mercredi, 08 février 2006
Les routes
Les routes étaient encore blanches en ce temps-là, blanches et sensibles au moindre souffle. Dès qu'un peu de vent se levait, on les voyait de loin se mettre debout et courir le long d'elles-mêmes. Puis retomber, puis se dresser de nouveau; et tantôt, dans leurs longs voiles transparents, elles venaient à votre rencontre, tantôt elles fuyaient devant vous.
Ramuz, extrait de "La découverte du monde"
Cézanne, La route tournante, 1881
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lundi, 06 février 2006
Le Larzac
Dénudé à la face du ciel, le Larzac est un château d'eau. Mais pour les autres. Une eau qui va vers les vallées, sur ses flancs. Et qui en nourrit les rivières. Alors qu'il reste assoiffé tout l'été.
Max Rouquette
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dimanche, 05 février 2006
Vignoble de Berlou, terre de schiste
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L'hostal del poëta, chambres d'hôtes
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vendredi, 30 décembre 2005
La nuit montait du sol comme une nappe d'encre
La nuit montait du sol comme une nappe d'encre, pas une lumière, le noir des murs plus profond encore que le noir des prés. Un vent à décorner les boeufs ; mes poings gelaient au fond des poches. Alabar ne m'a pas suivi longtemps : ce rien ne lui disait rien qui vaille. Il a fait demi-tour et gratté à la porte qui s'est ouverte aussitôt. Je cherchais l'ermitage de ce saint Enda dont les disciples ont fondé Saint-Gall et appris aux rustres que nous étions à se signer, dire les grâces, chanter les neumes, enluminer les manuscrits de majuscules ornées ruisselantes d'entrelacs, de griffons, d'aubépines, de licornes. D'après ma carte, cette tanière serait juste deux cents mètres à l'Est sous la maison. Je ne l'ai évidemment pas trouvée ce soir-là — de jour c'est une taupinière basse, moussue, si rudimentaire qu'à côté d'elle, les borries des bergers de Gordes font penser au Palais du facteur Cheval. Mais j'ai vu — mes yeux s'étaient fait à la nuit — une forme pâle, rencognée dans l'angle formé par deux murets. C'était un percheron blanc si énorme et immobile que j'ai d'abord pensé à une gigantesque effigie abandonnée là par quelque Atlantide, ignorée des archéologues, et que les vents d'hiver auraient débarrassée de ses lichens et barnacles pour lui donner ce poli et cette perfection d'opaline.
Journal d'Aran, Nicolas Bouvier, p 31-32
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Clon-mac-noïse, février 1985
«Clon-mac-noïse, février 1985. La rivière se love à fleur des prés couverts de gelée blanche. Elle est bordée de saules et de moutons couchés qui font deviner son cours imprévisible comme il doit l’être : un méandre de plus est ce qu’une rivière peut faire de mieux ; c’est d’ailleurs ce qu’on attend.»
Premières lignes du "Journal d'Aran" de Nicolas Bouvier ; pour une balade inspirée en Irlande...
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samedi, 17 décembre 2005
Le Connemara
L'image récurrente du Connemara est une immense prairie glissant vers la mer. Et tout ce vert est quadrillé d'un réseau de murets, ponctué de moutons... mais pour moi, c'est une route bleutée qui s'enfonce dans le brouillard. Et sur cette route déserte, le silence et la solitude sont nécessairement estampillés d'une silhouette lointaine plus sombre que la tourbe, celle d'un homme à pied qui va dans la direction de nulle part. L'homme du Connemara est brun noir et vert criard, avec du gris au-dessus de la tête, par endroits tachetés de bleu transparent. Le bout du monde est aussi le bout de nous-même. C'est le pays des légendes, donc celui des origines.
Gil Jouanard; Connemara, pays de l'imaginaire, éditions du Laquet
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dimanche, 27 novembre 2005
Je vous écris du bout du monde
"Je vous écris du bout du monde. Il faut que vous le sachiez. Souvent les arbres tremblent. On recueille les feuilles. Elles ont un nombre fou de nervures. Mais à quoi bon? Plus rien entre elles et l'arbre, et nous nous dispersons gênés. On ne voit rien, que ce qu'il importe si peu de voir. Rien, et cependant on tremble : Pourquoi ? "
Henri Michaux, Lointain intérieur
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vendredi, 29 juillet 2005
Errer humanum est
Un droit que bien peu d’intellectuels se soucient de revendiquer, c’est le droit à l’errance, au vagabondage.
Et pourtant, le vagabondage, c’est l’affranchissement, et la vie le long des routes, c’est la liberté !
Rompre un jour bravement toutes les entraves dont la vie moderne et la faiblesse de notre cœur, sous prétexte de liberté, ont changé notre geste, s’armer du bâton et de la besace symboliques, et s’en aller !
Pour qui connaît la valeur et aussi la délectable saveur de la solitaire liberté (car on n’est libre que tant qu’on est seul), l’acte de s’en aller est le plus courageux et le plus beau.
Egoïste bonheur, peut-être. Mais c’est le bonheur, pour qui sait le goûter.
Etre seul, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et chez soi partout, et marcher, solitaire et grand à la conquête du monde.
Isabelle Eberhardt
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