jeudi, 12 juin 2008
Le tigre est la terreur des forêts
- Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici.
Le tigre s’étonne de ce discours et le renard poursuit :
- Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint.
Le renard se met donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontrent fuient à leur approche. Le tigre croit alors les paroles du renard, sans comprendre que c’est lui-même que tous craignent.
Cette fable illustre Le stratagème " Orner de fleurs un arbre sec " dans le recueil "Les 36 stratagèmes" (Traduit du chinois et commenté par François Kircher. Rivages poches. Petite bibliothèque).09:48 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, stratagèmes, tigre, bona mangangu
mercredi, 23 avril 2008
Le bleu des pins fraîchit
"A la couleur du soleil, le bleu des pins fraîchit."
Wang Wei
Paul Cézanne. Grand Pin et Terres rouges.
1890-1895. Musée de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg).
01:36 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, poésie, wang wei, cézanne
Au moins mille années
"Qui boit tous les jours à la Source d'or vivra au moins mille années"
Wang Wei
01:17 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chine, poésie, wang wei, source d'or
mardi, 29 janvier 2008
Les 36 Stratagèmes
Les stratagèmes, comme les arts martiaux, sont des procédés qui permettent avec la plus grande économie de moyens, d’inverser les relations de dominé à dominant, soit en profitant de la faiblesse momentanée de l’adversaire et de l’équilibre instable dans lequel il se trouve, soit en le trompant de mille façons. Ces ruses impliquent une notion dynamique du temps et de l’espace, elles supposent l’idée de situations, de configurations transitoires dont il faut savoir tirer parti au moment opportun.
La première étape du jeu est donc un moment de calcul et de patience qui permet, quand la situation est mûre, de tirer parti du point tournant qu’on appelle “ occasion ”. L’occasion est la rencontre du destin et de l’homme, et l’instant où se décident victoire ou défaite. Le stratagème en effet, vient s’insérer là où la situation l’appelle, il est pareil à un pivot qui permet, grâce à une légère poussée, de renverser le rapport de forces précédent.
La victoire par le moyen du stratagème est, pour la tradition chinoise, la façon de vaincre la plus admirée. La victoire par la force des armes n’occupe que le troisième rang, celle par la diplomatie le deuxième. La pensée chinoise est avant tout pragmatique, les livres de stratégies fourmillent d’exemples, et tous ne sont pas tirés de l’histoire de la Chine. François Kircher illustre sa traduction des 36 stratagèmes d’événements récents.
Ainsi le stratagème “ Retirer les bûches sous la marmite ” : Ne pas s’opposer directement à la force, mais lui retirer son point d’appui, fut utilisé avec succès par Valéry Giscard d’Estaing lors du débat télévisé qui l’opposa à François Mitterand à la veille du second tour des élections présidentielles de 1974. La meilleure carte de Mitterand tenait à la sensibilité de gauche qu’il incarnait avec autorité. Après un échange portant sur diverses questions économiques et financières où Giscard démontra sa dextérité, celui-ci ajusta une réplique qui retira en un seul coup le point d’appui principal de son adversaire : Monsieur, vous n’avez pas le monopole du cœur !
Sept ans plus tard, renversement de situation. François Mitterrand utilise le stratagème : “ Sacrifier le prunier pour sauver le pêcher ” , qui consiste à neutraliser les atouts d’un ennemi en utilisant les faiblesses spécifiques de son propre camp. Giscard d’Estaing, jouissant de son avantage en matière de connaissances économiques et financières, qui était justement le point faible de son adversaire, l’attire sur ce terrain. Mais il en fait trop, et délaissant le cours normal du débat, il pose crûment une question sans rapport avec le fil des échanges précédents. Dans le seul but de démontrer l’incompétence économique de son interlocuteur, il lui demande de citer de mémoire le cours d’une devise étrangère. Mitterrand saisit immédiatement le faux pas, rappelant à son concurrent qu’ils n’étaient pas en situation d’un professeur qui fait passer à un examen à son élève. La carte la plus faible de Mitterrand avait ainsi joué en sa faveur, mettant en relief, par contre, la plus mauvaise carte de son interlocuteur, auquel l’opinion avait tendance à reprocher son assurance excessive et sa suffisance.
L’origine de Noël est une illustration du stratagème “ Redonner vie à un cadavre ” : La célébration du Nouvel An est une coutume fort ancienne. Les Romains fêtaient les Saturnales en l’honneur de Saturne, dieu des semailles, entre le 17 et le 23 décembre : c’était la fête la plus gaie de l’année. De même, bien avant la naissance du Christ, les juifs célébraient à la même époque la Fête des lumières. Les peuples germaniques tenaient aussi une grande fête au solstice d’hiver, invocation de la lumière et de la fertilité. Ensuite l’empereur Aurélien instaura le culte du dieu solaire Mithra, déclarant son anniversaire le 25 décembre. L’église chrétienne du pape Libère (352-366) fit donc preuve d’une grande habileté en reprenant à son compte, en 354, l’anniversaire de Mithra pour désigner le 25 décembre comme jour anniversaire de la naissance de Jésus-Christ.
Dans le stratagème “ Refermer la porte de la maison sur les voleurs ” on trouve le conseil suivant : Tout phénomène est au début un germe, puis finit par devenir une réalité que chacun peut constater. Le sage pense donc le long terme. C’est pourquoi il a grand soin de s’occuper des germes. La plupart des hommes ont la vue courte. Ils attendent que le problème soit devenu évident pour s’y attaquer. Quand il est encore en germe, le problème est simple, sa solution exige peu d’efforts et apporte de grands résultats. Quand il est devenu évident, on s’épuise à le résoudre et, en général, les efforts sont vains. Le stratagème “ Orner de fleurs un arbre sec ” est un grand classique ; c’est une fable qui l’illustre le mieux : Le tigre est la terreur des forêts. Un jour un renard tomba entre ses griffes. Avec aplomb il dit au tigre : - Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici. Le tigre s’étonna de ce discours et le renard poursuivit : - Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint. Le renard se mit donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontraient fuyaient à leur approche. Le tigre crut alors les paroles du renard, sans comprendre que c’était lui-même que tous craignaient.
Le stratagème de la ville vide est un des plus complexes. Les leurres peuvent être de 4 espèces. Les deux premiers sont relativement simples. Là où il y a une faiblesse, créer l’illusion d’une force afin que l’adversaire n’ose pas attaquer. Là où il y a une force, créer l’illusion d’une faiblesse afin d’attirer l’adversaire dans un piège. Les deux autres sont moins simples : Si on est faible, il faut montrer sa faiblesse pour que l’adversaire croit qu’on dissimule une force. Si on est fort, on fait étalage de sa force pour amener l’adversaire à s’avancer imprudemment en pensant rencontrer une faiblesse. Jeu du plein et du vide, règne de l’illusion, les règles de la stratégie sont chaque fois différentes. On est ici au cœur de la différence chinoise : Les stratagèmes sont un art du temps. Or, ont coutume de dire les taoïstes, il n’y a qu’une seule chose stable, c’est le changement.
(Raymond Alcovère, Article paru dans la revue L'instant du monde n°3)
Source principale : Les 36 Stratagèmes, traduit du chinois et commenté par François Kircher, Rivages poche, petite bibliothèque.
Illustrations : Les deux premières sont des oeuvres de Wang Wei. Les "Iris bleus" sont une calligraphie de Ge Lin Ni
12:50 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 36 Stratagèmes, Chine, François Kircher, Wang Wei
dimanche, 09 décembre 2007
Shi Tao
« Le monde et moi-même nous nous rencontrons en esprit, et les traces se transforment. »
Shi Tao (Shih T'ao) 1640-1718?
22:05 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Chine, Shi Tao
lundi, 28 mai 2007
Pour le maître parfait...
Pour le maître parfait
Ciel et terre ne durent qu'un matin
Les dix mille temps, un seul instant.
Soleil et lune sont ses fenêtres,
Les huit déserts forment sa cour.
Ses pas ne laissent nulle trace,
Nulle part il ne demeure.
Plafond du ciel, tapis de la terre,
Il suit son bon plaisir.
Son repos : saisir la coupe.
Son mouvement : vider la cruche.
Le vin est son seul travail ;
Il ne sait rien d'autre.
Lieou Ling, 221-300
00:00 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, Chine, Taoisme, Lieou Ling
vendredi, 25 mai 2007
Tao
V. ALLETON : intervention, dans La Sociologie de l'art et de sa vocation interdisciplinaire Médiations Ed. Denoël, 1976
Tao, par Shi Bo
01:37 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Tao, Chine, calligraphie, écriture
lundi, 02 octobre 2006
Les 36 stratagèmes
La première étape du jeu est donc un moment de calcul et de patience qui permet, quand la situation est mûre, de tirer parti du point tournant qu’on appelle “ occasion ”. L’occasion est la rencontre du destin et de l’homme, et l’instant où se décident victoire ou défaite. Le stratagème en effet, vient s’insérer là où la situation l’appelle, il est pareil à un pivot qui permet, grâce à une légère poussée, de renverser le rapport de forces précédent.
La victoire par le moyen du stratagème est, pour la tradition chinoise, la façon de vaincre la plus admirée. La victoire par la force des armes n’occupe que le troisième rang, celle par la diplomatie le deuxième. La pensée chinoise est avant tout pragmatique, les livres de stratégies fourmillent d’exemples, et tous ne sont pas tirés de l’histoire de la Chine. François Kircher illustre sa traduction des 36 stratagèmes d’événements récents.
Ainsi le stratagème “ Retirer les bûches sous la marmite ” : Ne pas s’opposer directement à la force, mais lui retirer son point d’appui, fut utilisé avec succès par Valéry Giscard d’Estaing lors du débat télévisé qui l’opposa à François Mitterand à la veille du second tour des élections présidentielles de 1974. La meilleure carte de Mitterand tenait à la sensibilité de gauche qu’il incarnait avec autorité. Après un échange portant sur diverses questions économiques et financières où Giscard démontra sa dextérité, celui-ci ajusta une réplique qui retira en un seul coup le point d’appui principal de son adversaire : Monsieur, vous n’avez pas le monopole du cœur !
Sept ans plus tard, renversement de situation. François Mitterrand utilise le stratagème : “ Sacrifier le prunier pour sauver le pêcher ” , qui consiste à neutraliser les atouts d’un ennemi en utilisant les faiblesses spécifiques de son propre camp. Giscard d’Estaing, jouissant de son avantage en matière de connaissances économiques et financières, qui était justement le point faible de son adversaire, l’attire sur ce terrain. Mais il en fait trop, et délaissant le cours normal du débat, il pose crûment une question sans rapport avec le fil des échanges précédents. Dans le seul but de démontrer l’incompétence économique de son interlocuteur, il lui demande de citer de mémoire le cours d’une devise étrangère. Mitterrand saisit immédiatement le faux pas, rappelant à son concurrent qu’ils n’étaient pas en situation d’un professeur qui fait passer à un examen à son élève. La carte la plus faible de Mitterrand avait ainsi joué en sa faveur, mettant en relief, par contre, la plus mauvaise carte de son interlocuteur, auquel l’opinion avait tendance à reprocher son assurance excessive et sa suffisance.
L’origine de Noël est une illustration du stratagème “ Redonner vie à un cadavre ” : La célébration du Nouvel An est une coutume fort ancienne. Les Romains fêtaient les Saturnales en l’honneur de Saturne, dieu des semailles, entre le 17 et le 23 décembre : c’était la fête la plus gaie de l’année. De même, bien avant la naissance du Christ, les juifs célébraient à la même époque la Fête des lumières. Les peuples germaniques tenaient aussi une grande fête au solstice d’hiver, invocation de la lumière et de la fertilité. Ensuite l’empereur Aurélien instaura le culte du dieu solaire Mithra, déclarant son anniversaire le 25 décembre. L’église chrétienne du pape Libère (352-366) fit donc preuve d’une grande habileté en reprenant à son compte, en 354, l’anniversaire de Mithra pour désigner le 25 décembre comme jour anniversaire de la naissance de Jésus-Christ.
Dans le stratagème “ Refermer la porte de la maison sur les voleurs ” on trouve le conseil suivant : Tout phénomène est au début un germe, puis finit par devenir une réalité que chacun peut constater. Le sage pense donc le long terme. C’est pourquoi il a grand soin de s’occuper des germes. La plupart des hommes ont la vue courte. Ils attendent que le problème soit devenu évident pour s’y attaquer. Quand il est encore en germe, le problème est simple, sa solution exige peu d’efforts et apporte de grands résultats. Quand il est devenu évident, on s’épuise à le résoudre et, en général, les efforts sont vains. Le stratagème “ Orner de fleurs un arbre sec ” est un grand classique ; c’est une fable qui l’illustre le mieux : Le tigre est la terreur des forêts. Un jour un renard tomba entre ses griffes. Avec aplomb il dit au tigre : - Faites attention à ce que vous faites. J’espère que vous n’aurez pas l’audace de me manger. L’empereur du ciel m’a fait roi des animaux et chacun me redoute ici. Le tigre s’étonna de ce discours et le renard poursuivit : - Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, suivez-moi. Je vais vous montrer comme on me craint. Le renard se mit donc en route, suivi par le tigre. Tous les animaux qu’ils rencontraient fuyaient à leur approche. Le tigre crut alors les paroles du renard, sans comprendre que c’était lui-même que tous craignaient.
Le stratagème de la ville vide est un des plus complexes. Les leurres peuvent être de 4 espèces. Les deux premiers sont relativement simples. Là où il y a une faiblesse, créer l’illusion d’une force afin que l’adversaire n’ose pas attaquer. Là où il y a une force, créer l’illusion d’une faiblesse afin d’attirer l’adversaire dans un piège. Les deux autres sont moins simples : Si on est faible, il faut montrer sa faiblesse pour que l’adversaire croit qu’on dissimule une force. Si on est fort, on fait étalage de sa force pour amener l’adversaire à s’avancer imprudemment en pensant rencontrer une faiblesse. Jeu du plein et du vide, règne de l’illusion, les règles de la stratégie sont chaque fois différentes. On est ici au cœur de la différence chinoise : Les stratagèmes sont un art du temps. Or, ont coutume de dire les taoïstes, il n’y a qu’une seule chose stable, c’est le changement.
(Article paru dans la revue L'instant du monde n°3)
19:50 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Chine, stratagèmes
lundi, 13 mars 2006
Napoléon, de Gaulle, Platini !
Ces photos sont mes notes de voyage. Elles se veulent constats plus qu’analyses ou jugements. L’oeil touche par les sens et non par les idées, même si parfois les uns nourrissent les autres. S’il est vrai que la photographie peut montrer le monde, surtout quand il change, il est difficile de faire le portrait d’une Chine qui bouge si vite. L’image risque d’être floue et même contradictoire. Dans les rues et les villages où j’ai beaucoup marché, un coup d’oeil est souvent démenti par le suivant, celui d’hier par celui d’aujourd’hui. Mais passer d’un monde dans un autre stimule la curiosité. Les surprises du promeneur en Chine seront aussi, je l’espère, celles du lecteur tournant ces pages où les face-à-face, dans un jeu de miroir et de contrastes, ignorent volontairement chronologie et géographie. La Chine est ici en noir et blanc. Mais tout n’y est pas noir. Ni rose… Ni rouge non plus. Le communisme, on en parle davantage à Paris qu’à Shangai. Les Chinois aiment se comparer au bambou qui plie sans se rompre. Je les ai vus se plier sous la dure férule de Mao qui voulait les libérer à jamais du profit et des inégalités. Aujourd’hui, nous les voyons portés par une vague nouvelle, celle de l’argent roi, du commerce et du jeu où ils ont toujours excellé. Ce déferlement du modernisme venu de Taiwan et de Hong Kong réveille en même temps les vieilles croyances bannies par Mao. Peut-on dire alors qu’en Chine tout bouge et rien ne change ? Que le maoïsme ne fut qu’une parenthèse ? Peut-on parler de pérennité ? Ces surdoués du capitalisme ont réussi le prodigieux boom économique qui fascine notre vieux monde et permet à la multitude chinoise de gravir les montagnes sacrées de la consommation. Simultanément, les beautés d’une culture millénaire semblent s’effacer sous nos yeux. Avons-nous le droit de nous en attrister alors que, malgré les laissés-pour-compte, nous n’avons pas rencontré un Chinois qui regrette les années Mao ? Et pourtant, tout l’Orient que nous aimions pour la permanence des choses et de l’esprit se mue brusquement en un occident extrême, dans une course qui est sans doute le film accéléré de la nôtre. Si nous savons peu de la Chine, nous savons ce que nous y aimons, et d’abord l’intensité de la vie. Mais le Chinois de la rue, que connaît-il de nous ? Un Shanghaien m’abordant un jour sur le Bund me dit fièrement : « Moi je connais trois Français : Napoléon, de Gaulle, Platini !»
Texte et photographie : Marc RIBOUD
22:25 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0)