mardi, 27 février 2007
Chrnoniques d'une élection (31)
Tournis
Elle monte ou elle descend ? Elle décroche ou elle se reprend ? Elle dévisse ou elle se hisse ? Ségo, ces temps-ci, nous donne un peu le tournis, pas elle spécialement, non, mais bien la manière dont l’information la traite. Sondages ou pas, chiffrages ou pas, je m’en tiens, moi, à ses moments d’émotion, quand elle dit « ardente obligation », « chevillée au corps », « j’en fais le serment ». Cette ardeur, ce corps, ces serments me parlent. Qu’elle soit en rouge ou en blanc (le blanc est plus performant), elle se met à incarner, elle convoque du sacré, elle est maman, elle a des enfants, nous sommes tous des enfants, elle appelle, elle veille, elle guérit, elle se penche, elle gronde, elle console. Qui a peur de maman ? Beaucoup de monde, mais pas moi. Je devine à quel point le rôle est épuisant, fastidieux, désespérant, monotone. Etre une femme est déjà très compliqué, mais être une jolie femme politique, et une maman qui veut devenir présidente de la République française, c’est un comble. Que de soucis, que de fatigue, derrière ce sourire éternel ! Comme elle doit être rompue, tard, le soir, dans son bain, la pauvre Ségo! Et il faut recommencer le lendemain, les débats, les télés, les participants plus ou moins chiants, les réunions inutiles, le désordre, le poids des éléphants à porter, les jalousies de coulisses, les prétentions montantes, bref le bordel du pouvoir. Mettre un peu d’ordre juste dans tout ça, et jusque dans la société ? Faire enfin tenir tranquilles les enfants à table? Ils parlent tous en même temps, on ne s’entend plus, et ce sera encore pire demain, à l’Élysée, si Dieu la conduit jusque-là, même s’il n’existe pas. « Tiendra-t-elle ? », titre un magazine, laissant entendre par là qu’elle ne tiendra pas. Pour la beauté et le suspense du roman en cours, moi, j’ai envie qu’elle tienne. L’imprévu, c’est elle, la vraie révélation des passions, encore elle. Ça s’écrit tout seul, et c’est passionnant. Titre: La bienveillante. Si ça marche, ce sera un best-seller, surtout à l’étranger. Ségo ? Un grand produit d’exportation littéraire.
Intellectuels
C’est là qu’on voit à quel point les intellectuels séduits par Sarkozy sont peu écrivains. Ils veulent sourdement de l’ordre, ils ont peur des rebondissements de l’intrigue, de cette odeur de femme qui met les imaginations en émoi. Ils ne croient plus à leurs discours abstraits, les pauvres. Il y a longtemps qu’ils ont abandonné la philosophie pour la morale à tout bout de champ. Remarquez, Sarkozy n’est pas n’importe qui : il court, il court, il est passé par ici, il repassera par là, il est de plus en plus fluide, poisson, insecte tenace, beaucoup plus intéressant que ses partisans qui, rassemblés, font un peu croque-morts ou syndicat des pompes funèbres. C’est un fils de père, Sarko, et il est pressé de prendre la place du bon vieux Chirac qui, lui, désormais, rêve de Ségo. L’intellectuel se voit toujours conseiller du prince, c’est-à-dire homme du cardinal, alors que l’écrivain est fondamentalement du côté de la reine, c’est plus amusant, plus mousquetaire, plus gratuit, plus insolent. Alexandre Dumas vote Ségo, aucun doute. L’imagine-t-on se ranger derrière l’oncle Bayrou aux grandes oreilles, même si ce dernier est agrégé de lettres ? Avoir un faible pour le poussif Le Pen, devenu star médiatique, lequel veut rétablir la peine de mort et la guillotine ? Ce plébéien de choc n’a pas froid à l’œil en demandant qu’on réutilise la sinistre machine qui a tranché le cou délicat de Marie-Antoinette ! Quelle honte ! Quel dégoût ! Quoi qu’il en soit, si l’intellectuel, même sérieux, penche vers Sarko, c’est probablement à cause de l’absence de femmes présentables dans son équipe. Vous n’allez pas me dire qu’Alliot-Marie est réellement une femme. Il y en a bien une, dans l’ombre, mais là, le mystère du cardinal Sarko est total. Tous ces hommes sont vêtus de noir, et je préfère le bleu de Gascogne. Vive la reine, messieurs ! Ségo à Versailles ! Et sortons une bonne fois pour toutes des vieilleries françaises contradictoires, représentées par le choix cocasse de Roger Hanin, lourd Navarro: au premier tour Marie-George Buffet, au second Sarko. Tout un poème.
Extraits du Journal du Mois, Philippe Sollers, Le Journal du Dimanche, 25 février 2007
08:05 Publié dans Présidentielles 2007 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, présidentielles2007, Ségolène Royal
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