jeudi, 03 décembre 2009
Regardez cette Sainte-Victoire
Elle se lève tôt le lendemain matin, ouvre la fenêtre. L’air, étonnamment doux, palpite au dessus des toits. L’ombre est grise encore. Une trouée dans le ciel orgeat, derrière Saint-Sauveur, plus ocre et violente au fil des minutes. Des vols de moineaux décrochent des toits avant de plonger dans les rues vides. Sa vie commence. Elle a dix-huit ans, mais avec le calme en plus. Elle ira posément dans la direction fixée, une certaine forme de doute n’a plus sa place. Gaétan dort tranquillement. Ses affaires, posées sur une chaise, sont animées d’une vie propre. Elle déborde d’un amour absolu envers lui, un amour qui ne remet pas en cause sa liberté. Le plus improbable est arrivé, il en est ainsi depuis les origines de l’univers. La même sorte de probabilité qu’un Cézanne existe.
Elle l’imagine, se levant de bon matin, préparer ses pinceaux et son chevalet, partir d’un bon pas, l’esprit en ébullition, ou très placide peut-être, à travers la campagne aixoise, tenter d’en saisir le mystère, le regard fixé sur la Sainte-Victoire. Regardez cette Sainte-Victoire, quel élan, quelle soif impérieuse de soleil et quelle mélancolie le soir, quand toute cette pesanteur retombe. Les blocs étaient du feu. Il y a du feu encore en eux. L’ombre, le jour a l’air de reculer en frissonnant, d’avoir peur d’eux.
Raymond Alcovère, Le Sourire de Cézanne, éditions n & b, 2007, extrait
La Montagne Sainte-Victoire au-dessus de la route du Tholonet
(avec pin parasol)
Huile sur toile, 73 x 92 cm - c. 1904
The Cleveland Museum of Art, legs de Leonard C. Hanna, Jr., 1958.21
© The Cleveland Museum of Art
00:15 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : raymond alcovère, le sourire de cézanne, cézanne
Commentaires
Cela ne se voit pas sur les repros (ne cherchez pas), mais Cezanne est vraiment un grand peintre, sa liberté d'écriture me redonne chaque fois confiance et me bouleverse souvent vers une émotion profonde. Une révolution pertinente... C'est rare...
Liberté, intelligence, sensibilité, ça t'a une de ces gueules ces mecs là...
"Mem' les plus chouett's souv'nirs ca t'a un' de ces gueules
A la Gal'rie j'Farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va tout' seule " Léo
Écrit par : jacki marechal | jeudi, 03 décembre 2009
Cher Raymond, ton dernier livre est bien arrivé à bon port. Merci pour la dédicace. Je t'envoie mon dû au plus vite. Encore toutes mes félicitations.
Écrit par : Frédérique M | jeudi, 03 décembre 2009
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