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lundi, 27 février 2006

Eaux-fortes et pointes sèches de Rembrandt

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13:41 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Topor a fait vachement mieux.

Écrit par : Éric Dejaeger | lundi, 27 février 2006

Vous connaissez la chronique sur Buffet de Vialatte ?

La signature de Bernard Buffet ressemble à un fagot d’épines. Quand il peint un bouquet c’est un bouquet de chardons ; un animal, c’est le homard ou le grondin, une bête toute en pinces, en arêtes et en griffes ; en piquants et en barbelé. Ses personnages n’ont que des os ; ses poires aussi, il a inventé la poire en bois, longue, noire et mince comme un fil pour jours de deuil et de famine. Tout ce qu’il peint naît en carême. Ses grandes toiles s’appellent « Les Pendus » ou « Les Poteaux d’exécution » ; quand il fait un portrait c’est celui de Dominici ; quand un de ses amis se suicide, c’est en se décapitant, ce qui demande du parti pris, du tour de main et de l’ingéniosité ; s’il rêve c’est d’un groupe noir d’hommes armés de fusils qui posent pour le photographe en face d’un plat où se trouve la tête d’un assassin. En un mot, il n’y a pas de jovialité dans les toiles de Bernard Buffet. Elles font songer à une roseraie sans roses. Il n’est resté que les tiges des rosiers, verticales, parallèles, griffues, pareilles à des bâtons de fusain ; c’est la pluie qui les a noircies ; le ciel est noir ; le jardinier est en deuil ; de sa femme qui vient de mourir ; en apprenant le trépas de ses dix enfants (le cadavre est à la cuisine) ; ça n’a d’ailleurs pas d’importance. La fin du monde est pour dans un instant. Résumons-nous : en 1940, Bernard Buffet avait dix ans.
Maintenant il e n a vingt-six. Il habite le château d’une favorite des princes, il ne boit que dans le cristal gravé, son jardinier est vénitien, son chauffeur n’admet que la Rolls Royce. Il a son parc, son lac, son île, son singe, son bouledogue, son cotre et son chien policier. C’est dans le château qu’il peint à longueur de journée un tableau qui représente, en gros et d’une façon générale, une table de cuisine pauvre, nue comme la main, livide comme un cadavre, qui se vend dans les deux millions. C’est dans son parc qu’il rêve. A quoi ? A ce qu’il y a de plus pointu. Et par exemple à des couteaux de cuisine avec une lame triangulaire (ça pique mieux) et un tranchant concave, parce que c’est plus méchant. On ne les trouverait pas dans le commerce. A l’école, il paraît qu’il mordit sa maîtresse. Au poignet. Ce n’est peut-être pas vrai. Mais c’est plus beau et plus explicatif.

Alexandre Vialatte. Extrait de "Et c’est ainsi qu’Allah est grand", dans ses Chroniques des clés de l’art (Editions Pocket, n°3346)

Écrit par : Calou | lundi, 27 février 2006

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