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lundi, 16 juillet 2007

La Valise (suite)

Rappel de l’épisode précédent :
C’est donc le 25 juillet, un mercredi, que Pierre Autin-Grenier sera l’invité de PLN et du CLL (pour la signification des sigles, voir l’épisode précédent).

Depuis notre premier envoi, nous avons peaufiné le programme :
11h, accueil, quelques lectures, apéritif
La Salle des Fêtes sera ouverte jusqu’à la reprise à 17h : expos et rencontres informelles, thé à la menthe.
17h, Entretien avec Pierre Autin-Grenier : présentation, débat, lectures. Un temps pour découvrir l’¦uvre et l’homme…
19h, Repas-buffet préparé par le Comité de Lecture et de Loisirs.
20h30, soirée lectures et musique avec Tony Yates, blues acoustique, chant et guitare.

Comme dans toutes les journées littéraires de PLN, une grande part est réservée aux livres. C’est la librairie Mots et Cie de Carcassonne qui vous concocte une chouette sélection, avec bien sûr, la plupart des livres de Pierre Autin-Grenier.
Brèves présentera son dernier numéro qui comprend entre autres nouvelles, trois textes de Pierre et un court entretien.
Et comme dans toutes des animations du CLL, une grande part est réservée à la convivialité et au temps de se parler…

Après notre premier mail,
Vous avez été très peu nombreux à dire que vous ne viendriez pas. Merci.
Vous avez été tout aussi peu nombreux à dire que vous viendriez. Tout espoir est donc permis. MAIS, s’il vous plait, inscrivez-vous pour le repas buffet de 19h.
Vous avez été 1 personne à demander combien ça coûte. Ce qui est une bonne question. Voici la réponse : seul le repas buffet de 19h est payant. Prix tout compris, 10 euros, demi-tarif pour les ados (pourtant, qu’est-ce qu’ils bouffent !), et gratuit pour les petits.
Les livres sont payants à la librairie, prix unique imprimé au dos selon la loi Lang, profitons-en tant qu’elle est encore en cours.
Si vous habitez loin, contactez-nous pour les questions d’hébergements.

(La Valise – 2e épisode)   Tout en écoutant Anne-Lise discourir de choses et d'autres, il songeait à Vincent qui avait passé plus de vingt ans de sa vie avec pour toute richesse ses deux valises, déménageant sans cesse d'un cabanon de planches pour une grange en ruine, dormant le plus souvent à la belle étoile, vagabondant sur tous les chemins du monde nez au vent, et qui avait fini par devenir secrétaire d'Etat au Logement dans un gouvernement de transition. Entreposées au pied du grand escalier, dans le hall d'entrée de son château de Lagnes, en Vaucluse, les deux valises bien fatiguées étaient encore là cependant, voulant signifier que rien, jamais, n'est définitif et que vivre c'est toujours tenter de nouvelles aventures. Voilà du moins ce que se plaisait à répéter Vincent à tous ses visiteurs, qu'ils fussent ministres plénipotentiaires ou simples colporteurs d'anecdotes préfabriquées.     Comme il aurait aimé que Vincent fût là, en ce moment ! Il aurait deviné de suite, lui, ce que contenait vraiment la mystérieuse valise… Hélas ! était-il temps d'encore rêver, assis de la sorte sur une bombe ! S'imposait plutôt l'urgence d'habilement cuisiner Anne-Lise – avant que tout ne saute ! – et non point de s'abandonner à de fumeuses digressions, dissimulant ainsi un danger qu'il pressentait de plus en plus certain. Quoique très tendu il affecta un air faussement candide :   "Tu crois que l'accident d'avion d'hier est dû à l'explosion d'un engin piégé ?   - Je pense bien ! (Elle jubilait, se réjouissant manifestement du massacre.) D'ailleurs tous les passagers étaient crapules et coquins ; il y avait même le consul général de Patagonie, tu parles !… Ce n'est que justice après tout !" ajouta-t-elle au comble de l'exaltation.   Intérieurement, il s'effondra. Ainsi venait-il de succomber aux sortilèges d'une redoutable terroriste. Médusé mais amoureux quand même, il la dévisageait maintenant, immobile et bouche bée, comme au travers d'un merveilleux brouillard… Anne-Lise s'envolait déjà d'un rire léger dans le bleu du ciel, lorsque lui prenant la main, mi-tendre, mi-amusée, elle murmura :   "Tu sais, il n'y a pas de marmite infernale dans ma valise. Sois tranquille."   Il rit avec elle, de bon cœur et en partie rassuré.   N'empêche qu'au sortir du bistrot, saisissant à nouveau l'impossible bagage, il n'en savait pas davantage sur son contenu… Un petit hôtel n'était pas loin où ils avaient décidé d'aller un instant parler d'éternité et d'inutile, entre un papier peint passé de ton et des rideaux éteints, rien que tous les deux. "Tous les trois!" avait aussitôt protesté Anne-Lise, désignant du doigt la valise. Le jeune groom qui les guidait par un escalier à hautes marches et rampe de fer jusqu'à la chambre numéro 9 avait blêmi sous la charge ; au dernier palier il les toisa du regard inquisiteur d'un président de cour d'assises. Un bakchich de sultan vint opportunément réduire au silence ses fiers scrupules.   Oui, ce qui le fit frémir derechef ce fut cet air résolu avec lequel, la porte à peine refermée, Anne-Lise avait installé illico l'énorme valise au pied du lit, à même la courtepointe de coton piqué. Il questionna d'un œil d'amant chagrin, elle répondit par un sourire de Joconde équivoque. Mannequin chez Saint Laurent, la frêle enfant avait cependant soulevé le fardeau avec une facilité déconcertante, puis l'avait expédié sur le lit d'un air tout aussi dégagé. Une plume ! Il fallait porter et jalousement protéger un bien terrible secret, en redouter par-dessus tout l'horrible révélation, et dans l'angoisse et dans la peur aller puiser une force quasi-surnaturelle, pour accomplir avec aisance un tel exploit !… Anne-Lise maintenant demi-nue, ses petits seins têtus dans la pénombre complice offerts, il fut pris soudain du violent désir d'ouvrir enfin cette damnée valise, en finir pour de bon avec le sinistre pressentiment qui peu à peu l'envahissait, progressivement le paralysait.   Comment chasser de son esprit le souvenir de cette photographie à la une d'un magazine aperçue et qui montrait, sur papier glacé, le corps d'un nain en mille morceaux coupé, sous le titre : "La malle sanglante" ? De manière impérieuse s'imposait à lui l'idée qu'il venait sans doute de promener par les rues de la ville, des heures durant, le cadavre abominablement mutilé d'un amant déchu, de quelque apprenti sous-préfet assassiné pour la cause, peut-être celui, plus atroce encore, d'un père répudié. Le bonhomme, présentement au pied du lit, participait à leurs ébats !… D'une main tremblante il effleura son frais visage, elle lui offrit à nouveau sa bouche, il lui sembla qu'elle le fixait, tout d'un coup, avec comme des fleurs carnivores au fond des yeux…   (à suivre…)

Pierre Autin-Grenier (inédit)