Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 24 septembre 2006

In memoriam : Alain Dubrieu

Alain Dubrieu, dans « Le désert de l’iguane », raconte dans un style flamboyant mais sans rien cacher de la vérité ses dix ans passés en prison. Dans la mouvance des années 70 et du gauchisme, il avait participé à des casses, tout en refusant la violence sur la personne. Dénoncé, il était tombé. Au lieu de se tenir tranquille et d’attendre les remises de peine, il deviendra actif dans la constitution des comités de prisonnier et ne bénéficiera d’aucune remise ; il fera "ses" dix ans au lieu des cinq seulement qu'il aurait fait sinon. C'est cette expérience qu'il raconte dans "Le désert de l'iguane" où il décrit  l’univers de la prison et ses mécanismes, et ceci de manière extrêmement précise tout en écrivant un livre splendide. Comment certains taulards fabriquaient de l'alcool frelaté grâce à un alambic construit de bric et de broc dans un sous-sol oublié d'une prison. C'est d'ailleurs à partir de là qu'il deviendra alcoolique ; il mourra d'un cancer du pancréas une vingtaine d'années plus tard. Pierre Torreilles, poète et fondateur de la librairie Sauramps à Montpellier, lui avait donné sa chance en l'embauchant comme libraire. J’ai eu la chance d'être son copain, les dernières années de sa vie, suite au roman collectif « 13, cours des chevaliers du mail ». Il ne s’est jamais remis de ces dix années. Il avait une aversion profonde pour l’injustice et n’a jamais accepté les compromis. Après avoir été un des auteurs phares du néo-polar dans les années 70, et fait un peu tous les boulots de l’écriture (nègre, auteur de romans érotiques),  il était pratiquement oublié à la fin de sa vie. Il publia notamment, sous forme de pamphlet, avant de mourir : « Citadelles de l’oubli », un nouveau et actualisé réquisitoire contre la prison.

Premières lignes du "Désert de l'iguane" :

Brutale éclate la stridence d'une sonnerie sciemment prolongée par le maton du kiosque, nouant les nerfs sous le cocon soudain crevé des chauds bien-être en oubli... Bondir du lit ?... Une gageure... Mais se laisser lentement remonter à la surface, délaissant pour douze heures les oniriques profondeurs, et prendre pied sur le rivage-punition... Poser un orteil audacieux... Un autre... Sadiquement bercé... Brutalisé par le vacarme... Bruits de verrrou qui claquent et harcèlent... Beuglement des brutes à cravate, barbares soucieux de jeter bas ces bon dieu de Bandits des bras complices de Morphine (et tous ces dérivés), louche déesse de l'A.P., l 'Administration Pénitentiaire, où l'austère Pandémonium qu'il ne faudrait pas prendre pour les berges balinaises... Et se lever enfin, vacillant, ouvrir en grand les deux battants de la lucarne du clapier, et respirer, et regarder...

Gallimard, collection La noire