dimanche, 02 avril 2017
Elle resplendit de son rien
"La jeune comtesse de Chinchon : déjà ce nom ! Goya l'enveloppe et la fait surgir. Elle est là, dans un fauteuil dont elle ne sortira plus, dans sa robe de taffetas blanche, juste posée dans la soie, petit bout de soulier en bas, comme si elle tirait la langue. Duex bagues, des bras, un coude, une drôle de petite plante verte sur la tête. Ce n'est pas la duchesse d'Albe, dont la nudité peut encore faire rêver des adolescents avisés, mais une curieuse poule aristocratique, à la bêtise inébranlable et sympathique, vive, aigüe, méchante, innocente (petits yeux noirs lumineux tournés vers la gauche). Elle se laisse prendre par son peintre dont elle ignore absolument le génie, il entre dans son bonnet de dentelle, sa nacre, sa chasteté fade, bouclée. Cette comtesse va vieillir très vite, elle ressasse déjà les platitudes de son temps, elle va rejoindre les vieilles sorcières venimeuses et macabres, mais, pour l'instant, elle est sauvée par les conventions, le protocole. Que serait-elle aujourd'hui ? Une petite-bourgeoise, peut-être ministre. Là, elle vaut beaucoup, et elle ne vaut rien. Elle resplendit de son rien."
Goya, La Comtesse de Chinchon
Sollers, Les Voyageurs du temps
12:56 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : goya
Commentaires
Ai beaucoup apprécié. Encore !
Écrit par : COLLIGNON | dimanche, 02 avril 2017
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