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samedi, 10 juin 2006

La Chevelure

medium_parisiennes_in_algerian_dress.jpgO toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.


J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé!

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?

Baudelaire, La chevelure

Renoir, Parisiennes habillées en algériennes, 1872

07:09 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Littérature

Commentaires

C'est le tout premier poème que j'ai du lire vers 13, 14 ans, qui m'a fait peindre et surtout qui m'a révélé que les mots étaient des objets sensuels .
Agréable, de revenir incidemment à ces premières sensations.

Écrit par : aa | samedi, 10 juin 2006

Baudelaire est inépuisable, un peu comme Lafontaine, on peut prendre au hasard un des poèmes, et on presque sûr d'y découvrir des trésors, des trésors qui sont en nous...

Écrit par : Ray | lundi, 12 juin 2006

"des trésors qui sont en nous..."

oui, quelquechose s'entr'ouvre qui initie le mouvement ....

Écrit par : aa | lundi, 12 juin 2006

On ne crée rien, on compose...

Écrit par : Ray | lundi, 12 juin 2006

Baudelaire est le poète par excellence.

J'adore aussi ses journaux parce qu'on y découvre l'homme dans sa complexité et ses rigidités.

Un être complexe. Si j'essayais de l'identifier à un contemporain, Dufhilo lui serait assez proche.

Son journal n'est pas littéraire dans le sens où il n'est pas rédigé. Il y a des perles, des bijoux, des phrases qui pendant dans le vide mais qui occupent l'esprit, y restent et résonnent durablement.On y retourne. Attention mesdames, cet homme fut un caractère particulièrement tranché.

http://www.bmlisieux.com/archives/coeuranu.htm

Écrit par : Qwyzyx | lundi, 12 juin 2006

N'oublions pas :

" "Qu'on ne me touche pas, je suis inviolable !"
Dit la Belgique. - C'est hélas ! incontestable.
Y toucher ? Ce serait, en effet, hasardeux,
Puisqu'elle est un bâton merdeux."

(Les fleurs du mal, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, 235 - avec cette superbe couverture de Pierre Coulon)

Baudelaire est le seul poète que je relis régulièrement. Il y a bien longtemps - je devais avoir vingt ans et supportais mieux l'acool qu'aujourd'hui - je pouvais réciter "Une charogne" de mémoire pendant une beuverie d'étudiants.

Je me dis que si C.B. revenait aujourd'hui, il jetterait probablement un regard différent sur SON pays...

Écrit par : Éric Dejaeger | lundi, 12 juin 2006

Petite remarque en pâââssant, concernant la peintututure de Reuhreuhreuhnoir : la mâââdame à gauche sur la twâââle, elle est pââârisienne itou ?

Écrit par : Éric Dejaeger | lundi, 12 juin 2006

Et pourquoi pas ?

Écrit par : Ray | lundi, 12 juin 2006

Eric, tu pourrais peut-être lire "Au grand miroir" de Gilles Ortlieb (sur l'année belge de Baudelaire). Un très bel ouvrage dans la collection singulière L'un et L'autre de Gallimard.

Écrit par : Calou | mardi, 13 juin 2006

Je note, Calou. Je te sais d'excellent conseil.

L'année belge de Baudelaire ne fut certainement pas sa meilleure...

Petit détail sans importance : la date de sa mort et ma date de naissance sont les même, à quelques années d'intervalle.

Écrit par : Éric Dejaeger | mardi, 13 juin 2006

Les commentaires sont fermés.