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mercredi, 24 septembre 2008

Etat d'une réflexion en cours

DSCN4903.JPGOn a longtemps parlé du « désert » de la littérature française de ces vingt ou trente dernières années. Mythe ou réalité ?

Nombre d’écrivains n’ont pas confirmé, à mon sens, l’espoir qu’ils avaient fait naître. Ainsi Philippe Djian, après de bons romans comme « 37 ° 2 le matin » et « Bleu comme l’enfer », a fini par s’enliser, au moment notamment de son passage chez Gallimard. Dans un tout autre genre Christian Bobin, un peu plus tard, a apporté un sang neuf (une écriture, un univers) ; lui est resté dans la même veine, mais trop peut-être,  c’est le renouvellement qui a manqué, ses livres se ressemblaient beaucoup, la lassitude est venue. Michel Tournier, quelques années plus tôt, après des livres forts comme « Le Roi des Aulnes » ou « Les Météores » a perdu la force de son inspiration. Au contraire, les derniers livres de Marguerite Duras, avec leur style très épuré, m’ont paru beaucoup plus intéressants. De même ceux de Beckett, écrits en français (mais est-ce un écrivain français ?).  De Claude Simon, je m’étais délecté des « Géorgiques » : dans le courant du Nouveau Roman (et ses contraintes épouvantables), il est celui qui s’en est le mieux sorti ; c’est la marque des grands artistes de transcender leur époque et les courants qui la traversent. Julien Gracq aussi n’a pas retrouvé dans ses derniers livres la force et le souffle du « Château d’Argol » et du « Rivage des Syrtes ». Modiano restera je pense un des  bon écrivains de la période, mais sans m’avoir personnellement emballé. Le Clézio a écrit de belles pages (le début de « Désert », magique), mais sans me convaincre totalement, de même que Pascal Quignard. Idem pour Michon et Bergougnioux. Pierre Autin-Grenier a vraiment créé un univers, et sa trilogie « Toute une vie bien ratée », L’éternité est inutile » « Je ne suis pas un héros » est délicieuse. J’aimais beaucoup Raymond Queneau, mais j’avoue ne pas avoir une grande passion pour l’OULIPO,  - ce côté mécaniste de la littérature, même Perec ne m’a jamais totalement emballé, sauf peut-être « Je me souviens » -, et ceux qui l’ont suivi encore moins. Nicolas Bouvier, par la qualité de son écriture, a largement transcendé le genre « littérature de voyage », il est pour moi un des écrivains les plus forts de cette période. Côté polar, c’est mieux : Jean-Patrick Manchette a donné un nouveau souffle ; « La Position du tireur couché » est un excellent roman, il a amplement renouvelé le genre dans les années 80 et emmené avec lui toute une cohorte de nouveaux auteurs. La série des « Poulpes » crées par Jean-Bernard Pouy ne manquait pas d’intérêt et Franck Pavloff a frappé un grand coup avec « Matin brun ».

Ce relatif désert me semble tout de même dominé par Philippe Sollers : A mon avis « Femmes » (1983) restera une date ; « Le Secret », moins connu est un des mes livres préférés avec ses recueils d’articles où il excelle : « La guerre du goût » et « L’éloge de l’infini ». Troublant volontairement les codes, ses essais ressemblent à des romans et à des biographies - il mêle allégrement les trois genres - utilisant la citation comme une arme de guerre, il a multiplié les livres, toujours aux frontières : « Dictionnaire amoureux de Venise », « Un Vrai roman » et plus récemment « Guerres secrètes » sont parmi ses meilleures réussites. Sollers, c’est aussi une passion pour la peinture, et bien sûr la Chine. C’est aussi le seul écrivain de la période qui ait une véritable vision cohérente de la société et n’hésite pas à descendre dans l’arène, intervenir dans les journaux et à la télévision ; c’est ce qu’on lui reproche, la plupart du temps sans lire ses livres et c’est dommage. Houellebecq, en 1998, avec « Les Particules élémentaires » a donné un grand coup de pied dans la fourmilière, avec son regard froid, décalé et sociologique sur la réalité contemporaine, souvent cruel et provocateur, mais qui a largement balayé le nombrilisme souvent reproché à la littérature française. Et son influence a été tout de suite visible : depuis, de nombreux écrivains  se sont attaqués à des sujets plus vastes et plus en rapport avec l’Histoire. Tel fut Jonathan Littell, avec son énorme et passionnant « Les Bienveillantes ».

 

Photo de Nina Houzel

 

 

 

Commentaires

En fait depuis le mouvement surréaliste, la mort de Breton et en dépit du Nouveau Roman voire de l'Oulipo, la littérature française donne le sentiment de s'essouffler. Sur les derniers mois, Robe-Grillet, Césaire et Gracq sont morts, c'est dire s'il n'y a pas là la fin d'un cycle.

Quignard a quand même une reconnaissance littéraire aujourd'hui, comme Jacques Darras, reconnaissance que n'a pas Houellebecq. Par contre, il est vrai que Sollers est très reconnu. Barthes expliquait que c'est le scolaire (en fait surtout l'universitaire) qui assure la survie des écrivains, qui détermine la littérature.

Il ne faut pas oublier non plus qu'on ne peut étudier un auteur qu'à la fin de son oeuvre. Imaginez critiquer Flaubert juste avec Madame Bovary, sans Bouvard et Pécuchet, ou L'éducation sentimentale...

Écrit par : Léopold | mercredi, 24 septembre 2008

Oui, et aujourd'hui le monde de l'image nous a tellement envahis et formatés que beaucoup voient tout de suite le film possible dans un livre, or certains livres (heureusement !) ne sont pas filmables !

Écrit par : Ray | mercredi, 24 septembre 2008

oui je découvert PAG et je me régale , je partage plus ou moins ton point de vue sur le reste , ( bouvier, duras, Beckett, mais ...) le reste ne m'emballe pas et je ne suis pas bienveillant,
la poésie et le théatre c'est différent , le polar sans doute aussi ,
chez moi la littérature française, hors la francophonie, sur-représentée, ( il ne faut pas s'approprier ce qui n'est pas à soi ) est sous représentée ;
il faut laisser la littérature se reposer ...; sans doute !
j'ai aimé précision sur les vagues de Darrieusecq;
bon à bientot

Écrit par : lam | mercredi, 24 septembre 2008

Un article passionnant avec lequel je suis tout à fait d'accord. C'est curieux comme il y a, comme pour les bons vins, ceux qui sont à boire rapidement et ceux qui se bonifient en vieillissant. Bises.

Écrit par : ariaga | mercredi, 24 septembre 2008

Oui c'est tout à fait ça, différentes sortes de plaisir ! Grosses bises

Écrit par : Ray | mercredi, 24 septembre 2008

Je partage votre admiration pour Beckett, Simon, qui ont accompli une rupture réussie, si j'ose dire, avec l'Histoire. Il y a un écrivain dont vous ne parlez pas et qui a traversé le siècle à pas patients, avec ses longues chroniques soucieuses du détail, proche de la souffrance des humbles et très grand ami de Camus, c'est Louis Guilloux. Lui, au contraire, a vécu cette période sans divorcé d'avec l'Histoire: le sang noir, le jeu de patience, le pain des rêves, batailles perdues...
Sollers, c'est autre chose. Pour tout vous dire je préfère Modiano ou Tournier, même si je ne suis pas fan. Quant aux Bienveillantes, après trois tentatives, j'ai renoncé.

Écrit par : solko | mercredi, 24 septembre 2008

Oui Henri Goulet dans son livre "Le roman jusqu'à la révolution" , a apport ,du renouveau et de la critique,son livre est riche en redécouvertes et d'analyses strictement littéraires .
Pour Philippe sollers , dans la revue Tel Quel , il a consacré un numéro spécial à l'oeuvre de Sade ,Roland Barthes publie plus tard Fourier et Loyola .
Il y a Tzvetan Todorov qui a consacré un essai remarquable à Laclos ...
Toutes ces analyses insistent sur l'aspect littéraire de l'oeuvre et montrent que sa valeur subversive tient autant à sa forme ,au statut de l'écriture ,qu'à ses déclarations d'athéisme ou à la violence de ses descriptions érotiques .
Ce que je reproche à la littérature de nos jours est de ne pas prendre compte de l'ennui causé par le rabâchage , le prêt à penser , l'auteur doit donner du plaisir ,de la réflexion et du vécu .
A titre d'exemple , je cite un passage de votre livre Ray LE SOURIRE DE CESANNE "La nuit est tombée doucement ,le temps ralenti ,calme la ville .Là-haut ,les bruits parviennent étouffés .Sourd mugissement du mistral ,respiration ,brusques surgissements,accalmies comme une eau plate au fond d'un bois ..."C'est beaaaaaaaaaau , ce n'est pas ennuyeux et chaque mot porte son sens , on en a marre d'aller jusqu'au bout de combien de phrases pour comprendre l'idée du texte ...
Pour le vécu je cite mon auteur fétiche , je suis bien contente qu'il se décide à sortir un livre cette année , je nomme Pierre Mérot ,il est resté égal à lui même depuis Mammifères .IL décrit ,écorché vif , dans son nouveau roman Arkansas ,"la masse d'instants "de sa vie...

Écrit par : soulef | mercredi, 24 septembre 2008

Pour moi Lous Guilloux c'était plutôt la génération d'avant, celle de Camus justement, celle des grands aînés justement, qui a tant marqué que la suivante a ressenti un grand vide. Je ne connaissais pas Pierre Mérot Soulef, merci de nous le faire découvrir, cette "masse d'instants"...

Écrit par : Ray | jeudi, 25 septembre 2008

A Soulef, n'est-ce pas plutôt le 18èmiste Henri Coulet qui a publié le roman jusqu'à la révolution ainsi que des préfaces sur des ouvrages majeurs du 18ème?

La réhabilitation des Sade et Laclos n'a été que tardive même si Stendhal et Baudelaire ont écrit sur Laclos. Sollers, brille souvent dans ses articles sur le 18ème.

Je vous rejoins sur votre analyse du roman. Merci de citer Ray.

Écrit par : Léopold | jeudi, 25 septembre 2008

Si nous pensons les choses en terme de générations, il faut alors reconnaitre que celle dont vous parlez n'a pas vécu les mêmes choses que la précedente, ni dans le même type de société, et chercher dans le contexte les différences, pas dans les oeuvres. Pour moi, parmi "les jeunes", c'est Perec, alors, qui me parait "surnager" - mais vous dites qu'il ne vous a pas emballé. Voyez, nous en sommes réduit à discuter nos goûts, - moi Sollers me laisse indifférent - : c'est bien la preuve qu'il a un malaise, et que ce malaise est consubstantiel à l' ère de la consommation, pas nécessairement à la critique ou à la littérature elle-même.

Écrit par : solko | jeudi, 25 septembre 2008

@Léopold , c'était la période de ce qu'on appelait la littérature des Lumières , Henri Coulet lui consacre "le Roman jusqu'à la Révolution" en le publiant en 1967.

Écrit par : soulef | vendredi, 26 septembre 2008

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