lundi, 14 novembre 2005
Faire une œuvre d'art
Car les vérités que l'intelligence saisit directement à claire-voie dans le monde de la pleine lumière ont quelque chose de moins profond, de moins nécessaire que celles que la vie nous a malgré nous communiquées en une impression, matérielle parce qu'elle est entrée par nos sens, mais dont nous pouvons dégager l'esprit. En somme, dans ce cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse d'impressions comme celles que m'avait données la vue des clochers de Martinville, ou de réminiscences comme celle de l'inégalité des deux marches ou le goût de la madeleine, il fallait tâcher d'interpréter les sensations comme les signes d'autant de lois et d'idées, en essayant de penser, c'est-à-dire de faire sortir de la pénombre ce que j'avais senti, de le convertir en un équivalent spirituel. Or, ce moyen qui me paraissait le seul, qu'était-ce autre chose que faire une œuvre d'art?
Marcel Proust, Le temps retrouvé
22:40 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
J'ai pour old Marcel une admiration éperdue depuis le jour - lointain - où (extase fuligineuse) j'ai découvert que c'était le plus fabuleux auteur de Haikus que je connaissais . (je ne supporte , dois je le noter , que les haikus irréguliers)
Écrit par : hozan kebo | mercredi, 16 novembre 2005
Un exemple ?
Écrit par : Ray | mercredi, 16 novembre 2005
l'intégralité de la Recherche
est un haiku (un peu développé) :
"Dans l'eau du vieil étang
Plof ! il a sauté
le Temps"
(une version apocryphe dit :
"dans l'eau du vieil Etant"
(version trop heidegerienne pour être vrai)
Écrit par : hozan kebo | jeudi, 17 novembre 2005
En chinois ça donne : Ai temps
Écrit par : Ray | jeudi, 17 novembre 2005
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