samedi, 10 février 2007
Joie et humilité
"Aussi est-ce bien la définition même de la joie que ce balbutiement, qui implique la reconnaissance de l'impuissance à penser ce qu'on éprouve et le renoncement à toute forme de maîtrise intellectuelle de l'existence. En ce sens, une des vertus constitutives de la joie paraît être l'humilité. Humilité qui ne signifie pas le renoncement à quelque éclat que ce soit, mais seulement l'acceptation de l'artifice : l'aveu que le plus brillant éclat ne peut appartenir qu'à l'ordre du temps et des faits, c'est-à-dire, dans le meilleur des cas, à un présent un peu prolongé. Cette humilité manqua, on le sait, à Pascal (d'où l'issue religieuse); mais ne manqua pas à certains philosophes très proches de Pascal, Lucrèce et Nietzsche par exemple. Car il faut ici distinguer entre la formule morale et religieuse ("Soyez d'abord humbles, et, vous verrez, le bonheur suit"), et la formule jubilatoire ("Soyez d'abord heureux, et vous serez nécessairement humbles"). La deuxième formule est plus sûre que la première : car la joie garantit l'humilité (Nietzsche), tandis que l'humilité ne garantit pas la joie (Pascal)."
Clément Rosset, L'anti-nature
Photo : Gildas Pasquet gildaspasquet@gmail.com
00:15 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Philosophie, Clément Rosset, joie, humilité
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