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jeudi, 05 juillet 2007

La valise

233088b6aa8b1314046e3f872700ab93.jpgLe Comité de lecture et de Loisirs et Pour La Nouvelle vous invite à une journée littéraire bien remplie, avec l’écrivain Pierre  Autin-Grenier Le 25 juillet à Villelongue d’Aude de 11h du matin à  tard dans la nuit… Temps forts : 11h, 17h, 19h, 20h30…  Des lectures, des expos, des débats, des conversations, des apéros,  des thés à la menthe et bien sûr un repas partagé (où il faut  s’inscrire), de la musique, de la bonne humeur et de la littérature… Pour que l’on vous accueille bien, prévenez de votre présence  par mail (editions@atelierdugue.com) ou au 04 68 69 50 30.

Et pour commencer,  en pièce jointe un feuilleton… 

 

La Valise

 

Croisant Anne-Lise il tomba amoureux et s'offrit par conséquent à porter sa valise. Hélas elle était lourde. Démesurément.

 

D'aussi terribles valises, il en avait pourtant trimballé, jadis, l'enfant pleurnicheur et nu qui pour la première fois entrait, désemparé, au pensionnat. Par les rues désertes de la ville traînant la patte, seul au beau milieu du pathétique désordre des pavés disjoints, il s'en allait alors, contraint et forcé, livrer aux maîtres d'internat à tonsures et rabats les derniers lambeaux de son enfance. Dans les poches du pantalon mal raccommodé : de la petite ficelle pour se pendre, et dans les pitoyables bagages de carton, entre chandails usagés et chaussettes de grosse laine vingt fois ravaudées, livres et cahiers écornés : le poids de toute la misère du monde. Cet animal blessé qu'on tirait par le col vers la saleté des abattoirs, aujourd'hui encore sans cesse se débattait au fond de sa mémoire. Lui avait-on assez appris à se méfier de tout, ne croire en rien, toujours se tenir sur ses gardes !… Pour l'heure cependant, la valise aux souvenirs à bout de bras et la jeunesse d'Anne-Lise à ses côtés, la question était de savoir s'il irait ainsi plus loin que milieu du ciel ou si faire halte de suite à la terrasse du "Grand Café" ne serait pas plus évident.

 

24550577845e8c72002c9cd197f534f9.jpgElle avait commandé une vodka polonaise, lui un pinot gris. Elle avait surtout insisté pour que la valise reste au plus près du guéridon, collée contre sa jambe. Il avait trouvé cette précaution extrême un tantinet comique. Ils avaient ensuite parlé de ce dont on parle lorsqu'on devrait se connaître depuis dix ans déjà et que l'on se rencontre pour la première fois. Des exercices d'admiration de Cioran aux vitrines des libraires cette semaine-là, d'un accident d'avion survenu la veille, de leur penchant commun pour le confit de canard. Puis il avait commandé un quatrième pinot gris ; elle avait finalement accepté une seconde vodka polonaise. En somme rien que de très ordinaire, n'est ce pas….

 

Non, ce qui l'intriguait par-dessus tout, voyez-vous, c'était cette espèce de tic ridicule de toujours surveiller sa valise. Entre chaque mot, elle jetait un bref coup d'œil sur l'encombrant bagage cloué à ses pieds, comme si le monstrueux fardeau menaçait d'envol. Bon courage, pensait-il, à l'ingénu brigand qui projetterait de déraciner à la va-vite une telle charge pour s'en en emparer ! Sûr, il n'irait pas loin !… Mais quand même : que pouvait bien renfermer de si précieux cette valise pour justifier pareille vigilance ? Anne-Lise tremblait-elle qu'on ne lui dérobe quelques broderies aux ajours audacieux, certains dessous de dentelle à l'aiguille, point d'Alençon, guipure du Puy ? Et par quelle magie, madame, ces frivolités feraient-elles la tonne ?! A vrai dire, comme tous les pauvres gens qu'on voit par les rues traîner sans fin d'énormes valises de cuir bouilli, elle aussi charriait sans doute là-dedans mille rêves avortés, des bateaux sombrant à quai, cent ans d'enfance pataugeant en galoches dans du sang de vache et bien d'autres révoltes, cris d'émeute, qui venaient de plus loin encore, raz-de-marée menaçants et lourds jusqu'à l'inavouable !… Une pointe de panique soudain lui transperça le cœur : et s'il y avait réellement une bombe, là, sous cette table, dans la valise ?…

Pierre Autin-Grenier (inédit)

Photos de Gildas Pasquet

 

(à suivre…)

 

Commentaires

ça va, Lise?

je n'ai pas pu m'en empêcher...

Écrit par : Va Bene | jeudi, 05 juillet 2007

Intéressant ce feuilleton, on va le suivre. Bises.

Écrit par : ariaga | vendredi, 06 juillet 2007

À quand la suite, mon bon Ray ?

Écrit par : Éric | vendredi, 06 juillet 2007

Ask my agent ! (son altesse sérénissime et académicienne...)

Écrit par : Ray | vendredi, 06 juillet 2007

Les commentaires sont fermés.