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dimanche, 20 mai 2007

L'Ile singulière

L’horizon se couvre, en masses spongieuses, absurdes, menaçantes. Gaétan ne comprend pas, ils sont là tous les deux, si bien ensemble et puis un abîme béant ; ces portes n’ouvriraient sur rien ? Et s’il était une marionnette entre les mains de Léonore ? Aujourd’hui, il a envie de la retenir : “ Si tu ne pars que demain, on pourrait aller à Sète, tu connais ? ” “ Non ” “ Un lieu magique, il y a des bateaux partout, la mer qui encercle la ville, on l’appelle L’Ile singulière. Peuplée par des pêcheurs, ils venaient de Salerne, sur la côte amalfitaine. Un monde à part, tout près d’ici en plus ”… L’atmosphère est fraîche. Lumière diffuse. Ils marchent jusqu’au Môle. Le monde extérieur passe lointain devant eux, comme un décor de théâtre. Le vent souffle en rafales. Ils s’assoient sur un rocher. En parlant aussi, elle a l’impression de se fondre avec lui, de s’oublier. Un calme profond se pose. La soirée s’étire, la séparation du lendemain approche à grands pas. Ils sont dans le vague, malheureux. Gaétan ne peut plus dormir. Léonore tombe de sommeil, reste à la lisière ; mélange acide de plaisir et de souffrance. Lui ne supporte plus cette chambre étouffante, veut sortir, aller jusqu’au Mont Saint-Clair. Milieu de la nuit. Là-haut, atmosphère blanche. Un épais brouillard les entoure. On ne distingue même pas la côte. Une immense croix blanche se dresse dans la brume. Ils sont troublés par la fatigue, l’étrangeté du lieu, et leur tristesse. Gaétan se dit vaguement il faut lui faire confiance, mais l’inquiétude le gagne. L’humidité transperce tout. Ils rentrent à l’hôtel, n’ont la force de rien. Une grande lassitude s’est déposée. Nuit de mauvais sommeil, incertain. Un vent âpre souffle le matin. Il la raccompagne à la gare. Ne se disent plus un mot jusqu’au départ.

Extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, Raymond Alcovère, n & b éditions, mai 2007

mercredi, 16 mai 2007

En lisant Le Sourire de Cézanne

Lire ici la critique de Jean-Louis Kuffer

Le Sourire de Cézanne (vient de sortir)

medium_L56253.jpgElle se lève tôt le lendemain matin, ouvre la fenêtre. L’air, étonnamment doux, palpite au-dessus des toits. L’ombre est grise encore. Une trouée dans le ciel orgeat, derrière Saint-Sauveur, plus ocre et violente au fil des minutes. Des vols de moineaux décrochent des toits avant de plonger dans les rues vides. Sa vie commence. Elle a dix-huit ans, mais avec le calme en plus. Elle ira posément dans la direction fixée, une certaine forme de doute n’a plus sa place. Gaétan dort tranquillement. Ses affaires, posées sur une chaise, sont animées d’une vie propre. Elle déborde d’un amour absolu envers lui, un amour qui ne remet pas en cause sa liberté. Le plus improbable est arrivé, il en est ainsi depuis les origines de l’univers. La même sorte de probabilité qu’un Cézanne existe.

medium_034.jpgLéonore a quarante ans ; au moment où tout semblait l’abandonner, elle rencontre Gaétan, vingt ans. Le père de Léonore, atteint par la maladie d’Alzheimer, vit ses derniers instants. Léonore, qui a pris une année sabbatique, écrit un livre sur la peinture, sur le regard des peintres ; elle parcourt l’œuvre de Piero della Francesca, Poussin, Miro, Zao Wou Ki ; au fur et à mesure, Cézanne y prend une place centrale. Le Sourire de Cézanne, c’est celui du peintre, à la fin de sa vie, devant son tableau «Les grandes baigneuses ». Et aussi le sourire qu’adresse son père à Léonore, avant de mourir. Cézanne a passé sa vie à fuir les contraintes sociales de son époque pour peindre, envers et contre tout. Les deux personnages du roman, eux, entre Aix-en-Provence et Montpellier, vont aller à la recherche d’eux-mêmes, jusqu’au bout de leur passion…

Roman  mai 2007, éditions n& b 108 p – 13 €

Photo de couverture : Jean-Luc Aribaud

vendredi, 04 mai 2007

Dans la campagne aixoise

Dans la campagne aixoismedium_Couv-Lesourire.jpge, ce début janvier a les couleurs d’un automne tardif. Ocelles claires et limpides des chênes verts, fauve des feuilles caduques, dans les arbres touches mélangées de jaune, ocre, vermillon, rouille, reflets ombrés, aspect frêle des feuilles sur le point de chuter, translucides et légères, puis s’effondrant en poussière. Partout la végétation, en flot inépuisable, dégorge de gigantesques vasques sur les collines, les combes et les ravines. Bientôt les arbres dessineront des pinceaux, dressant leurs nervures dans le gris du ciel. Au milieu, clairsemés, les oliviers, lumineux et purs comme des incendies, les seuls à irradier de l’éclat quand l’horizon se couvre de gris, décharnés, noueux, rivés à la terre. Le vent se mêle aux forêts dans des vapeurs blanchâtres, traînées de gaze qui couronnent la Sainte-Victoire, ombre volcanique. Miracle, en cette saison les journées sont courtes, rares les promeneurs, lumière d’or étalée, formes étagées en volumes. A six heures, nuit noire, les gens s’affairent dans les rues comme en plein jour. Le mistral s’engouffre dans les venelles en bousculant les passants, danse des feuilles sur le soir mauve.

Raymond Alcovère, extrait du roman "Le sourire de Cézanne", vient de paraître, éditions n & b