jeudi, 31 août 2023
L'espace s'est ouvert
Je reviens du Lido, mer déchaînée, ciel gris vert, écume bondissante, pêcheurs luttant contre la lame. Il soufflait un vent de folie sur la lagune, tout était mouvement. Là se dévoile l’écriture penchée des nuages. J’ai atteint à cet instant le bonheur parfait. Rien de fixe, de figé, la nature rendue à sa vérité première, toujours croître et renouveler ce qu’elle a créé. L’orage éclaire, explose les repères, le savoir mûrement acquis en une épiphanie. Déchaînement de forces, de désirs. Tout ce que l’on devinait, craignait ou espérait éclate. Le zigzag des éclairs, le grand remuement des vagues, tout est lumière qui vient d’en haut et pénètre en nous. L’univers est une danse, une transe ; je suis alors en pleine sympathie avec ma nature.
J’aime me promener dans la lagune, matière informe, ni mer, ni terre, sable, étangs, eaux poissonneuses, sel, friselis de vent mêlés et gris perlé, elle capte toutes les couleurs du monde et les rend plus douces, plus nobles, avec au printemps ces marées de coquelicots entourées de fusains dans le labyrinthe des canaux. Les fleurs s’appellent les unes les autres, se répondent. Tout se lie et se retourne dans un feu d’artifices carmin, un tournoiement d’étincelles. Je caresse la lumière du soir sur une branche de cerisier. Je suis la substance colorée de la nature. Au loin, la couronne des Dolomites, puissante et apaisée. Puis en lueurs ombrées, la nuit se dissimule avant d’éclater enfin et échancrer la terre. Les convulsions du monde s’estompent. Je fais l’amour avec la nuit ; elle me livre ses secrets ; je bascule dans un autre monde, plus pur, plus vaste, plus vrai.
Photo de Maurizio Raffa
19:09 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles
mercredi, 30 août 2023
Une page de Vialatte
L’homme date d’une si lointaine époque qu’il est affreusement fatigué.
L’appendicite, les guerres mondiales, le souci d’une nombreuse famille lui ont fait les idées floues et le genou hésitant.
Il a tellement poussé de brouettes sur les routes gluantes de l’automne qu’il en garde les reins courbés (car il a la manie d’attendre toujours l’automne pour ramasser les feuilles mortes des squares au pied de la statue de Blaise Pascal ou de Marguerite de Navarre, parfois même de Charles le Simple).
Il y a aussi tous ces paniers de terre qu’il lui faut remonter dans les Alpes où les jardins sont en terrasses, un peu moins larges qu’un trottoir, au flanc des falaises verticales ; et dans les vignobles du Rhin qui sont bâtis en escaliers ; les suisses aussi, d’ailleurs (c’est une idée gothique).
On ne saurait y cueillir une grappe où une laitue qui ne représente une centaine de petits paniers remontés à bras par un soleil de plomb sur des falaises vertigineuses. Successivement. Et redescendus ! C’est un va-et-vient incessant. Pour une laitue chétive ou une grappe comme trois billes, qui donne un vin acide et rêche comme du sapin mal raboté.
Sans compter les casseroles en cuivre. Quel homme que l’homme ! Il a fallu qu’il invente ça ! Toutes ces casseroles à astiquer.
Etonnez-vous de son épuisement. On voit par là qu’il ne meurt pas, il se tue.
S’il ne se tue pas, il meurt quand même.
Son sort est triste.
Heureusement, un rien l’en distrait.
(L’allegretto de la Septième - La Montagne – 12 juillet 1960)
11:11 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre vialatte
Bonne rentrée !
Photo de Maurizio Raffa
10:58 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maurizio raffa
Paul Delvaux, Tram Nocturne Ou Champs Perdus, 1950
09:56 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul delvaux
mardi, 22 août 2023
Ici, la mer fait l’amour avec la terre
19:11 Publié dans Le Bonheur est un drôle de serpent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le bonheur est un drôle de serpent
Balzac par Picasso
Portrait of Balzac I (Portrait de Balzac I) (plate, folio 9) from balzacs en bas de casse et picassos sans majuscule, 1952, published 1957
09:06 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balzac, picasso
dimanche, 20 août 2023
Écriture penchée des nuages
Je voudrais être au plus près du monde mais il m’échappe toujours.
Une ombre de banyan s’étend mollement sur la mer.
Tout est entré dans le ciel.
La nuit est musicale, heureusement.
On y lit la portée du jour, nervures, entrelacs, déchirures, reconquêtes, fractures, apaisement.
Les bateaux sont des libellules d’eau.
Le navire décrit une courbe pour éviter les îles qui avancent, promontoires menaçants.
Je vois les reflets d’une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil.
François-René, ta langue est un paroxysme, cet océan aussi le tien.
La sirène du steamer mugit.
La fumée s’échappe à gros bouillons et rejoint les nuages, effacées leurs traces.
Le sillon se dévide dans une infinie lenteur.
L’horizon s’enflamme de jets saccadés, monstrueux, barbaresques.
Le ciel est une lutte, un amas de lances, un combat fratricide.
Ainsi le ciel.
De grandes orgues joufflues gonflées de nuit.
Une symphonie du nouveau monde.
Lumière plombagine.
Les éclairs ouvrent des plaies, un écrin d’enluminures.
Reflets zinzolins de l’aurore, devant.
A un moment il ne reste que la fuite, se dissimuler.
Fixer des silences, des pauses, masquer le tumulte, l’arrogance, la brutalité du monde.
Pluie incessante et chaude.
Écriture penchée des nuages.
Flaques grises dans les sous-bois de la nuit.
Des arbres si hauts qu’on en décèle à peine la hauteur.
Les bruits émeraude parviennent étouffés.
La chouette est seule dans le silence à ignorer l’obscur.
Pour elle l’univers brille d’une étrange lumière, argentée, déployée par une main invisible mais partout présente, l’or du temps.
Ce n’est pas un départ, mais une suite.
Présence, présence seule.
Tisser les mots, le silence et les notes de la pluie.
Tisser tout fragment de l’univers.
Raymond Alcovère, extrait de "L'aube a un goût de cerise", N&B éditions, 2010
Photo de Daniel Boyd
15:30 Publié dans L'Aube a un goût de cerise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'aube a un goût de cerise, daniel boyd
Picasso, portrait of D. M., 1943
09:59 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : picasso
samedi, 19 août 2023
Edvard Munch La Seine à Saint-Cloud, 1890
09:58 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : munch
Alphonse Mucha, étude de draperie
09:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mucha
jeudi, 17 août 2023
...
01:01 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 15 août 2023
la peinture est la chair du monde
10:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 13 août 2023
Berthe Morisot, la divine, par Édouard Manet
15:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : berthe morisot, edouard manet
samedi, 12 août 2023
Édouard Manet
20:45 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : edouard manet
"Portrait d'un jeune paysan", Vincent Van Gogh, 1889
20:43 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : van gogh
mercredi, 09 août 2023
Le lieu et la formule
"J'avais en effet, en toute sincérité d'esprit, pris l'engagement de le rendre à son état primitif de fils du soleil, - et nous errions, nourris du vin des cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule."
Rimbaud
10:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 05 août 2023
Le Guépard (1963) Luchino Visconti. Claudia Cardinale.
19:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claudia cardinale, luchino visconti
vendredi, 04 août 2023
Léon-Paul Fargue à propos de Saint-Exupéry
« Son visage était complet : à la fois sourire enfantin et sérieux du savant ; héroïsme discret et fantaisie spontanée ; beauté de l’œil et souplesse du corps ; compétence en technique, en sport, en poésie, en politique, en morale, en camaraderie, en élégance d’âme. C’était toujours un événement que de lui serrer la main. On l’apercevait, on l’abordait, on s’emplissait d’idées nouvelles, de sentiments purs, et l’on était heureux. »
14:48 Publié dans Histoire littéraire, illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léon-paul fargue, saint-exupéry