jeudi, 11 janvier 2007
Une sorte d'amitié
« Mais d'abord, je veux revoir mon pays... Tout d'un coup, la vue est immense et découvre des crêtes crayeuses doucement infléchies, comme modelées, atténuées par un long travail, et, plus loin encore, des ondulations bleues que l'horizon dilue. Les noyers, bouquets de feuillages piqués dans les vignes, les champs et leurs teintes de vieille tapisserie, les peupliers dans les bas-fonds ont je ne sais quoi de grave sous la lumière onctueuse d'octobre. Parmi tant d'aménité on sent poindre le sol de craie et comme la nudité du proche hiver. Rien ne frappe d'abord, même la lumière, dans ce pays sans pittoresque, à la fois verdoyant et un peu désertique, souriant et infiniment triste, où l'homme invisible est si mêlé à la terre. Mais ce n'est pas le sentiment d'une beauté secrète, inventée peu après, qui me plaît c'est la certitude d'une beauté réelle garantie par son dénuement exquis. Elle n'est saisie que par une longue connaissance et une sorte d'amitié. »
Jacques Chardonne
21:35 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, Jacques Chardonne
Commentaires
Superbe réflexion.
En fait, la beauté d'un pays est faite avant tout de nos impressions et de l'affect qui s'y rattache en harmonie avec les paysages. Moi je n'ai de meilleurs souvenirs que des instants passés ici ou ailleurs, auprès des enfants, auprès des gens que j'aime.
Chaque image intimement liée, elle magnifie toute la beauté, l'originalité d'une contrée, d'un pays. Reliée au paysage lui-même, toujours attachant, toujours incroyablement présent.
Écrit par : endora | samedi, 13 janvier 2007
que c'est beau et généreux ce texte , endora , cette générosité de voir et d'être au milieu de tout ce qui vit
Écrit par : aloredelam | samedi, 13 janvier 2007
Et voilà sur quoi Proust a construit son Grand Oeuvre !
Écrit par : Ray | samedi, 13 janvier 2007
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