lundi, 03 janvier 2022
Une obscurité de glaïeuls
Un vent de terre souffle une haleine chaude et mon cheval, rude et âpre comme le sel se cabre face à la montagne.
Enfin le vent du soir coule une giclée de citron frais sur les collines et ce fleuve immense aux reflets roses qui file grand large vers la mer – ample mouvement de ses méandres, inachevé, cours à l’apparence immobile mais forces profondes, latentes, terribles.
Une obscurité de glaïeuls.
Maintenant, point nodal de l’existence, rien ne compte ici que les âmes et leurs écoulements réciproques et cette onde qui coule et nous relie.
Fi du temps et de l’espace multipliés.
Nous sommes de cette essence limpide et, de cap en cap jusqu’à la fraîcheur placide des futaies, cet échange d’ombre et de lumière, l’obscur et l’éclat enfin mêlés.
Un aigle pur et sage tournoie sur le faîte du monde.
Sa proie s’inscrit dans son être comme une prolongation de lui-même.
De profondes vallées, dans une eau verte et noire, se détachent de la brume.
Un pic insolite dresse sa palme sur le flot des hêtres.
La forêt, noyée de pourpriers, ondule comme une flamme attisée par un souffle de forge qui inonde tout sur son passage.
Raymond Alcovère, L'aube a un goût de cerise, N&B éditions, 2010, extrait
Photo de Letter Muir
20:34 Publié dans L'Aube a un goût de cerise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : letter muir