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vendredi, 06 mars 2015

Dico de bord (extrait 15)

dico de bord, Guy Debord, société du spectaclePour clore cette première partie d'extraits du ‪#‎Dicodebord‬, celui qui lui a donné son nom : Debord (Guy) extrait 15
La Société du Spectacle, publié en 1967, s’est avéré prémonitoire. Ce que nous vivons y est décrit par le menu et analysé. En voici le début : « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. Les images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent dans un cours commun, où l’unité de cette vie ne peut plus être rétablie. » Un peu plus loin : « Alors que dans la phase primitive de l’accumulation capitaliste, l’économie politique ne voit dans le prolétaire que l’ouvrier, qui doit recevoir le minimum indispensable pour la conservation de sa force de travail, sans jamais le considérer dans ses loisirs, dans son humanité, cette position des idées de la classe dominante se renverse aussitôt que le degré d’abondance atteint dans la production des marchandises exige un surplus de collaboration de l’ouvrier. Cet ouvrier soudain lavé du mépris total qui lui est clairement signifié par toutes les modalités d’organisation et surveillance de la production, se retrouve chaque jour en dehors de celle-ci apparemment traité comme une grande personne, avec une politesse empressée, sous le déguisement du consommateur. » Il élargit ensuite et précise le propos : « La première phase de la domination de l’économie sur la vie sociale avait entraîné dans la définition de toute réalisation humaine une évidente dégradation de l’être en avoir. La phase présente de l’occupation totale de la vie sociale par les résultats accumulés de l’économie conduit à un glissement généralisé de l’avoir au paraître, dont tout avoir effectif doit tirer son prestige immédiat et sa fonction dernière » : Étonnant Guy Debord, intransigeant, implacable ; sa vie aura été une suite de fulgurances, il savait et a mis en pratique le fait que tout groupe subversif est « égaré, provoqué, infiltré, manipulé, usurpé, retourné. » Dans les Commentaires sur la Société du Spectacle, en 1988, il pressent la chute du Mur de Berlin et l’arrivée du « spectaculaire intégré » qui va régner sans partage sur la planète, par le renouvellement technologique incessant, l’absorption de l’Etat par le marché, le modèle mafieux qui s’étend dans le champ politique et l’abolition de toute conscience historique. « Assez fréquemment, les maîtres de la société se déclarent assez mal servis par leurs employés médiatiques ; plus souvent, ils reprochent à la plèbe des spectateurs sa tendance à s’adonner sans retenue, et presque bestialement, aux plaisirs médiatiques. On dissimulera ainsi, derrière une multitude virtuellement infinie de prétendues divergences médiatiques, ce qui est tout au contraire le résultat d’une convergence spectaculaire voulue avec une remarquable ténacité. De même que la logique de la marchandise prime les diverses ambitions concurrentielles de tous les commerçants, ou que la logique de la guerre domine toujours les fréquentes modifications de l’armement, de même la logique sévère du spectacle commande partout la foisonnante diversité des extravagances médiatiques. » Debord est nourri des classiques, il s’exprime dans une langue ample et précise. L’assassinat toujours inexpliqué de son éditeur, Gérard Lebovici, l’a beaucoup affecté : il se suicidera quelques années plus tard.
(Raymond Alcovère : ce livre de bord, construit sous la forme d’un abécédaire, fait le tour de tout ce qui me tient à cœur, m’a construit : noms communs, mais aussi lieux, femmes et hommes célèbres, écrivains, peintres, musiciens. Les « définitions », nourries de nombreuses citations, ont des dimensions très variables : entre une ligne et trois pages)

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