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mardi, 20 septembre 2005

Extraits inédits de "Friterie-bar Brunetti" - 4

 Salut! fringants petits Rimbaud d’à peine vingt ans se roulant à pleins poils dans la poésie au profond des rouges moleskines des bouis-bouis de banlieue, composant les doigts dans le nez d’extravagants limericks sur de minuscules carnets quadrillés, rêvant de fleuves aux eaux vertes et d’Indiens Spokanes des bords de Marne ou alors s’inventant d’aveuglantes amours, l’été, dans le frais clair-obscur des tavernes, on ne vous reverra plus tirer sur vos pipes en écume à tête de mort et prendre des poses de parnassiens pour une postérité de carnaval, ils vous auront balayés avec les derniers clopinards du faubourg et condamnés à un avenir de grouillots ou d’apprentis pharmaciens. Il ne vous restera plus, dès lors, qu’à aller téter sous les néons d’anonymes drugstores l’amer chicotin du capital et vous purger avec cette mixture de toutes vos chimères.      
       Adieu aussi gentils pochards en perpétuel manque de piccolo, Cep Vermeil ou divin Grappe Exquise, qui débarquiez dès l’ouverture, le corps rompu, la guibolle déjà titubante et le tarin violacé pour vous arrimer au navire, y trouver l’écoute bienveillante du bistroquet ou de quelque habitué de la maison, suivre d’un œil hagard les parties de zanzi en bout de bar et oublier un temps détresse et solitude en vous insérant dans la grande famille des tâte-vin du coin. Avec le canon de rouge, parfois de rosé pour frimer, il arrivait qu’un brave type vous paye en passant l’œuf dur à casser sur le comptoir d’étain en guise de trompe-faim et, d’une fraternelle bourrade, vous rende votre fierté d’être humain vous rabibochant ainsi un instant avec la vie ; votre trogne alors un peu plus s’enluminant telle, en proie à l’émotion, celle d’un gamin. Ces havres de grâce tombés dans les filets d’aigrefins de la finance, sabordés par leurs promoteurs pour être aussitôt transformés en nickel salons de thé, boîtes à fringues ou cabinets d’affaires, vous n’aurez d’autre issue qu’aller pleurer misère dans la rue et, les jours à crever de froid, aux portes cochères cacher sous un amas de cartons le malheur crasse des parias qui tant offense la délicatesse du bourgeois.

       Ciao Domi, Joseph, Loulou, Frédo!… Séfarades de la cotonnade chamarrée, Arabes du couscous mouton, taxis de la place du Pont!… Le torchon toujours négligemment jeté sur l’épaule et sans cesse râlant contre ce satané robinet du bac à vaisselle qui goutte et goutte sans qu’on puisse rien y faire, Renée déjà se doutait bien que tout cela allait s’enfuir  comme dans un mauvais rêve et tourner pour finir à la totale déconfiture. Funeste prémonition de fin du monde!

(Extrait de "Friterie-bar Brunetti" : Pierre Autin-Grenier, à paraître le 6 octobre chez l'Arpenteur)

Tableau de Ibrahim Shahda (1929-1991) : Portrait de Pierre Autin-Grenier sur fond bleu : voir ici son site

      

00:10 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Ça ne l'arrange pas, P.A.G., ce tableau [Qu'est-ce qu'on lui injecte dans l'oreille avec cette seringue ?]. Il est encore moins beau qu'en photo. Ça va certainement me faire un choc l'été 20xx quand je passerai prendre un pot chez lui, de le découvrir en vrai réel vivant !

Ray, j'espère que tu vas passer l'intégrale du recueil, comme ça on ne devra pas l'acheter.

Écrit par : Rick Hunter - Président des saoulréalistes du Hainaut | mardi, 20 septembre 2005

Oui il faudra que tu sois fort ! C'était les bonnes feuilles comme pour WB, t'as vu il suffit de prononcer son nom pour que les esprits s'échauffent (c'était pour rire Calou, tu peux revenir, c'est comme dans Asterix on s'aime bien quand même)

Écrit par : Ray | mardi, 20 septembre 2005

Les commentaires sont fermés.