vendredi, 14 mars 2008
Paul Klee et Pierre Boulez, une exposition à Bruxelles
"Si vous n'êtes préoccupé que par votre propre univers, vous finissez par tourner en rond faute d'arriver à trouver des solutions qui vous satisfassent, parce que cet univers devient trop familier. C'est pourquoi j'ai toujours essayé de regarder ailleurs, de façon à voir les solutions que les autres trouvaient à leurs problèmes, pour voir si je pouvais transposer ces solutions. Quand j'ai vu les cours donnés par Klee au Bauhaus, j'ai constaté que ce qu'il disait sur la perspective, sur la couleur, sur l'espace, sur la divisibilité ou l'indivisibilité pouvait se rapporter à la musique. La perspective, par exemple, c'est le temps en musique. Mais il reste une grande différence entre peinture et musique : là où la peinture peut être absorbée d'une seule traite - vous regardez un tableau, vous en avez une perception globale - la musique ne peut être absorbée que rétroactivement, de l'effort que vous faites pour concevoir un ensemble au départ d'une suite de perceptions instantanées. Vous êtes obligé de passer par toute l'œuvre avant de savoir ce qu'elle veut dire, d'où elle vient et où elle va : c'est ce qui rend la compréhension de la musique contemporaine plus difficile que celle de la peinture contemporaine."
Pierre Boulez
Pierre Boulez découvrit l'œuvre de Klee en 1948 et lui consacra un livre majeur : "Le pays fertile", allusion à une célèbre peinture de Klee réalisée après un voyage en Egypte et montrant le damier des champs autour du Nil. Ici, pas de figuration au sens propre, mais Klee réinvente ce damier en y mettant un rythme tout musical.
Rapport intime à la musique
Klee, né près de Berne, d'un professeur de musique et d'une chanteuse, se voyait d'abord musicien, il restera toute sa vie un excellent violoniste (un instrument qu'il jouait depuis l’âge de 6 ans). Il jouera dans un orchestre symphonique et continuera toute sa vie à jouer chaque jour une heure de violon. Son père, despote domestique, voulait qu'il devienne musicien, il choisit la peinture, aussi pour se démarquer d'un père si puissant.
Klee nourri par les sciences
De la même façon que le musicien Boulez a été nourri par le peintre Klee, le peintre Klee a-t-il été, comme tente de le démontrer le reste de l'exposition bruxelloise, nourri par sa fréquentation des autres arts, musique et théâtre pour commencer ? "Je pense qu'il a surtout été nourri par les sciences. Il a puisé des idées par exemple dans la botanique, le processus de croissance des arbres, et la façon dont une feuille reproduit à l'infime le développement d'un arbre. Il a aussi tiré de l'architecture des idées pour relativiser la perspective, les notions d'espace ou de divisibilité de l'espace. Je ne suis pas sûr par contre qu'il ait beaucoup tiré de la musique, où ses goûts étaient plutôt conservateurs : on croit toujours que quelqu'un qui est aventureux dans un domaine l’est dans tous les domaines, alors qu'il a au contraire besoin de se rassurer dans d'autres domaines." Et quand on demande à Boulez, musicien sans nul doute aventureux, dans quels domaines il a besoin de se rassurer, il confie : "Les sciences ! Leurs avancées sont souvent vertigineuses, et je préfère parfois ne pas y songer."
L'épitaphe que Klee avait demandé de placer sur sa tombe est restée célèbre : "Je suis insaisissable dans l'immanence. Car je réside aussi bien chez les morts que chez les êtres qui ne sont pas encore nés. Un peu plus proche du cœur de la création qu'il n'est habituel. Et cependant pas autant que je le souhaiterais."
"Paul Klee, le théâtre de la vie", au Palais des Beaux-Arts, à Bruxelles, jusqu'au 11 mai. Tous les jours sauf lundi, de 10h 18h. Jeudi, de 10 h à 21h.
00:10 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : peinture, musique, paul klee, pierre boulez
Commentaires
Boulez nourri par Klee, Klee nourri par sa fréquentation des autres arts, musique et théâtre pour commencer, nourri par les sciences... Toujours essayé de regarder ailleurs, de façon à voir les solutions que les autres trouvaient.
Et pour moi cher Raymond qui me lance dans cette nouvelle audace de l'Art-thérapie je me nourri de tes arts-croisés, de tes regards ailleurs...ce mets là fut délicieux, une de mes racines arabes m'a donné l'envie de roter, honneur exprimé lorsque le repas fut apprécié... Bises. Hélène O
Écrit par : Hélène | vendredi, 14 mars 2008
Ce Klee, il me fait toujours penser à la Tunisie...
Excellente journée à toi aussi, amigo!
Écrit par : Bona | vendredi, 14 mars 2008
Moi, il me fait penser a l'Allemagne et au Bauhaus...
Bonjour les Amigos! Besos
Écrit par : nin | vendredi, 14 mars 2008
"Je pense qu'il a surtout été nourri par les sciences. Il a puisé des idées par exemple dans la botanique, le processus de croissance des arbres, et la façon dont une feuille reproduit à l'infime le développement d'un arbre. Il a aussi tiré de l'architecture des idées pour relativiser la perspective, les notions d'espace ou de divisibilité de l'espace" :
Nourri par la nature, indéniablement (« l’artiste est un homme, il est lui-même à la fois nature et élément de la nature dans l’espace de la nature »).
Aussi : « Avec le zèle d’une abeille, je récolte dans la nature les formes et les perspectives ».
D'ailleurs il possédait de nombreuses collections -papillons, mollusques, oursins, écorces d'arbres etc..-pour ses études de formes et composition. Voici, en guise d'illustration, une photo de l'un des coffrets où il disposait ses mousses, feuilles, capsules à graines (en La Pensée Créatrice).
http://aycu10.webshots.com/image/48849/2003328822331886428_rs.jpg
Salutations !
Écrit par : Véa | samedi, 15 mars 2008
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