lundi, 10 novembre 2008
La malle aux manuscrits de Pessoa
Dans ses ouvrages et articles sur Pessoa, Teresa Rita Lopes, grande exégète de l'écrivain, raconte les difficultés extrêmes qui se posent aux chercheurs, car l'oeuvre est enfoui pêle-mêle dans cette malle-sarcophage. 27 543 documents ont été retrouvés dont 18 816 sont des manuscrits. 3 948 d'entre eux sont dactylographiés. Certains sont classés dans des enveloppes, au nombre de 343, mais il s'agit d'une minorité, car on dénombre 2662 feuillets volants. De plus, il écrivait parfois des fragments d'œuvres différentes sur la même feuille, ce qui complique singulièrement la tâche des chercheurs.
Quand, en 1968, la malle fut mise à la disposition d'équipes officielles de recherche, elle avait déjà été fouillée par bien des mains, qui ont contribué ainsi au désordre et à la disparition de certains manuscrits. Le fonds a été racheté par la fondation Gulbenkian en 1979, et déposé à la Bibliothèque Nationale du Portugal en 1982.
Dès qu'on ouvre l'une des pochettes dans lesquelles se trouvent maintenant les manuscrits, on est frappé du peu de cas que Pessoa en a fait. Certes, il était pauvre, ce qui l'obligeait à récupérer tout le papier possible ; c'est pourquoi ses manuscrits sont une véritable stratification car constamment réutilisés.
Il n'a pas pris la peine de numéroter les feuillets, et très peu sont datés. L'écriture y est quasiment illisble, ce qui entraîne les exégètes à publier nouvelles versions, au fur et à mesure de leur relecture de la graphie pessoenne. Enfin les supports utilisés révèlent un véritable mépris quant à la sauvegarde de l'œuvre : papier de qualité médiocre, feuilles fournies par les cafés, en particulier le Brasileiro, calendriers, articles et quotidiens, brouillons divers et même… ses propres manuscrits. Ainsi un passage du Livre jouxte-t-il sur la même page, quand il n'est pas copié par-dessus, un poème d'Alvaro de Campos, un horoscope, une liste de comptes… Soares, le semi-hétéronyme auteur du Livre de l'Intranquillité, affiche son indifférence pour l'outil et le support graphiques :
"Je remplis peu à peu, à traits lents et mous d'un crayon émoussé (que je n'ai pas la sentimentalité de tailler), le papier blanc qui sert à envelopper les sandwiches et que l'on m'a fourni dans ce café, parce que je n'avais pas besoin d'en avoir de meilleur et que n'importe lequel faisait l'affaire, pourvu qu'il soit blanc."
00:15 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, pessoa, gildas pasquet
samedi, 08 novembre 2008
J'ai façonné ainsi ma vie
Organiser notre existence de façon qu'elle soit aux yeux des autres un mystère, et que ceux mêmes qui nous connaissent le mieux nous ignorent seulement de plus près que les autres. J'ai façonné ainsi ma vie, presque sans y penser, mais avec tant d'art et d'instinct que je suis devenu pour moi-même une individualité, mienne sans doute, mais qui n'est ni clairement ni entièrement définie.
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité,
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lisboa, littérature, pessoa, chiado
samedi, 01 novembre 2008
J'interromps si souvent une pensée par un morceau de paysage
Je reste toujours ébahi quand j'achève quelque chose. Ébahi et navré. Mon instinct de perfection devrait m'interdire d'achever ; il devrait même m'interdire de commencer. Mais voilà : je pèche par distraction, et j'agis. Et ce que j'obtiens est le résultat, en moi, non pas d'un acte de ma volonté, mais bien d'une défaillance de sa part. Je commence parce que je n'ai pas la force de penser ; je termine parce que je n'ai pas le courage de m'interrompre. Ce livre est celui de ma lâcheté.
La raison qui fait que j'interromps si souvent une pensée par un morceau de paysage, qui vient s'intégrer de quelque façon dans le schéma, réel ou supposé, de mes impressions, c'est que ce paysage est une porte par où je m'échappe et fuis la conscience de mon impuissance créatrice. J'éprouve le besoin soudain, au milieu de ces entretiens avec moi-même qui forment la trame de ce livre, de parler avec quelqu'un d'autre, et je m'adresse à la lumière flottant, comme en ce moment, sur les toits de la ville, mouillés sous cette clarté oblique ; à la douce agitation des arbres qui, haut perchés sur les pentes citadines, semblent tout proches cependant, et menacés de quelque muet écroulement ; aux affiches superposées que font les maisons escarpées, avec pour lettres les fenêtres où le soleil déjà mort pose une colle humide et dorée.
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité
00:17 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, paysage, pessoa, lisbonne
vendredi, 24 octobre 2008
Les derniers mots de Fernando Pessoa
"Donnez-moi mes lunettes" ; Il était très myope et voulait entrer dans l'autre monde avec ses lunettes.
Antonio Tabucchi, Nocturne indien
Photo de Jean-Luc Aribaud
00:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature, pessoa, tabucchi, jean-luc aribaud
mercredi, 04 juillet 2007
Fragments d'un voyage immobile
Pour répondre (entre autres) à Lambert : en l'occurence, je n'avais pas noté la source de cette citation : Je l'ai probablement trouvée dans ce petit livre (Rivages poche) : très bonne introduction (je trouve) à Pessoa puisqu'il est constitué d'extraits et de citations de son oeuvre, plutôt bien choisis et présentés. Après on peut s'attaquer (tranquille) au Grand Oeuvre : Le Livre de l'intranquillité (2 tomes) chez Christian Bourgois
11:39 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Pessoa
Et chaque heure, comme ça, semble être à moi
« C’est l’imagination qui m’a formé. Pour voyager elle m’a toujours pris la main. J ’ai toujours aimé, détesté, parlé, pensé, grâce à elle. Chaque jour je regarde à sa fenêtre. Et chaque heure, comme ça, semble être à moi ».
Fernando Pessoa
Photo de Gildas Pasquet
00:05 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Pessoa, Gildas Pasquet