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dimanche, 19 avril 2009

Peau, un inédit de Pierre Autin-Grenier

DEMAIN2.jpgIl arrive que ne sachant plus quoi faire de ma peau je m’écorche vif, la plie ensuite avec soin et la dépose sur le dossier d’une chaise; me sentant soudain léger ainsi libéré de toutes apparences je peux alors attaquer la journée du bon pied. Il en faut vraiment peu parfois, bien mince stratagème, pour d’une humeur maussade devant le miroir du matin se retrouver en cinq sec réconcilié avec la vie et, claquée la porte derrière soi, prêt à de saines folies.

     J’ai connu des petits plaisantins qui changeaient de peau comme de chemise, au gré des circonstances, et sans voir que cela ne menait à rien car c’est bien en chair et en os qu’il convient de se montrer, le cœur à nu et tout le reste avec,  très simplement. Certains font ainsi peau neuve chaque jour ou presque ne se doutant que sous ce qu’ils prennent pour une nouvelle manière d’être perce toujours l’âme répugnante du reptile ou l’instinct sauvage du fauve. Ignorent-ils à ce point que sous ces peaux d’emprunt il y a belle lurette qu’ils ne trompent plus grand monde ?

     Certes ces journées d’écorché vif où mon vieux cuir cruellement tanné par les vicissitudes de l’existence reste en repos sur sa chaise à la maison, alors tout éclate à chaque coin de rue de ce qui m’anime pour de vrai; bonté ou crapulerie, sévérité ou gourmandise, saute comme une évidence aux yeux du premier venu et je ne puis rien dissimuler des sentiments que j’éprouve, encore moins feindre ceux que je n’ai pas. Il en résulte parfois quelque embarras, certains s’étant mépris de longtemps sur mon compte, méconnaissant jusque-là qui je suis et, m’ayant imaginé toujours bien disposé à leur égard, les voilà violemment dépités de me découvrir soudain les tenant depuis des lunes en piètre estime. À l’inverse, d’autres qui me battaient froid parce que me trouvant un air indifférent et dédaigneux, sous mon véritable jour me voyant curieux d’eux-mêmes et de leur opinion autant que soucieux de leur marquer ma déférence, ne me laissent plus une seconde pour souffler tant est pressante leur soif de me témoigner reconnaissance et amitié.

     Je suis bien obligé d’avouer parfois un peu harassantes ces heures passées à parcourir la ville avec seulement mon âme en bandoulière et nulle carapace pour me protéger du jugement toujours téméraire d’autrui. Retour chez moi je remets ma peau, souvent pour longtemps; le monde n’est pas prêt, voyez-vous, à souffrir sans broncher toutes nos vérités.

 

 

P.A.G

Extrait de « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) » inédit.

Photo de Ronan Barrot, qui expose actuellement à l'espace Fernet Branca, voir ici

Commentaires

Personne n'en veut
de nos carcasses
de nos poèmes
Chacun a déjà bien assez à faire
avec sa propre viande
qui lui tombe sur les bras

Écrit par : thoams | dimanche, 19 avril 2009

Il paraîtra quand, ce recueil inédit ?

Écrit par : Éric | dimanche, 19 avril 2009

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