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vendredi, 04 septembre 2020

La pièce se joue sans nous

EgL0gO_WsAEwHok.jpgLe vent avait forci. Quand il souffle, on peut croire que tout est déplaçable, en suspens. Au milieu de ce grand cirque, avec le ciel immense, en décor de théâtre, on a continué de parler. Une façon de dévorer l’autre. A notre première rencontre au Mexique, j’avais eu l’impression déjà que tout se figeait, on devenait imperméables à tout mouvement. De nouveau, presque palpable, une corde sensible, tendue entre nous, entrait en résonance chaque fois qu’on la frôlait. Et on avait envie de la frôler souvent. Pas trop pour ne pas l’agacer et brouiller son mouvement mais c’était troublant, cette vibration, les abîmes qui se creusaient parfois où s’engouffre le désir, on observait l’attirance grandir, deux aimants cherchant inutilement à se retenir.
Certaines inflexions de voix, des images communes apparaissaient brusquement dans la conversation. Pourtant peu de choses, a priori, nous reliaient. Ces balises, incertaines d’abord, s’allumaient au fur et à mesure comme des harmoniques. Elle hésitait toujours entre l’exubérance et la discrétion. Parfois, elle voulait aller tellement vite vers l’autre qu’elle brûlait les étapes, une question à double sens ou un brin d’ironie la prenait en défaut, elle essayait par tous les moyens de se rétablir, craignant que le monde lui échappe. On est tous comme ça à un moment, avec cette peur que la pièce se joue sans nous, et pourtant elle se joue sans nous.
Le Bonheur est un drôle de serpent, roman, extrait, Raymond Alcovère, Lucie éditions, 2009

Commentaires

J'aime beaucoup ce beau texte.

Écrit par : Marcel Peltier | samedi, 05 septembre 2020

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