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samedi, 11 mars 2006

Un théâtre ferme

Cette semaine, face à l'impossibilité d'assumer financièrement la fin de sa saison, le Théâtre Jacques Coeur de Lattes a pris la décision d'annuler les représentations de tous les spectacles programmés du mois de mars au mois de juin.
Ainsi, du jour au lendemain, le travail de plusieurs équipes artistiques peut être annulé et des dizaines d’artistes et de techniciens peuvent voir leurs salaires disparaître brutalement.

 

Aujourd’hui manifestement la bataille contre le protocole de 2003 ne suffit pas. Nous avons aussi à nous battre contre la suppression agressive du travail au sein même des lieux qui nous accueillent.

 

Le gâchis peut être estimé ainsi:

 

Pour les 7 compagnies programmées de mars à juin: 17 représentations de 7 spectacles sont annulées.
Signalons parmi ces compagnies, les trois compagnies régionales : Compagnie In situ, Les Apostrophés et Les Perles de verre qui devait être en résidence de création au théâtre.
Estimation de la perte financière pour les compagnies : 50000 euros environ.
Perte pour les artistes et les techniciens des spectacles : 500 journées de travail.

 

Pour le Théâtre Jacques Cœur, l’ensemble des emplois permanents ou intermittents est appelé à disparaître dans l’immédiat ou dans les mois à venir.

 

L'arrêt brutal des activités du Théâtre Jacques Cœur en cours de saison, un an après le Chai du Terral à Saint Jean de Védas, fait craindre une conséquence plus grave encore pour la vie du spectacle vivant en région : la fermeture définitive du lieu.

 

Comment en est-on arrivé là?

 

À la création du Théâtre de Lattes, le Conseil Régional contribuait seul à son fonctionnement avec la mairie de Lattes comme soutien logistique. À l’arrivée de la nouvelle majorité, face à cette situation jugée déséquilibrée, le Conseil Régional annonçait une baisse progressive de sa participation pour les années futures. Il a décidé en février 2006 de ramener de 259000 € à 100000 € sa subvention au Théâtre Jacques Coeur. Ni la commune de Lattes, ni l'agglomération montpelliéraine, ni le Conseil Général de l'Hérault, ni l'Etat ne venant combler cette perte de financement, nous devons en conclure qu'il s'agit, de manière concertée ou non, d'une démission avouée de l'ensemble des pouvoirs publics et de la condamnation délibérée de ce théâtre.

 

Les compagnies, les artistes et techniciens de l’ensemble du Languedoc-Roussillon (théâtre, danse, musique, cirque, arts de la rue...) n'acceptent plus que les outils de travail soient détruits les uns après les autres, par la volonté ou l’inertie des pouvoirs publics.

 

Rappelons en effet, pour mémoire, la longue énumération des lieux, grands ou petits, institutionnels ou indépendants, qui, depuis quelques années, ont dû fermer leurs portes ou réduire de façon drastique leur projet artistique :

 

-          structures condamnées par décision politique ;
-          ou bien construites par des financements publics et désormais inutilisées par refus d' accorder des budgets de fonctionnement ;
-          ou encore structures indépendantes ayant jeté l'éponge face au refus des collectivités territoriales de leur apporter le soutien nécessaire ;
-          lieux survivants dans une précarité absolue.

 

Dans les P.O. :

 

Toulouges,
Peyrestortes,
Rivesaltes
Prades et la saison Cerdane

 

D’une manière générale, la diffusion dans les Pyrénées Orientales est réduite à portion congrue voire en voie d’extinction par la réduction des moyens alloués aux associations et aux lieux.

 

Aude :

 

Ferrals les Corbières,
Castelnaudary,
Douzens

 

Ici aussi la précarité semble la règle.

 

Hérault :

 

Le Chai du Terral  à Saint-Jean de Védas (fermé depuis un an et sans projet à ce jour sinon une salle d’appoint pour les festivals montpelliérains),
La Cigalière à Sérignan (arrêt du projet artistique du directeur entraînant le désengagement des tutelles, la suppression du label de scène conventionnée et là aussi des annulations de spectacles en cours de saison),
Lodève : Les Voix de la Méditerranée (festival de poésie, implanté au cœur de la région et d’une renommée internationale, menacé depuis deux ans, auquel participaient chaque année des compagnies de théâtre et de danse),
La Vista, à Montpellier (projet en déshérence comme lieu de résidence de création et de diffusion pour les compagnies indépendantes).

 

D’autres lieux atypiques montpelliérains, animés par des compagnies ont récemment disparu ou risquent de disparaître bientôt.

 

L’Hôtel de Lunas (lieu de la compagnie Labyrinthes avec résidence permanente d'écrivains ayant dû cesser ses activités début 2005 par l'arrêt du soutien du Centre des Monuments Nationaux),
La Coopérative (lieu de la compagnie Myrtilles avec résidence permanente d'artistes ayant jeté l'éponge en 2005 par défaut de subventionnement),
Changement de Propriétaire (lieu pluridisciplinaire regroupant quatre compagnies de danse et de théâtre ayant dû fermer ses portes après un an d’existence),
Les Arceaux (fermeture du lieu en tant que théâtre en juin 2006 décidée par le CROUS, propriétaire du lieu).

 

Gard :

 

Nîmes : Le Quaternaire (annonce en février 2006 par le Conseil Général du Gard d’une possible fermeture ou « mise en gérance » du lieu)

 

Lozère :

 

Nous sommes inquiets pour La Genette Verte passée trop souvent à deux doigts de la trappe.

 

Rappelons que les Itinéraires du théâtre et du cirque en Languedoc-Roussillon (une soixantaine de représentations par saison dans 35 villes ou villages de la région) et celui de la danse se sont arrêtés brutalement en 2004 sur décision du Conseil Régional.

 

D’autres lieux d’initiative privée tentent de survivre, souvent après avoir été aidé  par les pouvoirs publics lors de leur aménagement. Après avoir tenté une programmation professionnelle avec l’aide d’associations relais ou les itinéraires, ils n’ont plus d’autre choix que de se tourner vers une programmation en grande partie de spectacles amateurs (la Fabrica à Ille sur Têt, leThéâtre de pierres à Fouzilhon, la cie Hermine de rien à Saint Flour de Mercoire, …).

 

Dans ce paysage, nous nous réjouissons cependant de la construction de nouveaux équipements à Mireval, La Grand Combe, Ganges, Bédarieux... Sommes-nous pour autant assurés qu’ils trouveront les moyens suffisants à leur fonctionnement ?

 

Il nous faut constater, avec beaucoup de dépit, que l'ensemble des pouvoirs publics abandonnent l’idée même d'un service public de la culture en matière de spectacle vivant ; que nos édiles de tous bords tendent de plus en plus à considérer celui-ci comme un divertissement ; et que dans notre région à forte  vocation touristique ils privilégient définitivement l'événement culturel et festif (festival, manifestation de prestige...),la construction d'équipements au détriment de l'édification réfléchie d'une politique culturelle.

 

Les théâtres ferment. Les emplois disparaissent et les compagnies de théâtre, danse, cirque et musique trouvent de moins en moins d’espaces pour travailler.

 

Dans un autre domaine, on parlerait normalement de casse industrielle. Dans le nôtre, et devant l'étendue du désastre, nous devons parler de casse culturelle. Les conséquences sont exactement les mêmes : disparition des outils de travail, pertes des emplois, accroissement du chômage et de la précarité.

 

Aucune raison ne peut justifier la fermeture expéditive d’un outil de travail.

 

Nous ne demandons pas de nouvelles assises, de nouveaux états généraux, d’énièmes études sur notre situation.

 

Nous exigeons simplement et fermement le maintien de tous les spectacles de cette saison par la réouverture immédiate du théâtre de Lattes avec les moyens financiers nécessaires à la réalisation de son projet artistique.
 
Dans le même temps, nous demandons la tenue immédiate d’une réunion de toutes les collectivités territoriales et de l’état pour réanimer le Théâtre Jacques Cœur de Lattes.

 

Nous appelons tous les professionnels du spectacle vivant de la région, les compagnies, les lieux indépendants ou institutionnels, les syndicats, les associations de spectateurs, à se mobiliser fortement pour empêcher cette entreprise de liquidation de la culture.

 

Nous nous adressons enfin au public dans son ensemble, pour qu’il nous soutienne dans notre combat qui est aussi le sien.

 

Un théâtre qui disparaît, c’est encore moins de pensée dans la cité.
Le recul de la pensée a toujours auguré du pire.

21:07 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

On ne peut que relever le mépris indécent de la majorité du conseil régional qui coupe aujourd'hui les subventions d'un théâtre alors qu'elle soutenait autrefois les intermittents du spectacle dans leurs revendications à propos de leur régime de chômage.

Cette majorité donne une bien triste image et n'inspire que la lassitude d'avoir été joué (une fois de plus ?).

C'est la mère maquerelle qu'on surprend sous les habits de la nonne, l'usurier derrière la réputation du bon samaritain.

Ces gens sont-ils sans honneur ? De vulgaires brutes animées par l'illusion de leur propre suffisance, des analphabètes prétentieux qui courent après les honneurs frelatés de la république comme la vermine se jette sur un reste de banquet ?

Les artistes savent à quoi s'en tenir dorénavant. On ne les considère que justes bon à faire les trompettes de la renommée pour les hypocrites qui les utilisent pour se faire réélire.

Le rideau finit toujours par tomber.

Écrit par : Qwyzyx | samedi, 11 mars 2006

Une politique de prestige au détriment du tissu culturel, c'est en effet le triste spectacle d'ici

Écrit par : Ray | dimanche, 12 mars 2006

Parmi toutes ces initiatives qui formaient ce tissu culturel, les Voix de la Méditerranée, le festival de poésie de Lodève, est (était) un l'un des grands moments de l'été. Simplement irremplaçable.

Une pétition a été mise en ligne pour qu'il ne meure pas :
http://helixnet.free.fr/index.html

Écrit par : Geo | lundi, 13 mars 2006

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