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lundi, 12 mars 2007

Et cette illusion de bonheur

medium_Email0344.4.jpgEnvie de sortir, de marcher, je suis monté à San Martino. Ce genre de décor somptueux, chargé m’aurait déplu il y a quelques années. Dorures, stuc, marbres polychromes, couleurs fondues, motifs enlacés, anges virevoltants, tout est fait pour dérouter l’âme, qu’elle vacille, l’enlever des griffes du réel, la jeter dans un monde de miroirs corruscants, un crépitement de pierreries, de marbres roses. Les plafonds figurent  des ouvertures vers le ciel, vers d’autres images, où rien ne finit jamais. Une illusion de bonheur qui n’a jamais de fin. Toujours plus de couleurs, de rondeurs, de trompe-l’oeil. Et cette illusion de bonheur finit par devenir bonheur...

Raymond Alcovère, extrait de "Fugue baroque", n & b, 1998

Tableau de Frédérique Azaïs

Commentaires

Quelle foisonnante description du baroque. C'est un style d'alchimiste et cela me "parle" beaucoup. Ainsi que l'illustration, d'ailleurs. Amitiés. Ariaga.

Écrit par : ariaga | lundi, 12 mars 2007

Mon âme est une infante

Mon Ame est une infante en robe de parade,
Dont l'exil se reflète, éternel et royal,
Aux grands miroirs déserts d'un vieil Escurial,
Ainsi qu'une galère oubliée en la rade.

Aux pieds de son fauteuil, allongés noblement,
Deux lévriers d'Écosse aux yeux mélancoliques
Chassent, quand il lui plaît, les bêtes symboliques
Dans la forêt du Rêve et de l'Enchantement.

Son page favori, qui s'appelle Naguère,
Lui lit d'ensorcelants poèmes à mi-voix,
Cependant qu'immobile, une tulipe aux doigts,
Elle écoute mourir en elle leur mystère...

Le parc alentour d'elle étend ses frondaisons,
Ses marbres, ses bassins, ses rampes à balustres ;
Et, grave, elle s'enivre à ces songes illustres
Que recèlent pour nous les nobles horizons.

Elle est là résignée, et douce, et sans surprise,
Sachant trop pour lutter comme tout est fatal,
Et se sentant, malgré quelque dédain natal,
Sensible à la pitié comme l'onde à la brise.

Elle est là résignée, et douce en ses sanglots,
Plus sombre seulement quand elle évoque en songe
Quelque Armada sombrée à l'éternel mensonge,
Et tant de beaux espoirs endormis sous les flots.

Des soirs trop lourds de pourpre où sa fierté soupire,
Les portraits de Van Dyck aux beaux doigts longs et purs,
Pâles en velours noir sur l'or vieilli des murs,
En leurs grands airs défunts la font rêver d'empire.

Les vieux mirages d'or ont dissipé son deuil,
Et, dans les visions où son ennui s'échappe,
Soudain - gloire ou soleil -un rayon qui la frappe
Allume en elle tous les rubis de l'orgueil.

Mais d'un sourire triste elle apaise ces fièvres ;
El, redoutant la foule aux tumultes de fer,
Elle écoute la vie - au loin - comme la mer...
Et le secret se lait plus profond sur ses lèvres.

Rien n'émeut d'un frisson l'eau pâle de ses yeux,
Où s'est assis l'Esprit voilé des Villes mortes ;
El par les salles, où sans bruit tournent les portes,
Elle va, s'enchantant de mots mystérieux.

L'eau vaine des jets d'eau là-bas tombe en cascade,
Et, pâle à la croisée, une tulipe aux doigts,
Elle est là, reflétée aux miroirs d'autrefois,
Ainsi qu'une galère oubliée en la rade.

Mon Ame est une infante en robe de parade. (A. Samain)

Voilà, votre texte m'a évoqué ce texte qui vous va si bien... en trompe-l'oeil !

Ah l'illusion, sans laquelle les choses ne seraient que ce qu'elles sont...

Écrit par : endora | mercredi, 14 mars 2007

Oui, merci, superbe texte !

Écrit par : Ray | mercredi, 14 mars 2007

Les commentaires sont fermés.