Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 26 novembre 2006

Tout au plus pour se suffire moralement

medium_delvaux.jpgEncore une fois, tout ce que nous savons est que nous sommes doués à un certain degré de la parole et que,
par elle, quelque chose de grand et d’obscur tend impérieusement à s’exprimer à travers nous, que chacun
de nous a été choisi et désigné à lui-même entre mille
pour formuler ce qui, de notre vivant, doit être formulé.
C’est un ordre que nous avons reçu une fois pour toutes
et que nous n’avons jamais eu loisir de discuter.
Il peut nous apparaître, et c’est même assez paradoxal,
que ce que nous disons n’est pas ce qu’il y a de plus nécessaire à dire et qu’il y aurait manière de le mieux dire. Mais c’est comme si nous y avions été condamnés
de toute éternité. Écrire, je veux dire écrire si difficilement, et non pour séduire, et non, au sens où on l’entend d’ordinaire, pour vivre, mais, semble-t-il, tout au plus pour se suffire moralement, et faute de pouvoir rester sourd à un appel singulier et inlassable, écrire ainsi n’est jouer ni tricher, que je sache.


André Breton,
Légitime défense (1926), repris dans Point du jour, pp. 55-56.
Paul Delvaux, Le viaduc

Les commentaires sont fermés.