lundi, 13 février 2006
Supprimer l'adjectif ?
Repensant à l'idée de J.-J.M., supprimer le plus possible les adjectifs, n'ai pas trouvé d'issue : il faut dire que je les aime les adjectifs, n'est-ce pas ce qu'on attend de l'écrivain, qu'il qualifie le monde - lui propose une qualité, des couleurs, un regard, une façon de voir, sentir, entendre, toucher... Supprimerais plus volontiers le verbe, quand il est inutile, descriptions... (l'adjectif suffit amplement alors) ou alors le sujet puisque finalement le moi est une illusion !
19:30 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (25)
Commentaires
Oui, mais si un texte est trop "qualifié", il risque de perdre sa part d'ombre, ce non-dit contrôlé par l'auteur (jusqu'à un certain point), et le lecteur sa part d'intervention. Personnellement j'aime les textes qui avec peu de mots (mais choisis, les mots !) parviennent à dire, et à suggérer beaucoup. La débauche d'adjectifs et d'adverbes (propre au XIXème siècle, sans doute parce que les lecteurs de l'époque étaient beaucoup moins imprégnés d'images que nous le sommes) me lasse très rapidement. Quant aux phrases sans verbes, à la juxtaposition de petites unités syntaxiques sensées imiter par exemple les touches de couleur sur un tableau, c'est un procédé narratif qui m'essouffle très vite, qui rend assez vite le texte trop riche, presque "écoeurant".
Bon, je dis tout ça, c'est pour ajouter mon grain de sel à la discussion...
Écrit par : Roland Fuentès | lundi, 13 février 2006
Il est possible d'écrire des histoires avec un minimum de mots.
Supprimer une classe de mots dans un texte relève des jeux oulipiens. Écrire sans pronom ? Etre ou ne pas être ? Et ensuite ?
"La disparition" et "Le revenentes" de Perec n'ont aucune valeur littéraire. C'est franchement de la merde un peu curieuse. Qu'on ne relit pas. Mais que je suis fier d'avoir lues. Mes yeux en puent encore.
Écrire un texte sans préposition me paraît, comme ça, plus difficile que d'en composer un sans adjectif.
La seule contrainte qu'il m'arrive de me fixer, c'est la longueur. Il faut faire attention à tous les mots, ces crapules aimées! Comme "dénazifier"...
Écrit par : Éric Dejaeger | lundi, 13 février 2006
D'accord sur le "trop" d'adjectifs et d'adverbes. Par contre les phrases sans verbe, en effet sont plus picturales que narratives justement, elles peuvent parfois s'appliquer au propos, en tout cas, en ce qui me concerne, je suis toujours un peu déçu aujourd'hui quand je lis des écritures trop classiques et trop normées (je n'ai rien contre, il en faut sans doute aussi !) mais l'écriture aussi il me semble doit traduire (en tout cas essayer de) ce qui bouge dans le monde, or en ce moment tout est en train de bouger, alors forcément quand on cherche, on se trompe souvent, mais ce n'est pas grave, il faut aussi tenter des choses, enfin c'est mon avis !
Écrit par : Ray | lundi, 13 février 2006
Si ça bouge tant que ça, il faut écrire vite. Et court.
Ça tremblotte un peu, ça ne bouge pas, Ray.
Écrit par : Éric Dejaeger | lundi, 13 février 2006
Tout à fait, vite et court, et parler du réel (qui bouge !)
Écrit par : Ray | lundi, 13 février 2006
La chasse à l'adjectif est une obsession hygiéniste. On a peur du gras, du riche, du lourd, du consistant. On parle d'ailleurs d'un style "dégraissé" dans le petit monde urbain des critiques littéraires qui font attention à leur ligne !
Écrit par : Christian Cottet-Emard | lundi, 13 février 2006
J'aime bien le riche et le consistant, mais ni le lourd ni le gras.
Écrit par : Roland Fuentès | mardi, 14 février 2006
Dans la vie comme dans les livres, le lourd et le gras ne sont pas dans l'air du temps (et il se trouve que je déteste le temps où nous sommes) et c'est précisément pour cela que ces deux notions m'intéressent. Je me vois bien intituler ainsi un de mes livres, de préférence un recueil de poésie "Lourd, gras, opaque".
En pleine mode de mannequins squelettiques, André Hardelet avait publié un livre intitulé "Lourdes, lentes".
Écrit par : Christian Cottet-Emard | mardi, 14 février 2006
La vie et les livres sont deux choses différentes, même si les livres font partie de la vie. Je n'ai rien contre les gens enveloppés et je peux apprécier certains plats gras, par contre, dans les livres, je ne supporte pas la redondance. J'en ai absolument rien à faire de savoir que le héros a "les cheveux blonds comme les blés", "un menton volontaire" et "les yeux d'un bleu profond". Je me contrefous de savoir tous les détails de son costume et les moindres inflexions de sa voix, les nuances dans l'expression de son visage lorsqu'il s'adresse à un autre personnage, qui aura lui aussi été décrit dans les règles. De même, pour un paysage ou une action, je préfère peu de mots, très bien choisis, qui allument des images fortes dans mon inconscient, à une tartine dégoulinante de qualificatifs. Je n'aime pas qu'on m'explique ce qui est à comprendre entre les lignes, ou à imaginer. Or, les adjectifs et les adverbes, lorsqu'ils sont trop nombreux, ont souvent tendance, à notre époque, à alourdir l'écriture. Il ne s'agit pas d'écrire des choses "tendance", mais quand même pour les lecteurs de notre époque, ceux du dix-neuvième siècle ne lisant plus depuis longtemps, les pauvres...
Heureusement pour toi, et quoi que tu dises, Christian, ce que tu écris est dépourvu de cette lourdeur-là.
Écrit par : Roland Fuentès | mardi, 14 février 2006
Après Shakespeare et Dostoïevski il ne reste plus aux écrivains que les adjectifs.
Oscar Wilde.
Écrit par : P.A.G | mardi, 14 février 2006
Je viens de lire une saga (trois tomes) écrite juste avec des points et des virgules.
C'est épatant : au bout de quelques pages, l'oeil s'habitue, le cerveau le relaie, et on voit apparaître un dinosaure en relief !
Écrit par : Roland Fuentès | mardi, 14 février 2006
Créons un comité (mais il nous faut l'aval de l'Académie) !
Écrit par : Ray | mardi, 14 février 2006
Tu vois Roland, je suis attentif à ta santé ! la phrase borgesienne juste avant est : "la Bibliothèque se perpétuera : éclairée, solitaire, infinie, parfaitement immobile, armée de volumes précieux, inutile, incorruptible, secrète"
Écrit par : Ray | mardi, 14 février 2006
Aaaarghhh !
Mes coronaires !!!
Écrit par : Roland Fuentès | mardi, 14 février 2006
Déconne pas ! tiens pour te nettoyer, là y en a pas un seul, c'est du Jean-Claude Izzo : "Il surveilla les alentours. Anxieux. Il avait misé que personne ne viendrait prendre le bus. Si quelqu'un se pointait, il renoncerait. Si, dans le bus, un passager voulait descendre, ça, il ne le saurait que trop tard. C'était un risque. Il avait décidé de le prendre. Puis il se dit qu'à prendre ce risque, il pouvait tout aussi bien prendre l'autre. Il se mit à calculer. Le bus qui s'arrête. La porte qui s'ouvre. La personne qui monte. Le bus qui redémarre. Quatre minutes. Non, hier, cela avait pris trois minutes seulement. Disons quatre, quand même. Zucca aurait déjà traversé. Non, il aurait vu la mobylette et la laisserait passer."
Écrit par : Ray | mardi, 14 février 2006
Et écrire sans mots, vous avez essayé? Ne riez pas, il y a là déjà toute une tradition. En voici d'ailleurs un bel exemple, tiré de la littérature ouzbèke du 18ème siècle:"
". C'est beau, non?
Écrit par : Eddie | mardi, 14 février 2006
Moi, dans le texte de Ray, je compte trois adjectifs: anxieux, trois et quatre.
Écrit par : Eddie | mardi, 14 février 2006
Yes ! je voulais pas compter les numéraux (!) mais anxieux tout de même, anxieux...
Écrit par : Ray | mardi, 14 février 2006
Et sans même une phrase, ça donne :"" ?
Écrit par : Ray | mardi, 14 février 2006
Sans même une phrase, ça donne un livre que j'ai vu dans la bibliothèque d'un ami : une succession de signes typographiques sur 150 pages (beau papier) qui a permis à son auteur de décrocher une confortable aide financière à l'écriture. Par courtoisie pour cet auteur qui a aussi publié de vrais livres et qui a eu bien raison de profiter d'un système qui permet ce genre de farce, je ne dévoile pas son nom ni même celui de l'organisme auprès duquel je vais à mon tour déposer une demande pour la publication de mes listes de courses chez le traiteur.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | mardi, 14 février 2006
J'adore cette histoire :-)
Écrit par : Calou | mardi, 14 février 2006
y a plus besoin d'adjectifs ! y a plus besoin de mots ! on peut se faire comprendre sans ! on DOIT même !
tenez par exemple :
CPE CDD CDI
HIV H5N1
UMP PS PC UDF
URL HTTP WWW
UE USA ex-URSS
CGT FO SNES SUD
.FR .COM .GOUV
TF1 A2 FR3 M6
ZEP ZUP ZIP
Ko Mo Go
ALT GR CTRL SUPPR.
SMS RSS RTT
SOS …. SOS …SOS
Écrit par : hozan kebo | mardi, 14 février 2006
Hozan, ça rappelle le "L.H.O.O.Q." de Marcel Pisse-Pott'. Sans la Djockonde.
("djock", en belge, = chiotte)
Ray va-t-il nous retrouver la Djockonde de Marcel ?
Suspens...
Écrit par : Éric Dejaeger | mardi, 14 février 2006
Après P.A.G, reste plus rien, ah si, un fond de rouge, pour la Révolution ! VLR !
Écrit par : Un pote à P.A.G, le même | mardi, 14 février 2006
fais-toi plus clair ricky, la quoi de Marcel, le bistrotier ou l'autre ?
Écrit par : Ray du cours Philo de J.-J.M. | mercredi, 15 février 2006
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