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lundi, 11 avril 2005

Romans ou Vies ?

... Le roman n’est-il pas un genre exténué, un peu comme l’était la tragédie classique au temps de Voltaire? Et, dans la mesure où je ne baisse pas tout à fait les bras, c’est à dire dans la mesure où je fais des petits textes qui ressemblent tout de même à des romans, brefs, mais des romans (je ne suis pas le seul) je me sens proche de beaucoup d’autres contemporains immédiats qui essaient aussi de sortir du roman sans effets de manche, sans prétendre tout démolir, sans ostentation. Mais fermement et absolument.
Parmi ceux-là beaucoup s’intéressent à la forme brève, reprennent la forme brève, mais des formes brèves qui ne seraient pas ce que le siècle dernier a appelé la nouvelle, et qui n’est qu’un morceau de roman. Et nous avons à notre disposition la forme très ancienne des vies qui n’a jamais cessé d’être - on me prête, à moi et à d’autres, le fait d’avoir réinstauré ce genre qu’on a toujours fait, mais c’est une tarte à la crème, il n’y a là ni invention ni retour. Cette forme , que j’appelle vie par commodité, me parait être le roman débarrassé de son grand fourbi, ou fourre-tout. Je vais m’expliquer par une métaphore pharmaceutique. Vous savez, dans la notice des médicaments, on lit par exemple: pénicilline: 0,5% -et excipient: 99,5%. Et bien, le roman tel qu’il se pratique aujourd’hui de plus en plus me paraît être un gigantesque excipient dans lequel la pénicilline est perdue. Ce genre que j’appelle une vie , ça n’est après tout que le roman débarrassé de ses copules, de son tirage à la ligne, de sa " pensée " et de son remplissage. Il est vrai que les romans de Flaubert par exemple étaient des vies sans copule: Vie d’Emma Bovary ou Vie de Felicité qui ont reçu par la suite d’autres titres.


Pierre Michon (interview)
Pour plus d'info, cette interview complète et d'autres, tapez : http://www.remue.net/cont/michon.html

Commentaires

Amateur et défenseur des formes brèves, dont en effet certaines peuvent être dites des bouts de romans ou même de brefs romans, je ne parviens pas à adhérer à l'argument de Michon à propos du "grand fourbi", comme si étaient mis dans le même sac des romans très différents (par la qualité, etc.). Autrement dit, un bon, voire un grand roman ne se mesure pas à la taillle ou au nombre de pages et le fourre-tout peut encombrer les courts. Par ailleurs, la métaphore pharmaceutique est, comme bien des métaphores de ce genre, d'assez courte portée, car, en l'occurrence, certaines substances ne sont pas absorbables sans excipient. Si bien que l'on ne saisit pas très bien la distinction faite par Michon entre qualité et quantité, implicite dans ce qu'il dit. Souvenons-nous quand même que grâce au refus des éditeurs de prendre son manuscrit, Proust a pu développer la Recherche et si Michon appelle cela un fourre-tout ou un grand fourbi, alors, tout simplement, je ne suis pas du même avis, ce qui n'a pas grande importance, bien sûr. Finalement, je ne vois pas très bien à qui ou quoi il "pense", car il exclut de son jugement Flaubert (ouf !). S'il vise des romans qui sortent à la pelle dans les librairies et qui ne sont portés par aucune nécessité intérieure, alors parlons de bons et de mauvais romans. Bref, je suis un peu perplexe… Si les mauvais romans sont caractétrisés par, entre autres, les "copules" inessentielles, le tirage à la ligne, le remplissage, alors oui, c'est vrai et… évident. Pur la "pensée", je ne saisi pas très bien : il fait peut-être allusion à ce qu'ajoute "l'auteur" sur le plan des idées (reprenant là une condamnation déjà formulée par Proust dans la Recherche à propos des romans qui contiennent des "idées"). Bon. Finalement, que reste-t-il ? Que Michon appelle "vie" la forme qu'il adopte pour désigner les romans débarrassés de leur grand fourbi. Je ne pense pas qu'il ait besoin de cet argument boiteux pour défendre les vies minuscules, qu'il est préférable de lire directement…

Écrit par : J.-J. M. | lundi, 11 avril 2005

Précision : ce que dit Michon dans l'interview est très intéressant et mérite d'être lu. Il restreint d'une certaine façon, d'ailleurs, la portée de ce qui est dit plus haut ici et en précise le sens. Il n'empêche, l'argument du fourre-tout n'est pas très solide…

Écrit par : J.-J. M. | lundi, 11 avril 2005

Salut !
C'est un peu long chez toi pour arriver au 17 Mars... Il n'y a pas un lien que je n'aurais pas vu ? :-/

Écrit par : Mab | lundi, 11 avril 2005

C'est quoi, le roman bref ? Une justification pour...
...le manque d'imagination du "romancier" ?
...le manque de temps du lecteur ?
...faire baisser le prix d'un livre ?
...imposer une nouvelle mode aux lecteurs ?

Les formes brèves, c'est censé être court, non ? Une nouvelle de vingt pages, je trouve ça limite en longueur.

La science merkettingue ne veut pas que le consommateur s'habitue trop. Elle veut le forcer à acheter de nouveaux produits. Le roman bref Amélie Nothomb, Régis Fauffret, etc.

Surtout, si tu connais quelqu'un qui t'a raconté qu'un(e) cousin(e) éloigné(e) avait eu des rapports (scabreux, si possible) avec un(e) personnalité relativement quelconque, écris un livre ! Ça va marcher !

Écrit par : Eric Dejaeger | lundi, 11 avril 2005

On dirait parfois que, dans vos commentaires, vous avez autant piccolé que Michon lui-même!

Écrit par : P.A.G | lundi, 11 avril 2005

T'as pas vraiment tort en ce qui me concerne, P.A.G. Mais là, à 6h15 du mat', même pas la gueule de bois.

Écrit par : Eric Dejaeger | mardi, 12 avril 2005

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