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samedi, 17 mars 2007

1907...

medium_picasso_avignon_5B1_5D_jpg.jpgC'est l'année de la Révolte des Vignerons dans le Midi, et en même temps, à Paris, Picasso peint les Demoiselles d'Avignon (le tableau ne sera montré qu'en 1937)

« Elles sont là... Formidables, catégoriques, flambantes... Les femmes... Les vraies... Les enfin vraies... Les enfin prises à bras-le-corps dans la vérité d’une déclaration d’évidence et de guerre... Les destructrices grandioses de l’éternel féminin... Les terribles... Les merveilleusement inexpressives ... Les gardiennes de l’énigme qui est bien entendu : RIEN ... Les portes du néant nouveau ... De la mort vivante, supervivante, indéfiniment vivante, c’est son masque, c’est sa nature, dans la toile sans figure cachée du tissu... Pas derrière, ni ailleurs, ni au-delà... Simplement là, en apparence... jouies, traversées, accrochées, écorchées, saluantes et saluées, posantes, saisies par un professionnel de la chose... Un des rares qui ait eu les moyens d’oser... Le seul au XY" siècle à ce point ? Il me semble... À pic sur le sujet... Exorcisme majeur. » Les Demoiselles d’Avignon. Quel tableau... Comme c’est risqué, frappé ; comme c’est beau... Comme il fallait en vouloir pour faire ça, avoir envie de tout défoncer, de passer une bonne fois à travers le miroir et le grand mensonge. À travers tous les « il était une fois ». Comme il fallait être seul, séparé de tout, et en même temps sûr de sa force, de l’explosion imminente du fatras, de la croûte antérieure, précieuse, accumulée. Surface idéalisée, falsifiée, frivole, couche épaisse de projections molles, de sperme cent fois moisi, de psychismes usés, de clichés... Toute la cocotterie et la pruderie du XIXe, les ombrelles, les robes à volants, les intérieurs protégés... Comme il fallait parier sur son expérience dé jeunesse (il a vingt -six ans), Sur la joie de la prostitution gratuite pour soi seul, pour celui-là seul, l’élu, le protégé de ces dames... Sur la nudité fouillée, sans appel. " L’Olympia, veuve horizontale sur son divan ; Les Demoiselles, célibataires verticales ... Du cercueil blanc-rose à la mort debout...

Extrait de "Femmes" Philippe Sollers, 1983

Commentaires

Quel beau texte. Quelle vigueur dans le désespoir. Quel regressus final en "protégé" : exactement la tentation du corps social aujourd'hui, le désir de jouir in utero.

Écrit par : Alina | samedi, 17 mars 2007

... et à propos de prostitution, d'image, de spectacle etc, il y a un artiste transformiste qui veut incarner ma Lilith sur scène et qui dès hier soir, donnait en travesti une représentation privée de ce texte qui est assez en correspondance avec ton post, Ray :

http://www.nouveauxyeux.net/page/lilith-cueilleuse/

Écrit par : Alina | samedi, 17 mars 2007

Bonjour, je suis l'artiste transformiste, et je remercie alina de parler de mon projet.
La représentation d'hier a été reportée, trop peu de gens, mais ce soir même, je le joue près de Grenoble, dans un cadre privé aussi, dans une soirée cabaret avec une vingtaine d'autres artistes. Juste pour le plaisir, immense dans mon cas.
Mon personnage, transgenre, s'appelle Roozz Reine, apparaîtra ce soir mi-homme mi-femme, et va donc interpréter Lilith dans cet extrait qui me fait vibrer de haut en bas rien qu'à le lire... que du plaisir, je vous dis...
Et je suis très touché par le rapprochement avec cette peinture de Picasso et ce texte de Sollers, magnifique tous les deux, dans la même veine...

Écrit par : Vincent | samedi, 17 mars 2007

Bonne... veine pour ce soir, Vincent !

... et merci pour l'accueil(leuse), ami Ray !

Écrit par : Alina | samedi, 17 mars 2007

Oui bon spectacle, et merci d'être passée Alithina (comme disait Bona !)

Écrit par : Ray | samedi, 17 mars 2007

on peut l'avoir ce texte ? ou le voir , ou ....

Écrit par : aloredelam | dimanche, 18 mars 2007

" Ce que je voudrais vous faire sentir, c'est l'héroisme d'un homme comme Picasso, dont la solitude morale à cette époque (1907) était quelque chose d'effrayant, car aucun de ses amis ne l'avait suivi. Le tableau qu'il avait peint paraissait à tous quelque chose de fou ou de monstrueux. Braque qui avait fait la connaissance de Picasso par Apollinaire, avait déclaré qu'il lui semblait que c'était comme si quelqu'un buvait du pétrole pour cracher du feu, et Derain m'a dit à moi-même qu'on retrouverait un jour Picasso pendu derrière son grand tableau, tellement l'entreprise paraissait désespérée".

Daniel-Henry Kahnweiler
propos sur "les demoiselles d'Avignon"

Écrit par : bernard | lundi, 19 mars 2007

C'est en peignant son grand tableau qu'il a évité de se pendre.

Écrit par : ;;; | lundi, 19 mars 2007

Merci pour les infos !

Écrit par : Ray | lundi, 19 mars 2007

Les commentaires sont fermés.