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lundi, 13 mars 2006

Napoléon, de Gaulle, Platini !

medium_riboud.jpgCes photos sont mes notes de voyage. Elles se veulent constats plus qu’analyses ou jugements. L’oeil touche par les sens et non par les idées, même si parfois les uns nourrissent les autres. S’il est vrai que la photographie peut montrer le monde, surtout quand il change, il est difficile de faire le portrait d’une Chine qui bouge si vite. L’image risque d’être floue et même contradictoire. Dans les rues et les villages où j’ai beaucoup marché, un coup d’oeil est souvent démenti par le suivant, celui d’hier par celui d’aujourd’hui. Mais passer d’un monde dans un autre stimule la curiosité. Les surprises du promeneur en Chine seront aussi, je l’espère, celles du lecteur tournant ces pages où les face-à-face, dans un jeu de miroir et de contrastes, ignorent volontairement chronologie et géographie. La Chine est ici en noir et blanc. Mais tout n’y est pas noir. Ni rose… Ni rouge non plus. Le communisme, on en parle davantage à Paris qu’à Shangai. Les Chinois aiment se comparer au bambou qui plie sans se rompre. Je les ai vus se plier sous la dure férule de Mao qui voulait les libérer à jamais du profit et des inégalités. Aujourd’hui, nous les voyons portés par une vague nouvelle, celle de l’argent roi, du commerce et du jeu où ils ont toujours excellé. Ce déferlement du modernisme venu de Taiwan et de Hong Kong réveille en même temps les vieilles croyances bannies par Mao. Peut-on dire alors qu’en Chine tout bouge et rien ne change ? Que le maoïsme ne fut qu’une parenthèse ? Peut-on parler de pérennité ? Ces surdoués du capitalisme ont réussi le prodigieux boom économique qui fascine notre vieux monde et permet à la multitude chinoise de gravir les montagnes sacrées de la consommation. Simultanément, les beautés d’une culture millénaire semblent s’effacer sous nos yeux. Avons-nous le droit de nous en attrister alors que, malgré les laissés-pour-compte, nous n’avons pas rencontré un Chinois qui regrette les années Mao ? Et pourtant, tout l’Orient que nous aimions pour la permanence des choses et de l’esprit se mue brusquement en un occident extrême, dans une course qui est sans doute le film accéléré de la nôtre. Si nous savons peu de la Chine, nous savons ce que nous y aimons, et d’abord l’intensité de la vie. Mais le Chinois de la rue, que connaît-il de nous ? Un Shanghaien m’abordant un jour sur le Bund me dit fièrement : « Moi je connais trois Français : Napoléon, de Gaulle, Platini !»

Texte et photographie : Marc RIBOUD
 

22:25 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0)

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