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samedi, 03 septembre 2011

L'enchanteur

Chateaubriand.jpg" La plupart des écrivains d’aujourd’hui sont contre nous, parce qu’ils ne sont pas avec nous : ils ne sont pas des écrivains ; c’est dire qu’ils pèchent contre la langue, laquelle seule importe, d’une certaine façon - contrairement à celle dont ces écrivains veulent exister : en oubliant la langue, en faisant comme si elle n’existait pas, ou qu’elle soit un simple outil de communication : autant dire qu’ils s’oublient eux-mêmes, puis-je avancer, notant cela tandis que le soleil se lève, devant moi, entre l’îlot du Grand Bé, où est enterré un des plus grands artiste de notre langue, et Saint-Servan, à droite, où gît la femme qui l’a mis au monde : angle magnifique dans le compas solaire de l’amour filial et de la langue, dans ce nombre d’or de l’écriture, qui constitue la véritable sépulture de Chateaubriand, lequel repose dans le soleil levant dont sa langue a reçu la semence. Les mauvais écrivains, eux, dispersent au lieu de bâtir dans la lumière, et ils écrivent d’une main desséchée, que rien ne guérira. Qu’ils se haïssent les uns les autres, cela semble une loi du milieu littéraire, la plus basse, avec les serpents qui gardent le temple du Nouvel Ordre moral. Elle n’a pas de sens pour nous. Le désert du sens croît. Diviser les justes, multiplier les méchants, voilà à quoi travaillent nos ennemis, multipliant les pierres en lieu et place du pain, et nous reprochant, à vous comme à moi, de trop publier, c’est-à-dire d’exister. Ils voudraient que notre royaume se divise ici-bas et que nous n’atteignions pas au Royaume du Père. Ils prétendent que nous nous haïssons. Je suis pour ma part dépourvu de haine, mais non d’armes. Ils nous prétendent des imposteurs pour faire oublier qu’ils prêchent le faux. Je n’ai pas de posture d’écrivain : j’écris. La guerre n’est pas une posture mais un acte, comme l’écriture. Elle seule me définit, ou me vouera à l’oubli. Du moins serai-je resté fidèle à la douceur terrible de l’ange qui est en moi. "

Lettre à Philippe Sollers sur la haine et sur le diable / extrait / Richard Millet / L'Infini / 113 / Hiver 2011 / pileface.com

 

Commentaires

Cher Ray, je ne peux plus lire Millet du même oeil depuis que j'ai découvert sa Confession négative :
http://2009sediments.wordpress.com/2011/03/14/confession-repulsion/
Pour tout dire, il me fait horreur, et savoir qu'il est capable d'une grande intelligence, d'une réelle profondeur, et d'écrire magnifiquement, comme en témoigne cet extrait, ne fait qu'ajouter à ma répulsion.

Écrit par : elizabeth l.c. | dimanche, 04 septembre 2011

En effet ! je n'ai pas lu ce livre, peut-être vais-je le faire maintenant. Je connaissais les prises de position souvent très iconoclastes de Millet : ce qui est plutôt rare chez les écrivains par les temps qui courent ; mais cela n'autorise pas tout évidemment ; merci en tout cas de cette contribution, d'ouvrir le débat et la réflexion !

Écrit par : Ray | lundi, 05 septembre 2011

Je ne connais pas Millet et je dois dire que si il suscite une telle répulsion chez Élisabeth je n'ai pas tellement envie d'aller plus loin ... Bises.

Écrit par : ariaga | lundi, 05 septembre 2011

Hmm, nous voilà encore une fois face aux lecteurs-policiers : cet écrivain est suspect, suspect d'être... un être humain. Horreur, il faut à tout prix l'éviter, éviter l'humain, la complexité, le mal, ah oui, cela provoque la répulsion, toute cette intelligence au service d'une mauvaise cause, ah non, on en veut pas, prophylaxie oblige... Je comprends encore mieux les mots de Millet...

Écrit par : Non, merci | vendredi, 09 septembre 2011

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