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lundi, 26 septembre 2005

Le moi n'est pas maître dans sa propre maison

L'homme, quelque rabaissé qu'il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s'est forgé quelque part, au cœur de son moi, un organe de contrôle qui surveille si ses propres émotions et ses propres actions sont conformes à ses exigences. Ne le sont-elles pas, les voilà impitoyablement inhibées et reprises. La perception intérieure, la conscience, rend compte au moi de tous les processus importants qui ont lieu dans l'appareil psychique, et la volonté, guidée par ces renseignements, exécute ce qui est ordonné par le moi, corrigeant ce qui voudrait se réaliser de manière indépendante (…).
Dans certaines maladies, et, de fait, justement dans les névroses, que nous étudions, il en est autrement. Le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi ; ils résistent à toutes les forces de la volonté qui ont déjà fait leurs preuves, restent insensibles à une réfutation logique, ils ne sont pas touchés par l'affirmation contraire de la réalité. La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi :
"Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta défense; tu luttes avec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassembler toute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur. (…) La faute, je dois le dire, en revient à toi. Tu as trop présumé de ta force lorsque tu as cru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé de tenir compte le moins du monde de leurs aspirations. Ils se sont alors révoltés et ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression, ils ont conquis leur droit d'une manière qui ne pouvait plus te convenir.(…) Le psychique ne coïncide pas en toi avec le conscient : qu'une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose(…)."
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

Freud, Essais de psychanalyse appliquée

Max Ernst. L'Ange du foyer ou Le Triomphe du surréalisme

Commentaires

Pourtant il y a des anges qui viennent au foyer de l'enfant par une autre voie. J'ai vu plusieurs fois sortir de la bouche d'un enfant encore très petit des paroles d'une vérité absolue (parfois même un calcul mathématique) dont ni lui ni personne ne pouvait savoir la provenance. Ensuite il était troublé et détournait les yeux, ne voulait pas qu'on lui en demande davantage. Cette parole venue d'ailleurs, pourquoi vouloir la soumettre "à la maîtrise de ton vouloir" ? Il faut monter à bord, plutôt.

Écrit par : Alina | lundi, 26 septembre 2005

Le plus souvent, de toutes façons, qu'on le veuille ou non justement, cette parole sort, dans le cas des enfants, des saints et (peut-être)des artistes on est du côté des anges, mais pour d'autres...

Écrit par : Ray | lundi, 26 septembre 2005

Dans le cas de Max Ernst, d'ailleurs, cet "ange du foyer" est carrément monstrueux. Voilà ce qu'il dit, avec du recul, de ce tableau peint en 1937, et sur lequel on voit Loplop (le petit oiseau à gauche, représentant de Max Ernst dans ses tableaux) essayant d'arrêter avec ses petits moyens d'artiste le monstre qui menace l'Europe entière après avoir commencé son carnage en Espagne (on reconnait au second plan les hauts plateaux espagnols):
"Il s'agit là d'un tableau que j'ai peint après la défaite des Républicains en Espagne. C'est évidemment un titre ironique pour désigner une sorte d'animal aveugle, qui détruit et anéantit tout sur son passage. C'était l'impression que j'avais à l'époque, de ce qui allait bien pouvoir se passer dans le monde, et en cela j'ai eu raison."

Écrit par : Roland Fuentès | lundi, 26 septembre 2005

N'empêche, le moi n'est pas le maître, et ça lui rabat un peu le caquet ! De quoi lui clhouellebec ! Pas idiot, Freud, non ?

Écrit par : J.-J. M. | lundi, 26 septembre 2005

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