vendredi, 27 janvier 2006
Les gestes étranges que pour tuer l'amour inventent les amants...
Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse
Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts
Mire ses bras lointains tournés avec mollesse
Sur la peau sans couleur du ventre découvert.
Elle vide, elle enfle d'ombre sa gorge lente,
Et comme un souvenir pressant ses propres chairs,
Une bouche brisée et pleine d'eau brûlante
Roule le goût immense et le reflet des mers.
Enfin désemparée et libre d'être fraîche,
La dormeuse déserte aux touffes de couleur
Flotte sur son lit blême, et d'une lèvre sèche,
Tête dans la ténèbre un souffle amer de fleur.
Et sur le linge où l'aube insensible se plisse,
Tombe, d'un bras de glace effleuré de carmin,
Toute une main défaite et perdant le délice
A travers ses doigts nus dénoués de l'humain.
Au hasard! A jamais, dans le sommeil sans hommes
Pur des tristes éclairs de leurs embrassements,
Elle laisse rouler les grappes et les pommes
Puissantes, qui pendaient aux treilles d'ossements,
Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges,
Et dont le nombre d'or de riches mouvements
Invoquait la vigueur et les gestes étranges
Que pour tuer l'amour inventent les amants...
Paul Valéry, William Bouguereau
18:45 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Puisssannt, j'aime le sétois...!
Thanks!
Écrit par : Bona | vendredi, 27 janvier 2006
Ça me fait plutôt penser à du sous-Baudelaire, parking -3.
Quant à certaines images...
"Une bouche brisée et pleine d'eau brûlante
Roule le goût immense et le reflet des mers" Beurk ! L'hygiène bucco-dentaire ne devait pas être le fort de l'époque.
"La dormeuse déserte aux touffes de couleur" ?????
Écrit par : Rick Hunter | samedi, 28 janvier 2006
Tous ses échos de Valéry m'enchantent.... Juste une trace de mon passage, et de mon plaisir à errer dans votre blog.
Écrit par : S. | samedi, 28 janvier 2006
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