalisme, lorsque ce fameux réalisme n’était guère que dans les sujets ; tandis que la vision restait celle des vieux maîtres et que la facture reprenait et continuait les beaux morceaux de nos musées…

Zola, L'Oeuvre, sur Gustave Courbet

Gustave Courbet, La pauvre femme du village

vendredi, 15 février 2008

Les faits auront parlé pour moi (Une lettre imaginaire d’Emile Zola)

9a548936ce8e4c1fe594b61d36019911.jpgMa vie a été je crois, pleine et entière. Une force m’a poussé sans cesse vers l’action, vers la poursuite d’un monde meilleur. Très tôt j’ai découvert que je possédais une arme, c’était ma plume, et j’ai décidé de m’en servir. Que de combats et de luttes ! Quand je regarde en arrière je me demande bien sûr si tout cela a servi à quelque chose, mais quand on a vu la souffrance des hommes, on a observé sans relâche les ressorts réels de la société, peut-on rester inactif, silencieux ? En ce qui me concerne, je n’ai pas pu et j’ai utilisé tout ce qui était en mon pouvoir pour y arriver, pour y contribuer en tout cas. Je ne suis pas sûr que tous mes choix aient été les bons. Au nom de ce combat et au nom de tout ce qui fait une vie d’homme, j’ai commis des erreurs, je le sais. Je pense à toi Paul, à notre amitié plus forte que tout et pourtant… A un moment un océan nous a séparés. Il y avait tous les espoirs que nous portions, nos jeunes années. Aussi, n’ai-je pas compris tes doutes, tes renoncements, au moment où j’étais engagé dans cette lutte si difficile. C’était le contraire de mes choix et je crois avoir mûrement réfléchi en écrivant ce livre. Nous chemins se sont séparés. Les miens ont été semés d’embûches, ta vie sans doute plus apaisée. Pourtant je ne regrette rien. Je crois que les faits auront parlé pour moi.

 

 

Raymond Alcovère (inédit)