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lundi, 16 mars 2009

Chaque gorgée est un mensonge

Les deux "o" de Porto gouleyent au fond de la bouteille noire. Porto, ça roule au fond d'un golfe sombre, avec un port de tête altier de gentilhombre. De la noblesse cléricale, austère, et cependant galonnée d'or. Mais dans le verre, il reste seulement l'idée du noir. Plus grenat que rubis, c'est de la lave douce où donnent des histoires de couteau, des soleils de vengeance, et des menaces de couvent sous le fil du poignard. Oui, toute cette violence, mais endormie par le cérémonial du petit verre, par la sagesse des gorgées timides. Du soleil cuit, des éclats assourdis. Une saveur perverse de fruit mat où se seraient noyés les débordements, les brillances. A chaque lampée, on laisse le porto remonter vers une source chaude. C'est un plaisir à l'envers, qui s'épanouit à contretemps, quand la sobriété se fait sournoise. A chaque coup de langue en rouge et noir monte plus fort le lourd velours. Chaque gorgée est un mensonge.

Philippe Delerm, La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules.

Commentaires

Délicieux petit bouquin de la première à la dernière gorgée.
Merci Raymond de le faire revenir à ma mémoire.
C'est pour moi le meilleur de cet auteur.

Écrit par : Hélène O | lundi, 16 mars 2009

Oui, très décrié à l'époque à cause de son succès phénoménal, mais vieillit bien, très bien même !

Écrit par : Ray | lundi, 16 mars 2009

Je trouve toujours que ça ressemble plus à de la rédaction soignée de bon potache qu'à de la littérature.

Écrit par : Éric le décrieur | vendredi, 20 mars 2009

Il y a du vrai mais alors un très bon potache !

Écrit par : Ray | vendredi, 20 mars 2009

Oui, un potache sans sel. Et puis, que d'eau, que d'eau !

Écrit par : J.-J. M. | samedi, 21 mars 2009

Et si, comme le dit Hélène O., c'est le meilleur de l'auteur, que doit être tout le reste ?

Écrit par : Éric le décrieur | samedi, 21 mars 2009

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