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samedi, 24 septembre 2005

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 10

Tout ce petit monde se croisait un moment l’autre de la journée au comptoir de Chez Brunetti, pour le croissant-crème du matin, au Ricard mominette sur le coup des midi, aux petites mousses fraîches d’après sieste et discutait boutique en passant, échangeait à la va-vite des points de vue à l’emporte-pièce sur quelques faits insignifiants ou se fixait rapido d’impérieux rendez-vous d’affaires pour d’improbables autres fois, ainsi sans discontinuer jusqu’en début de soirée où, une certaine accalmie succédant au remue-ménage de la ruche, nous nous retrouvions le plus souvent entre habitués sous l’œil bienveillant du père Joseph encore affairé aux fourneaux pour son ultime bassine de frites tandis que Renée emplissait les verres et distribuait les chopines, chacun y allant de son commentaire sur les menus événements du jour, le grand Raymond déjà tirant des plans sur la comète pour des lendemains qui, c’était à n’en point douter, pour tous se mettraient certainement à chanter, Fort et pas qu’un peu! comme il disait toujours.

 

À l’heure qu’il est le grand Raymond arrondit sans doute son ardoise à lamper quelques tardives mauresques ou gangadines glacées au bar de chez Saint Pierre en compagnie peut-être, allez savoir!, de Ginette toujours dans les nuages, d’un ou deux vieux ronchons du temps jadis, du père Carmet, pourquoi pas ?, et de toute la famille Duraton au grand complet cependant que les lendemains, devenus subitement des aujourd’huis sans saveur, en loques se traînent, essoufflés, au cul du capital suçotant du bout de pailles en plastoc des canettes de coca-cola dans la lumière carcérale d’anonymes cafétérias.

 

Le complot des banques et des beaufs, si vous voulez que je vous dise, est d’en finir une bonne fois pour toutes avec ces petits estancos à camarades où, dès la première tournée, on fraternisait d’emblée à tout partager et dans l’effervescence de discussions bien arrosées chacun à sa manière remodelait alors le monde de fond en comble jusqu’à deux heures du matin heure à laquelle, la solution de l’anarchie solidement établie, dans le bienfaisant engourdissement des flacons éclusés nous gagnait lentement une certaine somnolence qui nous portait peu à peu à une parfaite sérénité. De cela ils ne veulent pas. De cela ils ne veulent plus entendre parler, jamais. Plus jamais ça!, c’est leur devise, sans rigoler.

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

Photo : Robert Doisneau

14:05 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (7)

Commentaires

Je crois qu'il est simplement lucide, ce que d'autres ont appelé le règne de la marchandise est en train de tout écraser, réguler, laminer : il ne restera plus que sexe et fun, comme dit Houellebecq, une génération de kids définitifs, c'est en route !

Écrit par : Ray | samedi, 24 septembre 2005

Mais arrêtez de perdre votre temps à pleurer les mecs. C'est vous qui êtes déprimants!
Bien sûr que tout n'est pas rose mais on a une chance infinie de vivre ici, même si plein de choses vont de traviole!

Écrit par : Calou | samedi, 24 septembre 2005

Je ne suis pas du tout déprimé, lucide ne veut pas dire déprimé, au contraire, Youpi !

Écrit par : Ray | samedi, 24 septembre 2005

Je préfère être une lucide rêveuse qui passe son temps à colorier les nuages du quotidien plutôt que noircir le présent pas fôlichon à coups de bon vieux temps où tout allait si bien pas vrai ? (et toutes les guerres et tout et tout et tout ce que vous vous glossez à oublier consciencieusement; vous me faites penser aux amnésiques des temps modernes...) Youpi !

Écrit par : Calou | samedi, 24 septembre 2005

"Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui!"
Mallarmé

Écrit par : Ray | samedi, 24 septembre 2005

"La plupart des papillons pondent leurs œufs en plein vol et les laissent tomber au hasard dans l’herbe. Jamais nous ne prêtons l’oreille à ces bombardements infimes qui entretiennent pourtant un dérisoire et précaire discours."
JM Maulpoix

Écrit par : Calou | samedi, 24 septembre 2005

Implexe, adj. Se dit d'un ouvrage dramatique composé d'événements variés, mais liés naturellement au sujet. Par extension, toute œuvre littéraire dont l'intrigue est compliquée.
Dramatique, varié, un (unique) sujet, compliqué, intriguant ? Toute ressemblance avec une personne existant ou ayant existé est pure couac-cidence, bien sûr. Faut pag exagérer, non plus !

Écrit par : J.-J. M. | dimanche, 25 septembre 2005

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