dimanche, 25 mars 2007
Ce que j'essaie de vous traduire est plus mystérieux que tout
Pour que les esclaves modernes acceptent, et même revendiquent, leur condition, il faut les droguer d’images et de racontars en permanence, et qu’ils n’aient pas la plus petite distance, le moindre recul par rapport à leur propre situation. Sauf pour s’effrayer d’être à ce point gratuits et serviles, d’où soumission renouvelée et renforcée d’angoisse. Ca marche ? Oui. On y est arrivé. Il ne leur viendrait pas à l’idée de regarder vraiment quoi que ce soit par eux-mêmes, et si jamais s’en formait en eux l’intention confuse, aussitôt sonnerie : danger. Vont-ils demander la permission d’avoir une perception qu’ils sentent devoir être imminente ? Même pas. Mieux vaut y renoncer d’emblée. C’est ce que je disais : les files d’attente devant les musées ressemblent à celles d’autrefois, devant les ambassades, pour obtenir un visa. Ils viennent pointer ou se faire homologuer par la caméra invisible. Nous avons été voir les peintures, le Maître n’arrête pas de nous dire qu’elles sont très précieuses, il va être content. Certains d’entre nous ont même fait l’effort particulier d’acheter un livre que, d’ailleurs, ils ne liront jamais, faute de temps. Ouf, à table. Télévision.
Philippe Sollers, Extrait de La fête à Venise, roman
Paul Cézanne devant ses "Baigneuses"
01:03 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, art, peinture, Cézanne, Philippe Sollers
Commentaires
Ce que j'essaie de vous traduire est plus mystérieux que tout, s'enchevêtre aux racines mêmes de l'être, à la source impalpable des sensations...
P. Cézanne
Oui, comme le dit Sollers, c'est une autre chose que d'aller voir le dernier film ou la dernière expo pour dire aux autres qu'on est au top.
Écrit par : endora | dimanche, 25 mars 2007
Ce texte me réconforte. Il me conforte (j'ai naturellement parfois des doutes) dans le fait que j'ai fait le bon choix en m'éloignant de tout ce milieu d'opinions. Amitiés.
Écrit par : ariaga | lundi, 26 mars 2007
Comme disait mon pote Marcel P. : "il ne faut jamais avoir peur d'aller trop loin, car la vérité est toujours au-delà" !
Écrit par : Ray | lundi, 26 mars 2007
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